Reportage. Centre vocationnel des jeunes Abdou Salam Tandia : sortir les jeunes de la vulnérabilité et leur offrir une formation qualifiante

23 December, 2020 - 22:17

Ces dernières années, le  centre vocationnel des jeunes Abdou Salam Tandia de l’ONG « Initiatives pour le Développement » (ID), sis à SOCOGIM PS, a contribué de manière significative à la formation professionnelle de nombreux jeunes mauritaniens, leur permettant d’intégrer le marché de l’emploi grâce à une qualification performante. Des changements spécifiques, concrets et mesurables ont été enregistrés chez les promotionnaires du centre. Les témoignages sont unanimes, aussi bien des  bénéficiaires que de leurs parents, sur les opportunités et autres  commodités ainsi offertes aux jeunes des milieux défavorisés.

Grâce à son expertise, ID participe à la résorption du chômage des jeunes et ses efforts sont également fort appréciés par ses partenaires et les observateurs. L’équipe d’encadrement fait preuve d’un réel professionnalisme qui rejaillit sur la qualité de l’enseignement dispensé. « Le véritable impact qu’on peut avoir sur la vie d’un individu, c’est par l’apprentissage d’un métier » : tel est la devise du Centre Vocationnel des Jeunes (CVJ), rebaptisé récemment « Centre vocationnel des Jeunes Abdoul Salam  Kissima Tandia » en mémoire de son ancien président, décédé en 2018.Son œuvre continue d’être perpétué par une équipe dynamique et dévouée.

IDgère le CVJ suivant un partenariat de mise en œuvre avec la Fédération Luthérienne Mondiale (FLM)« destiné à accompagner les efforts du gouvernement mauritanien », explique son gérant,« pour l’insertion et l’autonomisation des jeunes désœuvrés sans qualification ».Le centre recrute annuellement environ cent jeunes et dispense des formations gratuites d’une durée de trois à dix mois dans les filières couture, coiffure, électricité, informatique et cordonnerie. Le projet est adapté aux besoins des jeunes de 15 à 30 ans issus de familles défavorisées, en situation de déperdition scolaire et sans emploi. Le CVJ vit le jour en 2016 « grâce aux fonds financiers de la FLM ». De 2016 à 2018, il a délivré 281 diplômes dont 107 à des filles.

 

Valorisation des acquis des expériences des jeunes

ID accueille des jeunes scolarisés ou non. Une fois formés, ils sont insérés dans la vie active à travers des partenariats. Durant ces formations, les stagiaires allient théorie en salle et pratique en chantiers  où ils appliquent les connaissances acquises. « Nous avons pu ainsi expérimenter  et encourager  la valorisation des acquis des expériences des jeunes », indique le gérant du centre. L’ONG a pu placer plusieurs de ses élèves en dix-sept ateliers de chaudronnerie et diagnostic automobile. Autonomisation, bien sûr, mais surtout lutte contre les fléaux sociaux de la délinquance juvénile, le terrorisme, la violence ou l’émigration clandestine. Toutes les franges de la société sont prises en compte. Des femmes et filles vivant en handicap ont pu bénéficier d’un apprentissage de la cordonnerie (chaussures, pochettes, sacs à main, etc.) au CVJ Abdoul Salam Kissima Tandia. « Ces personnes ont aussi droit à la formation professionnelle », souligne le gérant. Outre une attestation, les apprenants sont dotés en fin de stage  de kits de travail (compresseurs, bouteilles de gaz, boîtes à outils, postes de soudure, masques, casques, gants, meules, etc.) pour faciliter leur installation. Certains décident de se prendre en charge, fondant  leur propre entreprise, d’autres intègrent le secteur informel ou se regroupent en réseaux d’ouvriers spécialisés.

ID a noué des conventions avec beaucoup d’ateliers pour leur mettre à disposition ces compétences. « Nos anciens stagiaires se retrouvent  avec beaucoup de bonheur chef de garage ou d’entreprise. Ils ont ainsi accru leurs revenus, réduit sensiblement leur vulnérabilité et ainsi élargi la classe moyenne. C’est un maillon du dispositif de l’emploi,  une chance pour l’avenir. Ces jeunes échappent à un apprentissage de longues années et peuvent ainsi sortir du carcan de la pauvreté », se réjouit le gérant.

