Aleg de mon enfance (2)/Par Sneiba El Kory

19 November, 2020 - 00:11

J’étais maintenant officiellement inscrit au cours préparatoire première année de l’école 1 d’Aleg. Mes amis de classe étaient d’âge hétéroclite. Très grands, certains avaient largement dépassé les sept ans requis pour un élève de telle classe. D’autres, comme moi : en cet Octobre 1972, j’en avais à peine six ; ne les avaient pas encore atteints. Je ne me rappelle plus si ma classe était pléthorique mais la discipline y régnait, en tout cas, comme dans une chapelle. Notre maître d’arabe s’appelait Ahmed ould Hamed. C’était une époque où le maître était naturellement respecté et craint. Je ne me rappelle pas non plus par où nous commençâmes nos apprentissages. La classe était spacieuse. Les tables soigneusement alignées et bien entretenues. Le maître toujours ponctuel et régulier. Chaque élève avait ses livres, ses cahiers et ses écritoires. Nous étions assis trois par table au bout de laquelle était placé un encrier qui allait servir à l’initiation à l’écriture avec porte plume et buvard. Je me souviens encore de nombre de mes « promotionnaires » : entre autres, Nane ould El Mamy, devenu professeur d’université ; Messouda mint Baham, future secrétaire générale du ministère de l’Éducation et dont le père était gouverneur du Brakna ; Samba Lamp Sarr dont le sien était agent spécial et vertueux musulman qui avait offert une horloge à la mosquée principale de la ville. Notre chef de classe s’appelait Dia Mamadou, devenu gérant d’un dépôt pharmaceutique. Il y avait encore mon grand frère Mohamed Sneïba, devenu professeur de français ; Abdou ould Mahmoud Taleb, aujourd’hui imam de la mosquée d’El Jedida ; feu Baham ould Sidi Abdoullah, devenu professeur d’arabe et décédé dans le crash de l’avion de Tidjikdja le 1erJjuillet 1994 ; Mekfoula Fall, Aïchetou et Tekeïber Diallo, Fatimetou Diop et son frère, le gringalet et provocateur Bacari Diop ; Maloum Cissé, Mohamed Mahmoud ould M’haimid, Mahfoud Salem et tous les autres... Les pensionnaires de l’école 1 venaient aussi des campements et villages alentours, comme Aghchorguitt, Lemden, Teïba ou Goural. Bien que je n’y passasse qu’une ou deux années, j’ai retenu les noms de plusieurs célèbres instituteurs de l’école : feu Sy Mohamedou Ciré qui y enseigna en 1955, feus Bakar ould Ahmedou, son épouse Mint Souka, alias Madame Bakar, et Abdoulaye Doumbia qui officiaient en 1963 ; Moustapha ould Ahmed Vall, Cheikh ould Haïbelty, feu Ely ould Breïhalla, Sy Samba, feu Sall Kalidou, Monsieur Ndiouk, Monsieur Sylla Ibrahima redevenu journaliste, feu Lebatt ould Vatte, feu Idrissa Sarr, feue Fatimetou mint Hamed, Madame Aïchata Sarr, feu Mahfoud ould Bebana le père de mon ami Mohamed Lemine ould Bebana devenu comme lui instituteur. Les noms de certains de ses directeurs, comme feus Bâ Abdoulaye Chouaibou, Mohamed Derdech, Cheibetta ould Oudaa et son frère Isselmou ould Oudaa, le père de l’ancien ministre Mohamed Abdallahi ould Oudaa, sont restés gravés dans la mémoire de tous ceux qui fréquentèrent cette école. À l’époque, ses magasins regorgeaient de fournitures scolaires. Livres, cahiers, ardoises et autres accessoires étaient distribués gratuitement à tous les élèves. Quand un cahier finissait, il suffisait juste de le présenter au directeur qui te le remplaçait par un autre, sans jamais oublier de déchirer délicatement l’usagé. Le menuisier de l’école y tenait, au fond, un atelier avec seule mission de réparer les tables de toutes les classes. La cantine scolaire fonctionnait à plein régime au profit des élèves dont les parents n’étaient pas en ville. Feues Jbaba mint Imigine et Aïcha mint Boushab la régissaient avec beaucoup de délicatesse et bienveillance, sous la supervision du directeur l’école. Les deux bonnes dames étaient particulièrement gentilles. Feue Jbaba était, en ses temps libres, une cantatrice à la voix de rossignol qui animait merveilleusement les cérémonies de mariage et autres grandes rencontres qui ne pouvaient être jamais « complètes » si elle en était absente. Certains tubes célèbres, comme « Ô dormeurs, levez-vous pour la prière ! » ou « La tombée de l’aube » furent immortalisés par sa très belle voix. À la récréation, les « villageois » et les « campagnards » avaient droit à un petit déjeuner copieux à la cantine. Chacun disposait d’un pain bourré de corned-beef, suscitant bien des jalousies parmi les citadins qui ne manquaient de leur en extorquer, après les avoir vainement suppliés de leur en donner. À midi, c’était le déjeuner des pensionnaires de la cantine. Généralement du riz à la viande ou à la sauce distribué soigneusement par les deux cuisinières en chef, sous la supervision des surveillants chargés par la direction de gérer les récurrentes bagarres entre les internes et les externes déterminés à ne pas rater le festin. (À suivre).