ProLPRAF : Un ciblage et une planification au plus près des pauvres

25 December, 2014 - 09:15

Le but du ProLPRAF est l’amélioration, dans ses zones d’intervention, des revenus et des conditions de vie des populations rurales pauvres actives au sein de filières. Depuis sa mise en œuvre, le Programme a initié un processus inédit de ciblage des ménages pauvres et une planification systématique des actions qui seront négociées avec les faîtières et les organisations rurales de producteurs, avant d’être intégrées dans ses Programme de Travail et Budget Annuel (PTBA) et Programme de Travail Annuel par Filière (PTAF).

Le coordinateur du programme, Mohamed ould Abdellahi, a achevé, il y a quelques jours, une tournée de suivi du site du pôle maraîcher en préparation  à Kankossa (sud de l’Assaba), au profit du Ministère de l’Agriculture. L’homme est un habitué des tournées, qu’il effectue, souvent à pas de charge, dans les neuf wilayas d’intervention, pour s’enquérir de la situation des  groupes-cibles ayant (ou devant) bénéficié de l’appui du programme.

Les actions sont financées par le gouvernement mauritanien, le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et la Coopération italienne. Les bénéficiaires, pour les filières maraichage et aviculture, ont été ciblés au terme d’une vaste enquête qui a porté, entre autres, sur le potentiel des zones censées profiter des investissements, l’existence de flux commerciaux et la disponibilité d’infrastructures d’accès aux marchés, pour les producteurs ruraux pauvres actifs au sein de ces filières, parmi les cinq autres – dattes, produits forestiers non ligneux, peaux et cuirs, lait et viandes rouges – soutenues par le programme.

« Par le passé, les appuis aux filières que nous soutenons étaient ponctuels et orientés vers les producteurs seulement », explique monsieur Bamanthia Tandia, responsable de la composante Facilitation, « le ProLPRAF cherche, lui, à appuyer la filière dans son ensemble, depuis la production jusqu’à l’arrivée du produit sur le marché. A cet effet, il appuie les producteurs pauvres pour leur permettre de générer une valeur ajoutée, tout en facilitant leur accès aux marchés avec des produits de grande valeur. Il appuie également les autres acteurs de la chaîne de valeur (transporteurs, fournisseurs d’intrants, commerçants, etc.) ».

 

Bien cibler les pauvres avant d’intervenir 

A la suite de plusieurs missions de sensibilisation et enquêtes (enquête diagnostic de marché, enquête auprès des ménages et  institutions en milieu rural), le programme a identifié des Pôles Géographique d’Intervention (PGI) dans les wilayas qui constituent sa zone d’intervention. « Chaque PGI est bâti autour de zones potentielles de production où un nombre suffisant d’acteurs exercent des activités de production, transformation, transport, stockage… liées aux filières soutenues par le Programme », poursuit monsieur Tandia. Pour le cas spécifique des filières maraîchage et aviculture, ces enquêtes ont permis d’aboutir à l’identification des acteurs (ménages pauvres et institutions), les capacités de production, les principaux marchés d’écoulement et de provenance des produits, etc. Une base de données sur les ménages et institutions-cibles est disponible auprès du Programme. A la suite de ce processus, des appels à propositions, destinées à l’ensemble des institutions-cibles actives, éligibles et intéressées, au sein de ces filières, ont été lancées en août 2013. Ensuite, des opérateurs (ONG locales et nationales) ont été recrutés, pour assurer l’accompagnement de proximité des organisations rurales intéressées, qui sont  membres des Groupes de Travail Filière (GTF) mis en place par les acteurs des filières, avec l’appui du Programme. Celui-ci dispose, dans sa composante 3, d’un Fonds d´Appui aux Filières (FAF), destiné essentiellement à financer les propositions retenues, suite à ces appels dans les zones ciblées.

