Le passage d’EL Guergarate : une page se tourne

19 November, 2020 - 00:22

Après une infinie patience, le Maroc s’est enfin décidé à faire sauter les nombreux carcans qui le contraignaient à l’inertie dans la zone tampon d’El Guergarate. Les forces armées sont intervenues le vendredi 13 Novembre 2020 pour y assurer la libre circulation des personnes et des biens. Cette opération militaire s’est déroulée sans problème. Les séparatistes du Polisario ont détalé sans la moindre résistance. Terme est ainsi mis à un blocage qui n’avait que trop duré. D’une manière générale, les Mauritaniens se réjouissent du rétablissement de la liberté de passage et de la sécurisation de cette zone vitale. Ils savent que la région a besoin de stabilité indispensable à la poursuite du développement des pays de la région.

La levée progressive par le royaume chérifien des restrictions sur les mouvements transfrontaliers de personnes, biens et services à notre frontière Nord est accueilli positivement par nos compatriotes qui voient ainsi nos échanges accroître jusqu’aux confins du vieux continent. Mais comme je ne me reconnais ni le droit de parler des problèmes politiques ni la compétence d’aborder le domaine stratégique, je me contenterai de ce qui nous touche directement : l’économie et l’histoire.

 

La coopération économique pour notre bien commun

La coopération économique entre le Maroc et la Mauritanie doit être renforcée pour notre bien commun dans le cadre d’un marché ouvert que nous offre cette forte ouverture par voie terrestre sur le monde via le Maroc, notre grand partenaire et voisin du Nord. Cette porte nous fera davantage profiter de l’accroissement du commerce international, en nous offrant de nouvelles possibilités et les bienfaits d’une plus grande libéralisation des échanges, avec un considérable et positif  impact sur le bien-être des populations. Une telle dynamique coopération régionale favorisera l’expansion de marchés ouverts et concurrentiels. Dopées par l’ardeur des échanges, nos économies connaîtront une croissance rapide qui ne devrait pas ralentir.

Une politique commerciale commune sera stimulée par les importants investissements engagés par le royaume du Maroc dans ses provinces du Sud, comme le port de Dakhla ou les infrastructures routières, portières et ferroviaires censées ouvrir la voie du libre-échange au niveau mondial. Pour notre capitale économique Nouadhibou et sa zone franche, elle sera sans nul doute un véritable moteur de développement, catalyseur et promoteur de la croissance.

La coopération économique permet à un pays de profiter de l’expérience et des compétences déjà acquises par le partenaire émergent. Une politique de bon voisinage (gagnant, gagnant) qui peut nous ouvrir de nombreuses opportunités de cercles particulièrement vertueux en matière d’emploi. Sur le plan du co-développement, notre grand partenaire et voisin du Nord présente des avantages indéniables pour ce qui est de l’offre de travail. Il est déjà présent dans beaucoup de secteurs : Banques, BTP, télécommunications, transports, agro-alimentaire, énergies renouvelables, cimenteries et bien d’autres encore.

Quelles que soient les entraves locales ou autres, il faut impérativement que la coopération entre nos deux pays se renforce, si nous ne voulons pas rester des laissés-pour-compte sur les bords ingrats de la route du développement. Il serait vraiment dommage de rester à l’écart du processus d’intégration qui permettra à nos États de multiplier les avantages d’un riche capital humain et d’une ouverture sans précédent sur le monde extérieur, de Tanger à Dakar et Bamako.

 

L’histoire

Boumediene menaça le président Mokhtar ould Daddah au cours d’une rencontre devenue célèbre à Béchar en 1975. « La Mauritanie », disait-il,« est le plus faible maillon de la chaîne, je ferai sauter son verrou et toute la chaîne va s’écrouler. – Au maximum », répliqua Mokhtar, « vous serez l’Amérique et nous le Vietnam ».Joignant le geste à la parole les attaques des milices Polisario-algériennes se multiplièrent sur l’ensemble du territoire. Il ne se passa plus guère de mois, voire semaines, sans que la Mauritanie ne subisse les implacables assauts de cet irréductible ennemi. Des marocains tombèrent au champ d’honneur à côté de leurs frères mauritaniens en défendant la Mauritanie.

Un exemple parmi tant d’autres : après la première attaque de Nouakchott en 1976 où El Wely, fondateur du Front Polisario, trouva malheureusement la mort, une deuxième attaque fut lancée en Juillet 1977.Le chef d’état-major était à l’époque le colonel Ahmed ould Bousseif ; son adjoint opérationnel, le commandant Soumaré Silmane et, comme chef du 3èmebureau, le capitaine Diop Abdoulaye. Dotées d’une nouvelle artillerie, les unités de l’armée mauritanienne réussirent à bloquer l’avance de l’ennemi vers la ville. Celui-ci tenta des actions d’enveloppement sans succès. C’est à ce moment que les forces amies marocaines engagèrent le combat et désorganisèrent, avec les unités des forces armées mauritaniennes, l’action de l’ennemi qui fut mis en déroute. À la lueur du jour, les avions mauritaniens et marocains entrèrent en action pour rechercher et détruire les rescapés des unités ennemies qui s’esquivaient vers le Nord mais déjà considérablement affaiblies par les accrochages précédents.

Il y eut par ailleurs trois attaques successives du train. La seconde le 17 Décembre 1976. Le train était devenu la cible privilégiée des tirs nourris de l’ennemi. Une pluie diluvienne de projectiles s’était abattue sur les wagons. Planqués derrières des paravents d’acier conçus à cette fin, les soldats  ne parvenaient pas à contenir le feu intensif de l’ennemi. Après des heures de combat, les munitions commençaient à s’épuiser. C’est alors que s’éleva le bruit des avions mauritaniens et marocains. Les véhicules ennemis se dispersèrent à toute allure vers le Nord, craignant la moindre bombe qui projetterait en l’air cinq à six d’entre eux en même temps. Si les avions n’étaient pas venus survoler le lieu de l’attaque, nos éléments d’escorte allaient se retrouver sans munitions. Enfin de compte, ce sont ces avions qui les ont sauvés, sans engager le combat. Bel exemple de solidarité dans l’épreuve et les moments les plus difficiles.

Lehbib Berdid

Chercheur et analyste