Guerre d’Ukraine, suite... élections françaises, suite… révélations ou confirmations ?

26 May, 2022 - 02:25

Trois mois de guerre en Ukraine confirment la solidarité de ce pays avec les Etats-membres de l’Union européenne – le Vieux Monde se sentant menacé par une invasion russe qui n’a pas, pourtant, empiété sur ses frontières, garanties, il est vrai par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (O.T.A.N.), mais au point que deux Etats, traditionnellement neutres vont adhérer au traité de 1949. Ils confirment aussi – par une augmentation de près de 20 % de la population polonaise -qu’il continue d’exister une continuité historique, ethnique, linguistique de la mer Baltique à la mer Noire, une continuité très antérieure à la formation de l’ensemble russe.

 

Ils révèlent qu’un peuple s’unifie, opère des prodiges, souffre le martyre dès lors que la menace est globale et mortelle. Cette menace a été doctrinalement exposée par Vladimir Poutine dans un article de Juillet 2021 et par un « penseur » précisant, en Février dernier, que l’« opération militaire spéciale » a un but, pas du tout territorial mais idéologique et sécuritaire : la « dénazification de l’Ukraine », qui s’opère par le bombardement des populations civiles et par la destruction complète de villes importantes afin d’obtenir une évacuation sans précédent en Europe contemporaine.

 

Plusieurs surprises : l’attaque russe a été le fait de matériels au sol souvent très anciens et de troupes très jeunes, pas formées (entre autres aux lois internationales de la guerre) et arrivant de l’autre extrémité de la Fédération : principalement de Sibérie. La résistance ukrainienne, souvent des contre-offensives dans des zones censément irréversiblement gagnées à la Russie, sont de plus en plus armées – massivement – par quelques Etats européens, l’Allemagne surtout, et par les Etats-Unis. L’invasion russe, sans préavis, ni prétexte, a donc pour but de consolider les Républiques séparatistes, d’assurer une continuité territoriale avec la Crimée (si importante stratégiquement : la grande guerre de 1856 opposant au tsar Nicolas Ier, la France et l’Angleterre aux côtés de l’Empire ottoman commandant l’accès à la mer Noire et sa sortie), et enfin d’écarter de l’attraction supposée d’une pratique démocratique. A tel point que la Biélorussie, exemplaire par ses récentes élections présidentielles, instaure la peine de mort pour toute « tentative terroriste ».

 

Confrontation entre deux systèmes

 

De semaine en semaine, le point focal du conflit change : l’est de l’Ukraine, puis les villes du nord, Kharkiv et même la capitale Kiev, et par à coup Odessa dont le blocus déséquilibre l’ensemble des approvisionnements en céréales et en oléagineux dans le monde entier, et spécialement pour les pays des rives méridionales et orientales de la Méditerranée.

 

Cette guerre est aussi de communication. L’Europe occidentale, directement en cause, et l’Amérique du nord ont foi dans l’intrépide président ukrainien, Volodomyr Zellinski, comédien de profession, caricaturiste (précisément) de Vladimir Poutine avant d’être candidat. Par l’audiovisuel, l’Ukrainien est au festival de Cannes et au sommet de Davos. Mais le reste du monde, si l’on considère les votes à l’Assemblée générale des Nations Unies pour ou contre des sanctions à la Russie, n’a pas pris autant parti. A croire qu’il s’agirait surtout d’une confrontation entre deux systèmes de gouvernement : la dictature et la démocratie.

 

Justement, la France censément démocratique illustre-t-elle une pratique sincère. L’abstention augmente de trois ou quatre points d’une élection présidentielle à l’autre. L’extrême droite est de plus en plus interdite de légitimité et donc de bulletins de vote. Or, elle n’a jamais atteint un tel niveau de suffrages. Que se forme une coalition de toutes les formations de gauche et que soit d’avance acceptée la direction d’un gouvernement de « cohabitation » par le candidat arrivé troisième au premier tour, l’accord est raillé par la quasi-unanimité des médias.

 

Les deux scènes : une guerre atroce, des élections censées ne pas diminuer l’emprise présidentielle sur la vie nationale, sont liées par Emmanuel Macron à la vocation de comédien discernée dès avant l’adolescence par sa future épouse. Presque seul des dirigeants occidentaux, il n’est pas venu à Kiev depuis que se sont ouvertes les hostilités. L’invasion date du 24 Février – trois mois de date, maintenant – mais sa visite, depuis Moscou, eut lieu, bien avant : le 8 Février. Et tandis que les Ukrainiens payent de leur sang leur auto-détermination pour entrer dans l’Union européenne, le président français ne propose qu’une hypothétique Communauté politique européenne, déjà manquée dans les années 1950 puis à la « chute du Mur » de Berlin. L’Ukraine refuse cette proposition qui la rabaisse, mais le nouveau ministre délégué aux affaires européennes affirme que l’adhésion de l’Ukraine demandera quinze ou vingt ans.

 

Tandis que s’affirme et se mérite, spectaculairement, un pays, un autre – le mien, hélas !  – oublie ce qu’il a été et ce qu’il doit être. Le général de Gaulle ne s’y serait pas trompé.

 

 

 

 

Bertrand Fessard de Foucault,

 

ancien enseignant à l’E.N.A. mauritanienne alors en cours de fondation : 1965-1966

chroniqueur au Monde : 1972 à 1982, et à la  : 1972 à 1997

ancien ambassadeur (malheureusement : pas en Mauritanie)

surnommé en 1974 : Ould Kaïge,

par le président Moktar Ould Daddah, béni de Dieu et des hommes