Persistance des détournements de deniers publics dans notre administration : Tolérance zéro

1 September, 2022 - 03:14

Nous devons beaucoup prier et demander au bon Créateur de nous couvrir de sa Miséricorde pour faire disparaître à jamais le cycle infernal des détournements de deniers publics auxquels l'Inspection Générale d'État nous fait, cette semaine, le rappel d'une amère réalité. Nous avons pourtant vaincu le covid. Une pandémie mortelle. Pourquoi nous montrons-nous si faibles face à la corruption et aux détournements de deniers publics ? Pourquoi ne pas donner un coup d'arrêt définitif à ce fardeau que nous continuons de traîner sans raison ?
Au-delà des chiffres qui donnent le vertige, je m'attarderai beaucoup plus sur la déclaration de l'IGE qui traduit un aveu d'échec face à ce fléau qui semble injustement inscrit dans nos ADN. "Quiconque peut détourner des deniers publics, mais une fois démasqué, il est tenu de restituer les fonds détournés ou aller en prison". L'expression est d'une notoire maladresse. Et tout patriote mauritanien ne devrait jamais l'admettre. C'est une immense erreur que nous commettons. Celle d'accepter qu'une multitude d'infractions criminelles se déroulent devant nos yeux. La puissance régalienne devrait l'interdire et s'y opposer avec la dernière énergie.
On devrait s'en tenir au principe suivant. Une tolérance ZÉRO DÉTOURNEMENT. C'est plus que possible. C'est le cas dans tous les États de droit. Cette tolérance ZÉRO DÉTOURNEMENT devrait s'appliquer à tous les agents publics en Mauritanie. On devrait tenir une nouvelle formulation en adéquation avec la criminalité que constitue la fréquence intolérable des détournements. "Nul ne pourra détourner des deniers publics, etc ...". Et lutter férocement contre ces délinquants qui méritent une sanction exemplaire.

 

Sanction exemplaire

Tout ce que j'ai appris en droit, procédure pénale, politique criminelle ainsi qu'en droit comparé, et Dieu sait que depuis 47 ans j'en ai bavé pour en accumuler le maximum, semble avoir été mis de côté dans les affirmations de l'IGE. Le rôle de cette institution est de traquer les détournements, identifier les auteurs ainsi que l'ampleur des dégâts. Le reste, la sanction et le sort des détourneurs est une affaire relevant en principe des lois impératives de notre Justice pénale. Notamment du ministère public, des procureurs de la République agissant au nom de la société que représente la communauté des citoyens de notre Nation. Le parquet, et plus exactement le procureur de la République, est immédiatement averti dès qu'une infraction criminelle punie par les lois répressives est commise sur le territoire. C'est la règle dans tous les États de droit.
Je suis dès lors surpris que l'IGE ne mentionne jamais l'infraction pénale qui se constitue dès le premier acte de détournement ainsi que la somme de toutes les actions ayant conduit à la soustraction frauduleuse des deniers publics. Dans ces conditions, l'agent public devenu criminel aux termes de la loi anticorruption de 2016 devrait être immédiatement limogé ou licencié pour faute lourde. Et relevé immédiatement de toutes ses fonctions et responsabilités. Si ce n'est pas le cas présentement, il faudra veiller à ce que cela le soit à l'avenir. Sans oublier qu'une plainte devra être déposée dans l'urgence absolue auprès du procureur de la République, lequel  diligentera l'action publique avec neutralisation immédiate du mis en cause.
Ne nous trompons jamais. Arrêté, enchaîné, humilié et jeté en prison, le détourneur, sans qu'on ait besoin de le mettre en demeure de rembourser, un avantage exorbitant qu'il ne mérite pas, mobilisera obligatoirement ses avocats pour rembourser sans délai et négocier une liberté provisoire. Ces détourneurs enfants gâtés, se pavanant dans leurs bolides, n'ont jamais connu les affres d'une prison sans climatiseur, des toilettes publiques partagées avec les voyous de la rue et tutti quanti. De quels droits devraient-ils bénéficier de conditions exorbitantes du droit commun ? Ce sont des citoyens comme tous les mauritaniens dont parlent les premiers articles de la Constitution.
Mais pour cela, il faudra changer une grande partie de nos lois pénales actuelles inadaptées à la grande criminalité financière. Je possède bien entendu une multitude d'idées et des propositions concrètes, avec sans doute d'autres collègues, pour nous permettre d'enrayer définitivement le mythe des détournements de deniers publics dont on voudrait nous faire croire qu'ils s'imposent à l'État. Les activités illicites, le faux et son usage ainsi que la violation systématique des lois de la République ne sont jamais admis dans un État de droit. Force doit toujours rester à la Loi et au Droit.

Béchir Fall,  Juriste Expert International