Esquisse d’un plan d’action pour lutter contre l’insécurité à Nouakchott/Par Moussa Hormat-Allah, Professeur d’université, Lauréat de Prix Chinguitt

8 April, 2021 - 01:37

Dans un papier précédent, sous le titre : ‘’Développement endogène : les chainons manquants’’, j’ai essayé de montrer comment on pourra juguler, à terme, les fléaux de la pauvreté et de l’exclusion en Mauritanie. Je me propose, aujourd’hui, de traiter d’un problème récurrent, celui de l’insécurité à Nouakchott.

 

  • Chapeau introductif

L’insécurité semble avoir atteint son paroxysme à Nouakchott. Les agressions à l’arme blanche, les vols à la tire, les rapts d’enfants, les cambriolages, les viols et les meurtres deviennent, de plus en plus, nombreux. Une sourde clameur monte des tréfonds de la ville, notamment, des quartiers populaires.

Les médias, journaux, télévisions, radios privées et les réseaux sociaux se font, quasiment, tous les jours, le relais des complaintes de ces concitoyens meurtris.

Il va sans dire que sans sécurité, il n’y a pas de développement économique, ni de stabilité politique.

 

Quelque louables que soient les efforts que déploient la police et la gendarmerie, force est de reconnaître, que ces forces de sécurité sont débordées par l’ampleur de ces fléaux. Nouakchott est devenue une mégapole qui abrite plus d’un million d’habitants, soit plus du tiers de la population totale du pays.

Pour faire face à cette insécurité galopante, le nouveau régime devra mettre en place, les moyens humains et matériels pour, sinon annihiler, du moins réduire, considérablement les effets dévastateurs, d’une situation devenue insupportable.

Pour cela, il faudra sortir des sentiers battus et rebattus de naguère, et opter pour une approche novatrice qui soit adaptée à ce nouveau contexte, particulièrement alarmant.

 

D’où l’impérieuse nécessité de créer une structure autonome, spécialisée dans la lutte et la répression de ces fléaux.

Voici, à cette fin, l’esquisse d’un plan d’action qui pourrait, peut-être, constituer une parade, à même de réduire drastiquement l’insécurité dans la capitale. De quoi s’agit-il ?

Création de la DGRDC

Il s’agit de créer un corps spécial autonome, dirigé par un officier général, trié sur le volet, connu et reconnu pour sa rigueur, sa compétence et son aptitude au commandement.

Cette entité aura une mission bien déterminée : lutter contre la violence urbaine avec des moyens humains et matériels appropriés. Le champ d’action de ce corps sera uniquement la voie publique, c’est-à-dire la surveillance et le contrôle des rues et des espaces publics pour faire régner l’ordre et préserver la quiétude et la tranquillité des citoyens.

 

Pour se faire, on pourra créer, une direction générale de la répression de la délinquance et de la criminalité (DGRDC). Cette structure qui sera rattachée au ministère de l’Intérieur ou, mieux encore, au premier ministère, aura des antennes régionales. L’organigramme de la DGRDC comportera quatre directions :

* Direction des opérations ;

* Direction des investigations, du renseignement et de liaison avec les autres services de sécurité ;

* Direction de la logistique, des affaires administratives et financières ;

* Direction de la coordination des antennes régionales.

La mission assignée à la DGRDC sera claire : éradiquer, à terme, la délinquance et la criminalité à Nouakchott et dans les grandes villes du pays.

A Nouakchott, la DGRDC, procédera à un quadrillage systématique des 9 arrondissements de la Capitale. Comment ?

 

1. Patrouilles spéciales de police

Grâce, notamment, à une formule inédite de patrouilles spéciales de police. Ces patrouilles permanentes, sillonneront, de la tombée de la nuit au petit matin, tous les coins et recoins de chaque arrondissement. Dans la journée, le dispositif pourra être allégé.

Cette tâche incombera à la direction des opérations. Dans cette optique, chaque arrondissement de la Capitale, aura à sa disposition, les moyens humains et matériels suivants : 7 véhicules de type Hilux, double cabines, banalisés et de couleurs différentes, avec à bord de chaque véhicule 3 policiers, habillés en civil : 1 gradé (brigadier de police) et 2 agents. Sur le terrain, un adjudant ou un officier de police sera chargé de la coordination des patrouilles dans chaque arrondissement.

