Le Waqf […] La Mauritanie […] – 27/Par Ian Mansour de Grange

10 September, 2020 - 10:05

[…]L’entrée à la PREFIMEDIM signifie s’impliquer dans un de ses six secteurs d’activité : production-récoltes, commercialisation, recherche, biodiversité, formations, information. Au cours des débats susdits, chaque secteur aura à concevoir un plan quinquennal d’actions (PST5-G1, 2021-2025) qui fera suite à l’actuel PSI (2017-2021). Après synthèse des six secteurs, le PST5-G1 sera présenté aux bailleurs lors de la grande Quinzaine de coms à Nouakchott appelée à clôturer le PSI, au cours du premier trimestre 2021. Sans entrer dans les détails de l’organisation interne de la PREFIMEDIM, disons simplement qu’elle est basée sur l’autonomie coopérative où chaque secteur est amené à gérer trimestriellement son propre budget. La remarque est particulièrement pertinente pour le secteur « production-récoltes » où chacun des sept sites du PSI sont obligatoirement représentés, via leur association respective, et leur collectif détient une majorité décisive, dans les débats de leur secteur : le point de vue des producteurs-cueilleurs est une donnée incontournable de l’association PREFIMEDIM. D’autant plus incontournable, d’ailleurs, que chacun des sept sites va entamer, en même temps que celle-ci, les études de son propre programme stratégique quinquennal (PST5-L1), avec l’appui de l’Association Mauritanienne de Suivi-Évaluation (AMSE) – partenaire du PSI – et le présentera aux bailleurs, lors d’une journée spécifiquement dédiée au local, au cours de ladite Quinzaine de coms à Nouakchott.

Centré sur la réalisation concrète de la filière, le PSI réunit de nombreux autres éléments de discussion objective. L’État, membre inamovible de la SCI à Nouakchott, où sont présentes ou représentées toutes les structures concernées par la filière, y installe définitivement le regard du ministère chargé de la santé publique. Mais il peut être également présent à l’intérieur même de l’association, en y déléguant, en tel ou tel secteur, tel ou tel représentant de ses divers autres départements variablement intéressés par la filière : environnement, éducation, agriculture, élevage, commerce, finances, etc. La réunion, chaque trimestre, du CA de la PREFIMEDIM autour de son Bureau Directeur (BD) et la publication, en suivant, sur la page Internet de l’association (www.prefimedim.com), des rapports de chaque secteur et de celui du BD, génèrent un d’autant plus puissant brassage d’informations entre le local et le global que les trois composantes essentielles du développement durable : l’État, les PTF et la Société civile, tant locale que nationale ; en sont parties prenantes, actives, à partir de réalités concrètes, objectivement discutables.

Deux processus inverses d’intervention vont ainsi à la rencontre : celui, classique, émanant du dialogue État-PTF, variablement bien compris et accepté par la Société civile ; celui, relativement inédit, joignant la Société civile et les PTF, variablement compris et accepté par l’État ; et cette rencontre anime la seule dynamique absolument indispensable au développement durable : la ferme connexion entre l’État et la Société civile, distinguant nettement les activités à but non-lucratif, prioritairement soucieuse de durabilité, des activités à but lucratif, prioritairement préoccupées de rentabilité. L’originalité du projet PREFIMEDIM tient à ce que ces deux types d’activités trop souvent vécues en antinomie sont maintenant pensées en symbiose, à partir d’un principe simple : un système n’est durable qu’en ce qu’il est rentable et rentable qu’en ce qu’il est durable. C’est ce qu’entend révéler le schéma suivant.

 

 

 

Un modèle modulable, aisément inclusif

Matrice de la filière, le PSI n’a pu démarrer que par la mise en branle du tandem PTF-OSC nationale (UE-PREFIMEDIM, en l’occurrence), avec pour mission première de former les couples « OSC locales-AGRC locales », avant d’établir à Nouakchott l’AGRC globale (le 3CPM) puis la SCI susdite. Études botaniques au plus local, en amont ; formations techniques et administratives, au niveau des AGRC ; Observatoire Permanent du Marché de Plantes et produits Médicinaux (OPMPM), en aval à Nouakchott ; complètent le processus fondateur. Suivent, dans un second temps, les programmes sociaux, en chacun des sept sites : programme pédagogique, engageant les élèves de l’enseignement profane (primaire, collège, lycée) et sacré (mahadra) à la découverte et à l’exploitation durable de leur biotope, un programme à faire suivre et évaluer par les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement originel ; programme agrobio, formant les femmes maraîchères aux techniques fondamentales de l’agriculture biologique et à la culture de diverses PM, à faire suivre et évaluer par les ministère de l’Agriculture et du Développement rural ; Santé-PM et PM-Vétérinaire, initiant un processus de soins, aux hommes et au bétail, à faire suivre et évaluer par les ministères de la Santé et de l’Élevage ; Répertoire et Redéploiement de la Biodiversité Médicinale en Mauritanie (2RB2M), enfin, mobilisant toute la population à la comptabilisation et à l’enrichissement de leur capitalphytomédicinal local, avec l’appui de scientifiques de l’ENES et de la Faculté des sciences, à faire suivre et évaluer par les ministères de la Recherche et de l’Environnement qui devraient probablement le prendre de concert sous leur gouverne – à terme du PSI, nous l’espérons – afin de lui donner sa pleine dimension nationale.

