Les droits humains à Kaédi : Une gestion problématique

13 January, 2021 - 23:51

En Mauritanie comme dans tous les autres pays du Monde, les droits humains constituent l’indéniable baromètre de l’évolution de la société vers une vie juste et valorisante de la personne, déterminant son adaptation aux différents concepts démocratiques. Nonobstant l’adhésion du pays aux diverses conventions et traités faisant, de la question des droits humains, un paradigme de développement, les comportements des hommes évoluent souvent en sens inverse des principes et règles de vie ainsi légiférées. Naturellement, les mêmes ingrédients du niveau national alimentent le niveau régional et l’on constate ainsi combien la question est d’une brûlante  actualité, interpelant autant les décideurs que les organisations de la Société civile.

 

Les viols

Jeune et anxieuse, elle porte comme un fardeau ses 17 ans qui commencent à lui donner une allure de femme, dans le schéma conflictuel du passage de l’adolescence à l’âge adulte. Joyeuse après avoir réussi son examen d’entrée en sixième qui lui ouvre les portes du secondaire, Aminata quitte son village sur ordre de ses parents pour poursuivre ses études à Kaédi, capitale de la wilaya du Gorgol. Voyageant entre Kaédi et son village, la voici sous le tutorat de sa tante, après un passage chez sa grand-mère, décédée depuis. Cette valse va la conduire chez un autre parent avec lequel elle vit dans des conditions précaires. Mais un jour de Décembre, la petite rencontre son bourreau lors d’un passage au village. Viol suivi de grossesse. Toujours le même amer constat qui gâche la vie, stoppe les espoirs et les ambitions de ces jeunes filles tombées par force dans les mailles de Satan. Le viol, cette autre l’a connu, nuitamment agressée par un ex-homme de tenue qui l’a prise en son sommeil dans la maison parentale. Les forfaits se suivent et se ressemblent, comme si les bourreaux étaient en compétition pour brandir leur libido. D’après le ministère de la Famille, huit viols ou tentatives de viol, comme celle perpétrée sur une mineure de 9 ans, ligotée par une connaissance de la famille et sauvée in extremis, ont été enregistrés à Kaédi-ville. Des cas similaires sont signalés à Djéol et Lexeïba. Si ces forfaits commis entre 2019 et 2020 mettent en évidence la progression du phénomène, il n’en demeure pas moins que d’autres plus nombreux restent cachés ou tus, par intimidation ou menace frisant l’impunité, ou plus simplement par la famille qui préfère ne pas porter l’affaire au grand public pour ne pas se salir. Dans l’un et l’autre cas, les bourreaux se terrent dans un négationisme effarant devant une justice qui éprouve des difficultés à punir avec promptitude ces atteintes de basse moralité aux droits humains. Le plus  souvent, les innocentes victimes sont issues de familles pauvres qui manquent de ressources  pour faire valoir le droit, quand elles ne sont pas tout simplement assujetties à la loi de silence entretenu, la mort dans l’âme, par un arrangement  social  « maslaha » véhiculé par leur entourage.

 

Litiges familiaux

Sur un autre plan, les mêmes sources révèlent qu’en 2020,la cellule des litiges familiaux a enregistré quinze cas de « navaqa »(non prise en charge des enfants après divorce des conjoints), dix  d’abandon laissant la femme seule avec les enfants dont le père a contracté un autre mariage sous d’autres cieux ou refuse de subvenir aux besoins de la famille. Ces problèmes prouvent la récurrence de l’instabilité lors de crise familiale, malgré le code du statut personnel qui devrait servir de document de référence en de telles situations. Toujours au chapitre de la violation des principes qui régissent la vie de couple, huit cas de violence physique ou verbale sont répertoriés ; neuf de mariage précoce et onze de polygamie sans consentement de l’une des parties. Relevant ce tableau fort peu reluisant, on note tout de même qu’aucun cas de mutilation génitale féminine n’est signalé.

 

De la maltraitance à l’esclavage

Visage tuméfié, regard hagard, ce jeune garçon de quatorze ans a tout le corps lacéré. Victime, comme tant d’autres enfants, de maltraitance, aggravée d’esclavagisme, il a été l’objet d’un marché entre son oncle et un tiers, pour garder les troupeaux de ce dernier moyennant une modique somme de 2500 MRU/mois. Après un rixe entre les deux complices, l’enfant a dû suivre les animaux au Guidimakha. Ne mangeant plus à sa faim et traité en sous-homme, il s’est enfui pour rejoindre sa famille d’origine et se soustraire ainsi des tortures qu’il a endurées plus de deux mois. Constatant que l’enfant souffre de nombreuses cicatrices, après un long trajet entre le Guidimakha et Djéol, son oncle porte l’affaire devant la gendarmerie. Celle-ci déclenche la procédure judiciaire, tandis que le garçon entame, sous la conduite des services du MASEF, un traitement médical et des analyses supplémentaires à l’hôpital. En attendant les conclusions de l’enquête, la justice a déjà intimé à l’oncle de payer une amende au Trésor public pour servitude et placé son complice de bourreau en détention.

L’enfant vivait auparavant avec sa grand-mère dans une localité du Brakna. Il fréquenta l’école pendant deux ans puis l’abandonna pour s’adonner au petit banditisme, ce qui l’amena à fuguer souvent de la maison, deux à trois jours durant, voire une semaine. N’arrivant plus à le contrôler, la vieille dame avait fait appel aux services de son oncle paternel au Gorgol pour, dit-elle,« le redresser ».

Au-delà des contextes qui diffèrent d’un cas à l’autre, une constante demeure dans le regard porté par les justiciers sur ces faits : la négligence qui profite aux bourreaux, alors que les victimes, en plus des traumatismes amplifiés par l’absence de prise en charge médicale ou psychologique, se réfugient dans une autocensure qui leur ôte toute possibilité de se réaliser autrement. La méfiance banalement nourrie par les parent des victimes vis-à-vis des institutions s’alimente également du profond hiatus entre la gravité des méfaits et les quelques rares condamnations de verni des coupables.

                                                                                                          Biry Diagana Cp Gorgol