Ces unités d’intervention communiqueront entre elles, par radio ainsi qu’avec le PC central. On pourra, naturellement, ajuster ou réajuster, les effectifs et les moyens matériels, en fonction du degré de tension, propre à chaque arrondissement ou bien de la densité de sa population.

Le dispositif de sécurité préconisé en hommes et en matériel pour ces patrouilles spéciales, sera de :

  • En hommes : 21 policiers par arrondissement, soit, au total, 189 éléments pour les 9 arrondissements.
  • En matériel : 7 véhicules par arrondissements soit, au total, 63 véhicules pour les 9 arrondissements.

N.B : Prévoir une réserve en hommes pour la relève, soit une centaine de policiers supplémentaires. En matériel, une vingtaine de voitures de réserve. Ajouter à cela, tout l’équipement adéquat, notamment en moyens de communication : radios, etc.

 

2. Brigades motorisées ‘’volantes’’

Parallèlement, on mettra en place un autre volet de ce dispositif sécuritaire. Il s’agit de brigades motorisées « volantes » mixtes (police-gendarmerie) qui seront l’un des fers de lance de la DGRDC. Ces brigades patrouilleront, à motos, dans les quartiers de chaque arrondissement.

Chaque arrondissement se verra doter de 10 motos. Soit, au total, 90 motos et 90 motards. Prévoir, en réserve, pour la relève, 50 motards supplémentaires, avec leurs 50 motos.

 

3. Police de quartier

Il s’agira d’une police de proximité. Les éléments de cette police seront, de préférence, recrutés parmi les habitants du quartier. Lesquels ont une bonne connaissance du terrain.

L’idéal aurait été la création d’une police municipale, si les éléments de la police nationale, pour des raisons de sous effectifs ne peuvent pas remplir cette mission. A défaut, on devra donc composer avec les moyens du bord, en créant une « police de proximité ».

Les membres de cette police de proximité devront subir une formation accélérée de 3 à 6 mois. Ils seront répartis, sur le terrain, entre les différents arrondissements.

Ils seront en uniformes, car leur présence sur les lieux est censée avoir un effet dissuasif.

Ces policiers patrouilleront à pied. Ils auront ainsi tout le temps d’intégrer la topographie des lieux, de se familiariser avec les visages des passants, de s’imprégner des scènes de la vie de tous les jours…Ils pourront communiquer par Talkie-Walkie avec le PC central.

Chaque arrondissement recevra 20 policiers de proximité, soit, au total, 180 policiers pour les 9 arrondissements.

Prévoir 90 policiers de proximité supplémentaires de réserve, pour la relève.

N.B : Ajouter à cela tout l’équipement adéquat, pour toutes les unités d’intervention.

 

Tableau récapitulatif des moyens, en hommes et en matériel

 

Unités d’intervention

Effectifs

Réserve

Véhicules

Réserve

Patrouilles spéciales de police

189 policiers

100 policiers

63 Hilux (double cabines)

20 Hilux (double cabines)

Brigades « volantes » motorisées

50 motards

50 motards

50 motos

50 motos

Police de proximité

180 policiers de proximité

90 policiers de proximité

20 Hilux(double cabines)

10 hilux(double cabines)

Total

419 policiers

240 policiers

133 soit 83 Hilux et 50 motos

80 soit 30 Hilux et 50 motos

 

La DGRDC ne fera pas double emploi avec la DGSN (direction générale de la sûreté nationale). Dans nombre de pays, différentes structures dans le domaine de la sécurité et du renseignement opèrent, chacune de son côté, dans le même champ d’activité. Des services qui s’épaulent mutuellement sur fond d’une saine émulation pour un objectif commun.

 

4. Réseaux d’indicateurs

Mettre en place un réseau d’indicateurs. On recrutera ainsi, des indicateurs dans les quartiers, de chaque arrondissement. Le travail de ces informateurs, consistera à surveiller les va et vient suspects des riverains, surtout de nuit, et les lieux de rencontres des délinquants potentiels. Ces derniers laissent, en général, beaucoup d’indices derrière eux qui n’échapperont pas à l’œil vigilant et intéressé de ces indicateurs. Dans le même ordre d’idées, on pourra s’attacher les services de quelques chauffeurs de taxis. Ils pourront fournir de précieux renseignements sur les déplacements suspects de certains de leurs clients.

