Méprisable mépris/par Abdel Majid Kamil

4 August, 2021 - 20:05

On est confondu face aux réactions méprisables – dans tous les sens du terme… – exprimées par certains tunisiens à l’aide offerte par la Mauritanie à leur pays. Je ne ferai pas, moi, injure au peuple tunisien, en rappelant le pourquoi de cette aide. Chaque pays, chaque personne, traverse des moments difficiles. Cela n’enlève rien à sa grandeur.

À l’écoute ou la lecture de ces propos grotesques, on éprouve d’abord la classique indignation face à ce qu’il faut bien appeler par son nom : l’imbécilité totale. Puis l’on y réfléchit un peu et l’on a plutôt pitié. Car votre réaction traduit une superficialité, une inconsistance, un manque d’éducation et de valeurs, qu’on ne peut regretter que…pour vous.

Si la Mauritanie est réellement ce que vous en dites, alors son geste n’en a que plus d’importance. Partager quand on a peu, quelle grandeur ! Mais savez-vous ce que grandeur signifie ? Que n’avez-vous suggéré à vos Autorités de retourner cette aide, si vous l’estimez à ce point infamante ? Au lieu de cela, vous faites remarquer que la quantité de poissons envoyée ne représente que 1,5 gramme par personne... Que voulez-vous ? Plus de poisson de la part de ces« pauvres bédouins qui n’ont même pas de budget public » ?

Le ressort psychologique de votre réaction fut analysé, il y a bien longtemps, par votre compatriote, Albert Memmi, dans son « Portrait du colonisé » – hé oui : le colonisé dont il parlait, c’est vous ! –élucidant le désir – peut-être devrais-je dire la frustration… – de vous rapprocher d’un monde occidental qui vous ramène, lui, à votre réalité arabe et africaine. Alors vous vous retrouvez –  inconsciemment et c’est cette inconscience qui est dramatique pour vous – dans la situation qu’expliquait Frantz Fanon dans un de ses livres. En France dans les années 1950, rapportait le célèbre psychiatre militant de la décolonisation, certains antillais étaient particulièrement virulents contre les Africains, auxquels ils ne voulaient surtout pas être assimilés par les blancs.

Réfléchissez un instant – essayez, du moins… –  à ceci : vous trouvez normal de recevoir de l’aide de tel ou tel pays, mais pas de la Mauritanie. Parce que la Mauritanie vous serait « inférieure ».  Et les autres ? Vous les considérez donc comme supérieurs à vous ? Complexe du colonisé, vous dis-je…La Tunisie n’en est pas moins un grand pays. Les Tunisiens, un grand peuple. Comme tous les Mauritaniens, je ne vous confonds ni avec votre pays, ni avec son peuple. Et nous sommes fiers que de nombreux tunisiens travaillent en Mauritanie, y vivent, y étudient, y ont fondé des familles ; nous aident. Je les remercie et respecte. Voilà pourquoi et même si je déteste la vulgarité, je tiens à vous dire combien je trouve méprisable votre mépris.

 

Abdel Majid Kamil

                                                                                                                       Ancien ambassadeur