L’ex-Président en prison : Et après ?

30 June, 2021 - 19:46

Depuis quelques jours, Mohamed Ould Abdel Aziz est en « prison » ; plus exactement détenu, COVID ou rang obligent, dans l’appartement où il fit naguère consigner Senoussi, l’ex-directeur des renseignements libyens. Rien pour le moment n’indique s’il rejoindra l’un des bagnes construits sous son règne et que son successeur contribuerait à rénover. Si les choses se déroulent normalement, beaucoup de pontes déchus devraient en effet y dormir prochainement, une fois leur complicité établie ; faute de quoi le pouvoir donnerait raison à l’ex-Président et ses soutiens, hurlant au règlement de compte politique et autre chasse aux sorcières.

En attendant la suite du feuilleton, le gouvernent peut se targuer d’avoir fait retomber la pression que s’employait à élever Ould Abdel Aziz depuis son inculpation sous contrôle judiciaire strict. La justice justifierait le placement en préventive par l’irrespect des ordonnances prises à cet effet. Des arguments balayés par les conseils de l’ex-Président toujours à agiter l’article 93 de la Constitution susceptible de le protéger, dénonçant une arrestation illégale et une procédure biaisée. Dernière trouvaille, les avocats affirment que leur client a été « provoqué par les forces de l’ordre », ce qui l’aurait poussé à ne pas se présenter à la DGSN. Et de se plaindre de n’avoir pas accès au dossier de leur client, réclamant les preuves fondant les accusations.

Quoi qu’il en soit, Ould Abdel Aziz est en détention préventive. Pour combien de temps ? Mystère. Sera-t-il envoyé à la prison civile de Nouakchott ou à l’intérieur du pays ? Pas de réponse pour le moment. Un no comment en écho à l’absence de réaction du moindre parti, alliance ou groupe de pression, excepté le porte-parole du gouvernement qui a tenu à rappeler que l’ex-Président a affaire à la justice et non au gouvernement. Un classique, au demeurant, depuis le début des ennuis d’Ould Abdel Aziz, d’une position tentant à démontrer que le pouvoir exécutif n’interféra pas dans la procédure, que la justice mauritanienne est indépendante et qu’elle jouera, par conséquent, pleinement son rôle.

 

Des préoccupations plus urgentes

Signe de cette volonté, le président de la République s’est envolé pour la France le lendemain même de l’arrestation de son ex-ami. Pour un contrôle médical, dit-on diplomatiquement, ou pour rassurer les partenaires sur les implications de cette arrestation. On se rappelle que l’ex-puissance coloniale  comptait sur le rôle d’Ould Abdel Aziz au G5 Sahel dont un des hommes forts du régime actuel présida le commandement de forces. En l’occurrence, le général Ould Hanena. Or notre ministre de la Défense  est à Moscou où il vient de signer un accord militaire avec la Russie. Manière de dire à la France : « circulez, y a rien à voir ! » ? Il est en tout cas probable que cet accord, conclu au lendemain de l’annonce du retrait de la force Barkhane du Mali – pays secoué par les djihadistes et autres terroristes mais depuis quelque temps engagé dans une transition contrastée – nécessite une séance d’explication entre Ghazwani et Macron.

Non-fait particulièrement notable qui laisse songeur : l’absence de toute manifestation – désapprobation ou joie – dans les rues de Nouakchott ou d'ailleurs. Même le parti Ribat reste réservé. Quant à ceux qui avaient choisi de tourner prestement leur veste pour se référer désormais au nouveau président de la République, ils continuent à prouver leur « ingratitude » vis-à-vis de celui qui les sortit des ténèbres, pour la grande majorité d’entre eux. Ainsi va la vie en ce pays vantant sa qualité islamique mais où les élites ne croient et ne pratiquent que la « « politique du ventre ». On détourne, on pille les deniers publics, on vole et viole, drogue et se saoule, en somme tout ce qui est illicite. Pour preuves, la tonne et plus de drogues saisies au cœur de la capitale, les milliards volés au peuple au vu et au su de divers complices, j’en passe et des pires.

Le gouvernement se dit désormais engagé dans la lutte contre la délinquance en tout genre. Il doit une explication aux citoyens, avec enquête transparente sur les receleurs et leurs commanditaires. Ce n’est pas en nous présentant quelque sous-fifres à la télévision, responsables de la Sûreté et autres juges qu’on nous fera croire que tout est réglé. De gros bonnets doivent tomber. Les Mauritaniens ont besoin de savoir d’où viennent ces drogues et à qui sont-elles destinées. La Mauritanie plaque tournante du trafic ? Les richesses insolentes déployées aux yeux de tous par des gens sortis de nulle part ne proviendraient-elles pas de cet odieux commerce, à côté du pillage des deniers publics ? En tous les cas, ce sont les jeunes des milieux défavorisés qui en font les frais. Et le feuilleton Aziz ne détourne plus personne de ce terrible constat…

                                                                               Dalay Lam