Au saute-mouton/par Mohamed Salem Elouma Memah

16 September, 2021 - 00:39

Il n'est pas besoin d'être économiste pour comprendre que les commerçants, sains d'esprit, ont le cerveau naturellement façonné par la recherche du profit. C'est la raison d'être de leur activité. On peut leur faire confiance pour l’approvisionnement du marché, mais il serait naïf de compter sur eux pour tirer les prix vers le bas. Le penchant pour les marges bénéficiaires s'y opposera instinctivement.
C'est à l'Etat, en tant qu'émanation de la collectivité des consommateurs, de faire appliquer les règles d'une économie organisée. Le ministère du Commerce tient-il un tableau de bord des marchés de l'importation, afin de prévenir les situations de crise et s'y adapter le cas échéant, ou se contente-t-il des informations fournies par les importateurs ? La régulation des prix est au marché ce que les pare-feux sont aux aires de pâturage : ils empêchent la propagation des flammes.
Depuis quelques mois, les prix de tous les produits de commerce n'ont cessé de bondir, les uns après les autres, comme au jeu de saute-mouton. De plus, le rapport qualité/prix est généralement frustrant. La conjoncture internationale a été invoquée. Elle a forcément son impact sur tout pays qui s'approvisionne à l'extérieur. Mais il ne faut pas négliger, non plus, le rôle que peut avoir la course effrénée pour le gain rapide. L'Etat aura fort à faire s'il veut mettre le marché au pas, car un environnement habitué à l'indulgence, en matière de discipline commerciale, ressemble à un animal qui n'a pas été apprivoisé précocement : il devient récalcitrant au domptage quand il grandit. Cependant, l'Etat est appelé à manifester sa présence quand le seuil de tolérance est atteint.
Le subventionnement de produits de première nécessité est une réplique d'urgence à une situation pressante. Il contribuera sans doute à soulager des populations nécessiteuses, sans toutefois combler le besoin d'une politique des prix globale et durable. Pourquoi au juste le sacro-saint principe de libre concurrence ne produit-il pas sur notre marché les effets bénéfiques qu'il engendre ailleurs ? Il y a lieu de vérifier s'il n'est pas vicié quelque part.
Dans des pays d'économie libérale, les secteurs jugés stratégiques sont placés sous le contrôle direct ou rapproché de l'Etat. Si ici les tenants du libéralisme font obstacle à la remise sur pied d'une structure du genre Sonimex, déniant ainsi à notre alimentation son caractère stratégique, l'Etat se doit d'y remédier. Faute de quoi, le pouvoir d'achat des simples citoyens, déjà anémique, s'effritera dramatiquement.

Mohamed Salem Elouma Memah
Entre-citoyens