 

5. Numéro spécial pour les appels d’urgence

Mettre à la disposition des habitants de Nouakchott, un numéro de téléphone spécial (3 chiffres) pour les appels d’urgence. Ce numéro sera valable sur les réseaux des trois opérateurs téléphoniques nationaux. Ainsi, tout le monde, dans les 9 arrondissements de la Capitale, pourra appeler, en cas de nécessité, le PC de la DGRDC. Ce service sera beaucoup plus rapide qu’un classique appel SOS police. Car les patrouilles, composées de professionnels, qui se trouvent, déjà, sur les lieux, pourront intervenir, sans délai.

 

6. La DGRDC devra avoir à sa disposition, un local, dans chacun des 9 arrondissements de Nouakchott. Ce local sera destiné aux gardes à vue et à l’interrogatoire des détenus.

 

7. Création d’un pôle judiciaire spécial

Pour la répression de la délinquance et de la criminalité, un juge sera en permanence disponible, pour une comparution immédiate des détenus, en cas de flagrance. Lequel pourra délivrer, le cas échéant, un mandat de dépôt. Un cadre carcéral sera arrêté, au préalable. Les auteurs de délits ou de crimes seront incarcérés, dans une ville, loin du lieu de leur forfaiture.

 

8. Déploiement de drones

Le déploiement de quelques drones au-dessus des 9 arrondissements de Nouakchott. Ces drones serviront de leurres. Le but recherché n’est rien d’autre qu’un impact psychologique sur les délinquants et les criminels. Car le bouche à oreille va fonctionner et cela va contribuer, inconsciemment, à créer la psychose chez les malfaiteurs. On fera courir le bruit que ces drones pourront photographier, les passants suspects et donner les coordonnées de l’endroit où ils sont sortis et de l’endroit où ils sont entrés. Ces drones pourront également être équipés de hauts parleurs pour des messages en boucle.

 

9. Autres mesures

Des caméras de vidéosurveillance devront être placées dans certains endroits stratégiques dans les neuf arrondissements de Nouakchott. Des opérateurs suivront, en temps réel, 24 heures sur 24, les écrans de contrôle.

 

Etablir un bilan d’étape mensuel sur les activités de la DGRDC, suivi, chaque fois, d’un point de presse.

Un numéro vert sera mis à la disposition du public. Ainsi, toute personne qui viendrait à donner un renseignement fiable pour élucider une affaire en cours ou qui servirait à déjouer une autre en préparation recevra, dans un anonymat total, une récompense sous forme d’argent. Le montant de cette somme variera en fonction de l’importance du renseignement fourni.

 

Au terme de ces développements, une remarque : Charles Pasqua, un ancien ministre français de l’Intérieur, disait : « Il faut terroriser les terroristes ». Dans le cas d’espèce, on dira qu’il faut terroriser les délinquants et autres criminels.

Avec un tel quadrillage de Nouakchott, par les patrouilles spéciales de police, les brigades « volantes », les éléments de la police de proximité…et la création d’un pôle judiciaire spécial avec, en perspective, la déportation dans une ville éloignée de l’intérieur, les délinquants et autres criminels réfléchiront, par deux fois, avant de commettre leurs forfaits. Devant cet arsenal répressif inédit, leur marge de manœuvre sera fort réduite, voire, à terme, nulle. Car, ils auront peur de voir surgir, à tout moment, et partout, les patrouilles spéciales de police ou les motards de la répression. Mais plus que la répression, c’est, avant tout, l’effet dissuasif qui sera recherché.

 

Enfin, doit-on rappeler que le coût financier de la mise en œuvre de ce plan sera conséquent ? D’autant que l’évaluation, en moyens humains et matériels, du dispositif de sécurité précité, ne concerne que la seule ville de Nouakchott. Il va sans dire qu’il devra, par la suite, être élargi à toutes les capitales régionales.

Aussi, on pourra, dans le cadre de la coopération bilatérale, demander, pour son financement, le concours de certains pays amis : France, Maroc, Algérie, pays du Golfe…

 

Si le président Ghazwani venait à relever ce défi historique en ramenant, de façon pérenne, la sécurité à Nouakchott, il aura réussi, là où, avant lui, tous les régimes avaient échoué. Avec, à la clé, un acquis politique stratégique considérable. Et un marqueur indélébile de son quinquennat.