Plan de relance post-COVID : Où iront les milliards ?

10 September, 2020 - 09:59

La transparence, voilà l’actuel vrai défi du ministre des Finances, alors que la saison des pluies s’est installée dans le pays et que le président de la République a annoncé le lancement d’un plan de relance post-COVID. Un montant de 240 milliards MRO. Nouvelle pluie d’ouguiyas !  L’objectif avoué, est de booster tous les secteurs ayant souffert de la pandémie. L’État et/ou ses bailleurs de fonds vont mobiliser cette grosse somme pour atteindre les objectifs visés.

Comme attendu, l’UPR a applaudi la décision du Président qui aura donc tenté, par deux plans en moins de huit mois, de répondre aux exigences de la crise sanitaire. Même s’il s’agit d’un élargissement des engagements de l’ex-candidat Ghazwani, ce second programme hors cadre budgétaire du gouvernement nécessite des montages financiers, pour ne pas dire « acrobaties »,avec l’appui financier de partenaires techniques et financiers très (trop ?) sollicités par les temps qui courent. Et le principal souci des Mauritaniens qui ont trop attendu du premier plan de riposte contre la COVID 19 demeure les conditions dans lesquelles ces milliards seront gérés. À qui profiteront-ils ?

 

Répartitions du montant en millions MRU

Infrastructures de soutien à la croissance : 6740,1 ; offre sociale et soutien à la demande : 8192,6 ; potentiel productif et autosuffisance alimentaire : 5422 ; appui au secteur privé : 2304,5 ; reboisement et production d’emplois verts : 961,9 ; mise en œuvre du plan : 60 ;  divers et imprévus : 481,8.Les trois premiers secteurs couvrent plus de 84,2 % du montant total. Cet ambitieux programme prévoit, une fois encore, la fondation d’une agence spécialisée en construction et entretien des routes. Exit donc ATTM, comme ENER jadis ? Ce secteur fait courir le monde des affaires et le rapport de la CEP a montré combien il est juteux.

Si l’UPR estime que c’est là un « programme de décollage économique qui jette les bases d'un développement global », il reste que les Mauritaniens sont sceptiques quant à l’impact de ces milliards d’ouguiyas sur leur quotidien. Ils ont reçu beaucoup de promesses, on leur a fait miroiter la découverte de l’or, après le pétrole, le fer et le poisson, mais à l’arrivée, ils se sentent singulièrement floués par leurs dirigeants. Les dix dernières années ont démontré combien on les a ignorés. D’autres milliards à récupérer ne sont allés qu’enrichir et engraisser certains. Si la fondation d’une commission d’enquête parlementaire a renforcé l’espoir placé en Ghazwani de rompre avec les pratiques de gouvernance de son prédécesseur, le marabout-président doit mettre beaucoup plus de rigueur dans la gestion des biens publics, en particuliers les marchés publics. La pratique de corruption est si ancrée que certains fonctionnaires véreux n’hésiteraient pas en en user.

La déclaration à la TVM, il y a quelques jours, du ministre de l’Economie et de la promotion des secteurs productifs est très révélatrice. Cet ancien haut cadre des institutions monétaires internationales et des finances sait bien de quoi il parle quand il affirme : « le risque important et, ça, je crois qu’il est important que les Mauritaniens le sachent, c’est la mise en œuvre. Il faut arriver à concrétiser un plan aussi ambitieux dans de bonnes conditions, dans la transparence et les délais prescrits par le président de la République. Pour moi, c’est ça le défi auquel tous ceux qui seront concernés par l’application de ce plan auront à faire face ». Message on ne peut plus clair. Si Ghazwani veut réussir son premier mandat, il doit veiller à ce que des investissements aussi importants ne disparaissent pas dans les poches de « responsables »rompus à ces pratiques mafieuses.

 

Où sont passés les milliards du COVID ?

D’abord, le Fonds Spécial de Solidarité COVID 19. Il s’agissait d’un plan de riposte à la pandémie et aux mesures de prévention, dont le confinement, ayant conduit à l’arrêt des secteurs de l’économie, en particulier celui de l’informel qui occupe plus de 70 % des bras valides du pays. Ce programme devait couvrir les besoins en médicaments et en équipements médicaux ; supporter, durant deux mois, les factures d'eau et d'électricité des familles démunies, ainsi que toute taxe municipale sur les professions libérales et les petites activités économiques ; accorder, pendant trois mois, cinq milliards de MRO d'aide financière mensuelle à 30.000 familles particulièrement pauvres, aux femmes, aux personnes âgées et aux handicapés, principalement à Nouakchott ; prendre en charge, pour le reste de l’année 2020, toutes les taxes et droits de douane sur le blé, les huiles, le lait en poudre, les légumes et les fruits, les frais d’approvisionnement en eau potable des villages ; supporter tous les impôts et redevances pesant sur les chefs de famille travaillant dans le secteur de la pêche traditionnelle. L’État avait mis dans la cagnotte 25 milliards de MRO et le fonds était ouvert à tous les contribuables, dont les PTF.

Six mois se sont écoulés et les Mauritaniens attendent toujours l’évaluation de ce plan. À l’heure où les biens mal acquis sont traqués par la CEP, le pouvoir serait bien avisé, avant de lancer ce nouveau plan, d’édifier le peuple sur la gestion des fonds affectés en chaque domaine. Parce qu’à l’heure encore où nous écrivons ces lignes, bon nombre de citoyens n’ont toujours pas compris comment les sous ont été dépensés. Seule une infime partie de ceux-là en ont profité. Et malgré les protestations de certains députés à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est abstenu d’éclairer l’opinion, le comité de pilotage est resté muet…

DL