 

Hauteur des attentes nouvelles

ID projette de se positionner : « Le pays est en chantier et a besoin d’un dispositif de sécurité et de formations nouvelles (exemple : la sécurité-incendie absente dans le domaine des industries extractives). Il y a des champs nouveaux à exploiter, notamment du côté du gaz et du pétrole. Il est indispensable de disposer d’ouvriers qualifiés dans ces créneaux porteurs. Certains s’énervent de voir débarquer une main d’œuvre étrangère, faute de formation qualifiante en ces domaines. Il faut être à la hauteur des attentes nouvelles en formation professionnelle et il est important », rappelle le gérant, « d’encourager les structures d’utilité publique à jouer le rôle qui leur est dévolu aussi bien à Nouakchott, qu’à l’intérieur du pays. Certes des efforts sont menés par les démembrements de l’État mais il faut en plus donner la capacité à des structures comme ID de démultiplier leurs actions de terrain, dans leur capacité à s’adapter aux différents contextes ». Un challenge de taille, compte-tenu des besoins.

Selon plusieurs études, « les jeunes de 14-35 ans représentent environ 61,4% de la population active. Une proportion relativement importante (44,2%) d’entre eux ne sont ni dans le système éducatif, ni en formation professionnelle, ni en situation d’emploi et constituent la cible favorite des recruteurs de l’extrémisme violent et de la radicalisation. L’économie mauritanienne reste dominée par des activités informelles : 91,1% des actifs occupés dans le secteur privé non agricole sont en emplois informels ; 63,3% des chefs d’UPI sont sans niveau ou n’ont suivi qu’une instruction coranique. Ceux disposant d’un enseignement général n’en représentent 33,3% et ceux qui ont suivi un enseignement technique et professionnel à peine 0,1%. Les enjeux sont donc clairs et se résument ainsi : faire preuve de plus d’équité et d’inclusion dans les politiques, en prenant en charge la frange de la population doublement impactée par les crises : jeunes sans qualification ni formations, laissés à la merci des réseaux de bandits et d’idéologies islamistes violentes ». Et le gérant de marteler encore et encore : « Pour prémunir les jeunes des méfaits de tels extrêmes et leur permettre de vivre ensemble, ID projette  de se développer, encourager le partenariat gagnant-gagnant, en propulsant des initiatives nouvelles et continuer de donner l’espoir à ceux-là ».

 

Innovation& compétence

À ces fins, ID dispose d’un large maillage à Nouakchott où elle déploie ses équipes sur le terrain dans des formations de formateurs. Elle peut aussi à se déployer à l’intérieur du pays. Ces derniers temps, l’ONG a pu  adapter ses formations aux besoins du marché local. Des formations nouvelles en esthétique et pâtisserie sont au menu. « Tout en valorisant les besoins en formation, il existe des possibilités nouvelles dans l’aliment des volailles, la transformation du poisson, celle du lait avec la mise en place de mini-laiteries. Il est possible de déconcentrer les métiers de Nouakchott. Le potentiel d’emploi des jeunes est énorme », estime le gérant.

Revigoré par son succès, ID, « espace d’apprentissage et de socialisation », ne compte donc pas s’arrêter en si bon chemin. Elle va élargir son champ d’action vers les mahadras, accentuer la participation de la jeunesse à la vie de la cité, amplifier le dialogue intergénérationnel, appuyer les coopératives féminines, aider les communautés de base à identifier les personnes vulnérables et les accompagner dans la culture de la paix et du vivre ensemble. Vaste et ambitieux chantier.