«Le programme s’enquiert de la régularité du diagnostic avant de lancer ses investissements. Nous nous assurons, sur le terrain, de qui est qui ? Qui fait quoi ? », indique  Brahim ould Sidi Mohamed, responsable du FAF, avant d’ajouter : « Comme nous ciblons les plus pauvres, les plus vulnérables, nous vérifions, sur le terrain, s’il n’y a pas d’exclusion de ces couches-là. Le programme cible, en particulier, les femmes et les jeunes, hommes ou femmes. Les premières doivent être veuves, divorcées avec enfants ou conjointes à mari handicapé, à charge ».

 

Ganki : Un poulailler pour dix-sept femmes

Supervisant l’équipe de terrain, les missions du coordinateur permettent souvent de mettre à jour et de redresser certaines erreurs de ciblage des bénéficiaires. Ce fut le cas au Gorgol où certaines activités liées à la filière aviculture ont été réorientées vers les véritables bénéficiaires. C’est grâce à l’application stricte des critères de ciblage et d’éligibilité, au FAF, que dix-sept «pauvres femmes » (des veuves et divorcées) de la localité de Ganki (Gorgol)  ont pu, récemment, bénéficier d’un poulailler. Cette localité qui avait été classée, dans un premier temps, dans une zone dite extrêmement vulnérable à la pauvreté où l’on compte de nombreuses veuves et divorcées ayant des enfants à charge, avait été recalée au profit d’une petite localité voisine ne rentrant pas dans les critères de ciblage et éligibilité du FAF. «C’est un fait rare qui démontre qu’au ProLPRAF, en dépit des recommandations et pressions des élus ou autres chefferies traditionnelle et religieuses, les critères de ciblage et d’éligibilité des ménages pauvres et des organisations rurales de producteurs auxquels ils sont affiliés passent avant tout », indique le responsable du FAF.

À l’instar d’autres ménages pauvres ayant bénéficié d’investissements du FAF, le programme mettra bientôt, à la disposition des femmes bénéficiaires du poulailler de Ganki, des poussins, du matériel (mangeoires et abreuvoirs) et des intrants vétérinaires. Par ailleurs, des agents de terrain, recrutés, pour un mois, par le programme, accompagneront les bénéficiaires dans le suivi sanitaire des poulaillers et la gestion de base de leur comptabilité, afin qu’elles disposent des outils de base vers une autonomisation économique progressive et une meilleure traçabilité de leurs fonds. Un appui, en matière de commercialisation des poulets de chair sur les marchés, sera également consenti.

 

Savoir planifier pour réussir

Comme dans un processus initiatique, les Plans d’Action par Filière (PAF) ont été conçus sur mesure par le Programme, ces dernières années, et adoptés formellement au sein des GTF. La grande nouveauté de cette année 2014-2015 est que ces documents  ont été entièrement élaborés par les faîtières et les organisateurs de producteurs. L’approche-filière initiée par le Programme en Mauritanie met un accent particulier sur cet aspect.

«Les missions de suivi permettent de vérifier, sur le terrain, si les faîtières et les organisations rurales de producteurs ou  coopératives que le programme appuie respectent effectivement l’une de ses exigences majeures, à savoir la planification participative et préalable des activités, sans laquelle l’impact, sur les populations bénéficiaires, peut être compromis. Ainsi des engagements peuvent être totalement remis en cause, si certaines parties prenantes (fournisseurs notamment) n’ont pas respectés les cahiers de charge. Ce fut le cas des semences non certifiées eu d’une motopompe qu’un fournisseur a voulu faire accepter à une coopérative », indique le responsable du FAF.

Toutefois, ces planification et suivi régulier des activités ne vont pas sans difficultés. Celles-ci sont souvent liées au caractère novateur de l’approche-filière en Mauritanie, qui exigent des délais importants, pour sa bonne appropriation par tous les acteurs d’une même filière ; à l’importance des besoins exprimés, par ces acteurs, aux ressources financières du programme, très limitées, ainsi qu’à l’étendue de la zone d’intervention du programme et à l’absence d’antennes locales.