La filière de plantes médicinales n’en reste pas moins un petit marché en Mauritanie, actuellement limité, au niveau national, à quelques dizaines de tonnes par an, alors que la capacité productive raisonnable – c’est-à-dire, respectueuse de la ressource – est dix à vingt fois supérieure à la demande. Si l’on veut maintenir des prix garantissant la traçabilité et la qualité des produits tout au long de la chaîne – production, cueillette, séchage, conditionnement, contrôle qualitatif – il faut donc faire preuve de prudence dans l’ouverture de nouveaux sites associées à la filière, toujours adaptée à l’évolution du marché en aval. Les possibilités en ce sens sont grandes : fabrication de médicaments et cosmétiques, huiles rares, plants et semences dynamisées, au niveau des produits, et, au niveau commercial, compétitivité croissante à l’international. Une compétitivité, notons-le en passant, qui exige un souci constant de qualité, conditionnée, comme nous venons de le rappeler, par la fermeté des prix le long de la chaîne…

Remplaçons maintenant PM par miel bio ou autre quelconque produit de l’exploitation du biotope. Le schéma reste opérationnel. En ce qui concerne le miel, par exemple, la qualité du produit dépend beaucoup de celle des équipements de la miellerie qui doit pouvoir extraire, à froid, dans les meilleures conditions d’hygiène possible (pureté de l’eau, locaux hors poussière, nettoyage méticuleux des surfaces de travail et des outils, etc.), la substance précieuse, en en préservant au mieux toutes les vertus. On voit immédiatement l’intérêt à bâtir cette miellerie sur terrain IPP, protégeant ainsi son capital fixe, éventuellement financé par un PTF institutionnel de la Mauritanie, dans un cadre AGRC ou privé (et, en ce dernier cas, seulement locataire des lieux et de ses équipements, comme expliqué tantôt). Cohérent, le procédé n’en est pas moins souple et admet de nombreuses variantes.

En tout cela, l’État n’est a priori jamais sollicité financièrement. Il est même amené à recevoir des revenus du système, sitôt que les AGR atteignent un niveau suffisant de bénéfices. Gorgé d’informations en provenance de tous les acteurs, à quelque niveau de la filière, le voilà maintenant d’autant mieux à même d’affiner à moindre coût des plans globaux d’intervention précisément adaptée, avec les PTF. Notamment dans le choix des lieux à placer en IPP, son seul apport concret au système a priori, avant de moduler de pertinentes directives réglementaires (décrets, lois, circulaires, etc.), en aval des diverses expérimentations de la Société civile.

Assurée de revenus réguliers, grâce à l’activité des AGRC exonérées d’impôts, la Société civile à buts non-lucratif se stabilise et remplit efficacement son rôle de relais permanent entre le global et le local, dans l’établissement du développement durable. Mieux connu, le biotope est non seulement mieux exploité mais mieux protégé ; enrichi même ; par ceux-là mêmes qui y vivent en permanence et en tirent un réel profit. Protégées par l’IPP, les AGRC fabriquent un solide réservoir de capitalisation équipementière et technique, développant le secteur secondaire local et national, avec de réelles et rapides retombées sur les gens ; et sur le secteur tertiaire, bien sûr, notablement pourvu en nouveaux produits de qualité suffisamment garantie pour participer au commerce mondial.

Un rapport gagnant-gagnant pour toutes les parties ? Il faudra bien entendre le filigrane : systémique en son ensemble, une telle approche est de nature à porter préjudice à l’organisation fragmentée et sectorielle de l’économie. De gros intérêts, attachés – pour ne pas dire garrottés – à une gestion quantitative du développement, devraient souffrir de l’essor des nouveaux modèles holistiques dont celui de la PREFIMEDIM n’est qu’un exemple parmi d’autres. Guerre, donc, encore et toujours, du pot de fer contre le pot de terre ? Des paramètres émergents – détérioration écologique de la planète, conséquences sociales des crises financières, en particulier – plaident cependant pour des négociations. Les grands de ce monde sauront-elles les préférer au traditionnel « On casse tout et l’on recommence » ? Mais le risque grandissime aujourd’hui de la conclusion de l’« On casse tout » par un funèbre « Game over » laisse-t-il encore le choix ? (À suivre).

 

NOTES

(1) : Quatre à mi-parcours du PSI. Le manque de cofinancements, à cette date, a obligé de reporterla mise en œuvre des trois sites restants au PST5-G1 (a priori, 2021-2025).