Rendre la confiance aux Mauritaniens/par Diop Mamadou

2 December, 2020 - 23:29

Le silence et l’esquive ne peuvent pas former une ligne de conduite pour un gouvernement qui entend travailler au service de l’efficacité économique et l’amélioration du bien-être des citoyens. En ignorant l’importance du facteur-temps, notre gouvernement semble pourtant renvoyer aux calendes grecques les problèmes relatifs au renforcement de la gouvernance publique et à la restauration de la paix sociale.

On avait cru, lors du lancement, le 10 Octobre passé, de la formation en langues nationales pour les filières Magistrature et Administration publique de l’ENAJM, qu’en reconnaissant et appliquant, pour ce cas précis, le principe de la diversité – puisque c’est ce dont il s’agit – le gouvernement voulait donner un signal fort de ce que doit être un État au service de sa population : celui-là même qui veut mobiliser toutes les couches sociales à la réalisation d’objectifs communs, en levant en leur faveur  toutes les inégalités, au niveau de la législation, de l’application de la loi, de l’exercice du pouvoir judiciaire et administratif ou, tout simplement, du partage des richesses. Mais le fondamental n’y était pas, il fallait aller un peu plus loin.

Car, à la place de l’enseignement des langues nationales à l’ENAJM qu’on avance comme un arbre qui cache la forêt, c’est bien le fonctionnement de notre justice et de notre administration qui est en cause. Rien ne va comme on le souhaite. L’idée d’avoir des juges non-indépendants au regard de l’autorité de l’État et jamais neutres entre les parties (faisant toujours pencher la balance au gré des  instructions de l’Exécutif et/ou en fonction des préjugés et des intérêts particuliers, sans se soucier des arguments tirés du débat juridique) est tout bonnement insupportable. Convenons-en, c’est même carrément une abomination. Plus révoltante encore, la situation en laquelle une aristocratie administrative, généralement issue des élites politiques hier en place, continue de fouler aux pieds, comme ses prédécesseurs, les principes de probité, intégrité et dignité sans lesquels le service public devient une boutique ; et de méconnaître, de façon désinvolte, les plus élémentaires droits fondamentaux des citoyens. S’il y a bien une mère des batailles à mener pour rendre confiance aux citoyens, c’est bien de réformer la justice et l’administration, les rendre réellement plus saines, efficaces et fonctionnelles.

 

État indolent, peurs citoyennes

Malgré ce qu’on entend sans cesse dans les déclarations de certains responsables et de ce qu’on lit sur les sites électroniques, ce n’est pas avec force et vigueur que l’État a manifesté un certain intérêt pour la gouvernance concrète. Aussi les Mauritaniens ont-ils peur. Ils ont peur parce qu’ils n’ont pas une vision précise de leur avenir. Ils ont peur parce qu’ils sont conscients qu’en l’absence d’unités institutionnelles mieux structurées, de procédures et mécanismes de gestion transparents et d’un peuple réconcilié, l’espoir que suscite l’arrivée prochaine de la manne gazière risque de tourner au cauchemar. Ils ont peur parce que les aspirations de leur société, de plus en plus exigeante en termes de droits et d’ouverture, ne sont pas prises en compte pour permettre à tous les citoyens de participer collectivement, en tant qu’hommes libres et égaux, au développement de leur pays et de se libérer définitivement des chaînes et des carcans qui les maintiennent dans la misère et la pauvreté.

Pour rendre la confiance aux citoyens, il faut dépasser la routine et le déjà-vu, les faux-fuyants et le maquillage politique. Déployer des actions concrètes, effectivement capables de nous unir pour nous prémunir durablement contre tous les dangers ; engager, avec force et conviction, les réformes nécessaires en vue de jeter les bases d’une croissance plus accélérée dont les bienfaits seront ressentis par les couches vulnérables de la société. L’État ne peut pas rester sans un modèle de développement, un cadre de référence pour l’élaboration des politiques publiques, fédérateur de tous les citoyens. C’est une nécessité pour englober tous les chantiers et particulièrement ceux relatifs au renforcement des services publics et à la garantie de la justice sociale. L’équipe gouvernementale doit aller plus loin que ce qu’elle fait maintenant.

 

État actif, Nation dynamique

Détenant le monopole de la conduite des affaires publiques, l’État est le garant de la sécurité et le seul « architecte de la transformation ». En cette qualité, il doit faire face à l’importante densité de la demande populaire, se réformer pour réformer, innover pour renouveler et regarder vers le futur, sans faire du sur place, voire un pas en avant puis deux en arrière. Les Mauritaniens aspirent à un vrai changement et rêvent tous d’oublier les douleurs du passé, les échecs répétés, les programmes mal ficelés, les agences non-opérationnelles, les sociétés mort-nées, les promesses fumeuses, les réunions stériles, les cérémonies inutiles et le classement déshonorant d’éternel avant-dernier dans le concert des nations, alors que rien ne l’y destine. Ce bond en avant pour oublier et devenir autre chose de mieux exige de notre gouvernement du courage : du courage pour briser les tabous, du courage, encore, pour entreprendre et innover… du courage, enfin, pour mériter la gloire.

Demain sera un autre jour, il fera beau. On a besoin pour cela d’un pilotage éclairé, de la confiance, de la cohésion, de l’engagement participatif et du don de soi, pour travailler ensemble à la réalité d’un développement économique et social harmonieux, serein et mieux maîtrisé, de telle sorte que notre devise « Honneur - Fraternité - Justice » ne sera plus seulement une mention figée sur le papier mais un idéal vivant autour duquel tous les enfants de ce pays, toutes générations confondues, auront cœur à se regrouper.

 

Diop Mamadou