« Sur trois cents postulants au CVJ Abdoul Salam Kissima Tandia, nous ne pouvons en accueillir que cent vingt. D’où », suggère le gérant, « la nécessité  de démultiplier nos capacités, nouer des partenariats  et entretenir un vaste plaidoyer auprès des autorités nationales pour la valorisation des métiers inexplorés (bâtiments, carrelage, peinture, tannerie, fabrication de chaussures…) et, d’une manière plus générale, l’employabilité des jeunes. Selon les données fournies par ID, le Centre a formé, en quatre ans,427 jeunes dont 198 femmes. Sur le total des personnes formées, 70 sont en situation de handicap. Le Centre cible prioritairement les femmes et jeunes issus des milieux défavorisés. Les formations couvrent des métiers très diversifiés, mécanique, menuiserie, téléphonie, coiffure, couture, cordonnerie, etc.

Le développement personnel, la sensibilisation des personnes à leurs droits et devoirs, l’initiation à la fondation d’entreprise constituent les axes stratégiques du Centre pour une meilleure insertion des personnes formées. Les promotionnaires ont accès, rappelons-le, à de réelles opportunités d’emplois et auto-emplois.ID se révèle ainsi la première structure à former beaucoup de jeunes dans des métiers porteurs jusque-là  sous-exploités et susceptibles de valoriser le développement du pays.

 

                                                                                                                                          THIAM Mamadou

 

 

Encadré 1 

Initiatives pour le Développement (ID) est une organisation non gouvernementale mauritanienne reconnue par l’autorité compétente en 2004, sous la référence 0218/2004/MIPT/DALP/SLP. Elle est engagée dans l’accompagnement et l’appui d’initiatives pour le développement économique et social des communautés rurales et urbaines. Elle intervient dans plusieurs secteurs :

- Moyens durables d’existence (eau, assainissement, maraîchage, AGR, etc.)

- Droits à l’eau et à l’assainissement

- Droits des jeunes aux loisirs et à l’épanouissement

- Protection de l’environnement

- Lutte contre l’immigration clandestine et protection des droits des migrants

- Education à la paix à la citoyenneté et aux droits humains

- Prévention du VIH/SIDA et soutien aux personnes vivants avec le VIH/SIDA

- Communication pour le Changement de Comportements (C4D)

 

 

 

Encadré 2

Activités de l'association

Depuis sa formalisation en 2004, l'ONG ID, oriente de plus en plus son intervention sur les actions l’accompagnement et le renforcement des dynamiques communautaires d’autopromotion : sécurité alimentaire, gestion participative, microcrédit (sécurisation des revenus des ménages pauvres), promotion de l’emploi des jeunes, de la bonne gouvernance et de la démocratie, droits de l’Homme et des minorités. L’ONG ID compte actuellement une vingtaine de membres parmi lesquels on dénombre une dizaine d'universitaires, ingénieurs et techniciens de disciplines diverses (économie, géographie, sociologie, agronomie, droit, animation du développement, etc.).

Plusieurs de ces membres ont une importante expérience associative et dans le domaine du développement (animation d'associations locales et villageoises, formation associative, montage et suivi-encadrement de projets dans des domaines variés : développement rural, lutte contre la pauvreté, etc.

ID compte également parmi son potentiel humain des personnes ressources, au niveau local mais aussi à l'échelle nationale, qui participent ponctuellement aux programmes et activités initiés par l'ONG.

Le Centre vocationnel des jeunes a démarré en 2016 avec quatre filières jugées porteuses de revenus, d’emplois décents et durables : électricité bâtiment, coiffure esthétique, couture, informatique.

Le Centre a développé depuis de nouvelles filières notamment : la saponification, la cordonnerie, la soudure métallique, la mécanique auto.

En plus des formations techniques, les jeunes pensionnaires du Centre ont bénéficié de quatre modules théoriques : estime de soi, leadership, approche basée sur les droits, gestion (GERME) & élaboration de plans d’affaires).

Champ(s) d’intervention : Moyens d’existence durables

Populations-cibles : Les bénéficiaires des formations du centre sont des jeunes âgé 15-30 an en situation déperdition scolaire ou sans emploi dans les communes d’intervention : El Mina-Mendes, Arafat-MesjidEnnour et Sebkha-École 11-Mariam Diallo).