Il y a 9 ans Aboubekrine Ould Dahoud écrivait une lettre à Ould Abdel Aziz (suite)

3 September, 2020 - 00:07

Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, Président de la République Islamique de Mauritanie- Nouakchott

Monsieur le Président de la République,

Je ne vois donc pas sur quelle base vos conseillers ont pu vous suggérer de diffamer, de la sorte, le défunt, par-dessus le marché, en public.

En effet, il est de notoriété publique que nous n’étions pas en odeur de sainteté avec le régime de Maaouya Ould Taya, suite aux multiples déboires que nous avons subis de la part de son système à l’occasion de la création du crédit agricole, que j’avais initiée et menée à terme.

 

Non seulement nos Etablissements avaient été soumis à un embargo, mais nous avons, en plus, été chassés du secteur et des procès ont été intentés contre nous (BALM, Port autonome de Nouakchott, Sonader …). De nouveaux fournisseurs ont été introduits pour se substituer à nos Etablissements. Pourtant cela n’a pas servi le secteur agricole, bien au contraire.

Nos Etablissements se sont vus contraints de suspendre toutes leurs activités commerciales et se sont retrouvés avec des stocks en pièces détachées d’engins agricoles et de motopompes ainsi qu’en engrais, pour plus de 300 millions mais aussi avec d’importants cumuls d’impayés.

 

Ostracisme

 

Ces derniers n’ont jamais obtenu un quelconque marché ou commande de quelque nature qu’ils soient de 1992 à 2009.

 

Comment peut-on, donc, tenter de nous assimiler aux ‘’moufsidines’’ alors que nous n’avons eu aucun lien commercial avec l’Etat, durant toute cette période !!!

 

Au cours des années antérieures à cette période, ce sont nos Etablissements qui accordaient des crédits aux paysans et aux institutions publiques qui intervenaient dans le secteur rural (Sonader, FND, UBD et UNCACEM). Ces crédits n’ont pas été payés, pour la plupart, à ce jour.

 

Malgré la dépendance de la justice de l’exécutif, une décision de justice, se rapportant au débit de ces institutions, a été rendue en 1995 et ayant acquis la force de la chose jugée, elle n’a toujours pas été exécutée à ce jour. Cette décision condamne conjointement le Ministère des Finances et l’UBD à nous verser plus de 144 millions. Ce montant ne représente qu’un peu plus du tiers de nos créances, sur l’UBD.

 

Quant aux dizaines de paysans, débiteurs auprès de nos Etablissements pour plus de 200 millions, ceux-là n’ont jamais fait l’objet de poursuites de notre part à ce jour.

 

Aussi, les marchés qui nous ont été adjugés lors de nos participations dans les années 80, aux appels d’offres internationaux, financés par la Banque Mondiale, la BID, le FED, la KFW mais également d’autres organismes, ont été exécutés à la satisfaction des bailleurs de fonds et des structures bénéficiaires. D’ailleurs la plupart des équipements que nous avions livrés à l’époque, continuent encore de fonctionner, dans certains périmètres, au jour d’aujourd’hui.

 

Par ailleurs, les deux marchés signés par nos Etablissements, au début des années 1990, ayant servi à désengager l’Etat de la fonction du crédit, exigés par les bailleurs dans les programmes d’ajustements structurels, et qui ont permis le bon déroulement des campagnes agricoles auxquelles ils étaient destinés, n’ont jamais été respectés par l’Etat. Sa défaillance nous a occasionné d’innombrables conséquences financières qui ont donné lieu à une condamnation de l’Etat, par les tribunaux, à nous verser un montant de 160 millions qui représente moins de la moitié de notre créance sur le Ministère du développement rural. Cette décision n’a jamais été exécutée à ce jour. 

 

L’un des contentieux provoqués par le système à travers la BALM (aujourd’hui Chinguitty-Bank) s’est terminé en notre faveur après 15 années de procédure. La décision définitive rendue en notre faveur par les chambres réunies de la cour suprême, après deux recours formulés dans l’intérêt de la loi, n’a toujours pas été exécutée à ce jour, pour des raisons exclusivement politiques, sous la pression exercée par la Libye. Cette décision ordonne la restitution à notre société d’un montant de plus de 38 millions.

 

Je pense que là aussi, les éléments précités contredisent formellement les informations qui ont servi de base aux qualificatifs et aux terminologies utilisés dans vos propos.

 

Quant à notre société qui intervient dans le domaine médical, elle a été victime au début des années 1990, de l’annulation d’une adjudication d’un marché de plus de 350 millions, qui portait sur l’équipement de l’hôpital général du Ksar (actuel hôpital militaire), de l’hôpital neuropsychiatrique, des centres de santé de Toujounine, Bababé, MagtaLahjar et Kankossa, suite aux conséquences de la bataille du crédit agricole précitée.

 

Le hasard a fait que la société qui a bénéficié de l’adjudication de ce marché était un de nos partenaires, avec lequel nous avions auparavant équipé les hôpitaux Sabah et Tidjikja en 1983. Cette dernière utilisera nos services en nous sous-traitant la livraison et l’installation des équipements dans les structures précitées. La majeure partie de ces équipements est encore fonctionnelle à ce jour.

 

Cumul d’impayés

 

Durant le régime de Maaouiya Ould Taya, notre société n’a obtenu qu’un seul marché, dans le cadre d’un appel d’offres national ouvert, dont le dépouillement a mis un an. Ce marché n°53/CCM/96, a été dénoncé en juin 1998, par Diyé Ba, et a occasionné un cumul d’impayés de plus de 700 millions, en principal. Il a suscité une saisine des tribunaux qui a donné lieu à une décision de justice condamnant l’Etat à nous verser un montant de plus de 683 millions en principal.

 

Cette décision n’a pas encore été exécutée, jusque-là, malgré son approbation par la commission, chargée d’examiner les contentieux de l’Etat, créée par les autorités de la transition, qui a suivi le coup d’Etat contre Maaouiya en 2005. Cela est également le cas pour les deux décisions précitées rendues en faveur de nos établissements.

 

Une expertise avait été ordonnée par les tribunaux. Elle a conclu que l’Etat nous devait 1.111.860.703 UM, au terme de l’exécution du contrat n°53/CCM/96.

 

Je ne peux que souligner au passage, l’instrumentalisation de nos juridictions par l’exécutif.

 

Depuis plus de deux décennies et jusque-là, l’implication, de ce dernier dans le cours des procès, influence considérablement les décisions de nos tribunaux et empêche leur exécution.

 

Par ailleurs, le Ministère de la santé n’a pas non plus payé une étude portant sur la réalisation d’un hôpital interrégional, préfinancée par notre société sur la base d’un engagement du Ministre des Finances de payer son prix sur 3 exercices (1998-1999-2000) pour un montant de 49 millions. Ce montant n’a toujours pas été payé à ce jour.

 

L’hôpital National est resté débiteur auprès de notre société, depuis cette époque, de plus de 43 millions, conséquent à des interventions techniques sur ses équipements, réalisées par nos techniciens, et à des consommables qu’il achetait par bons de commandes, sur la période de 1994 à 1998. Ce montant demeure impayé à ce jour.

 

De juin 1998 à Août 2006, notre société n’a jamais bénéficié d’un quelconque marché de quelque nature qu’il soit et n’a réalisé aucune transaction avec l’Etat durant cette période.

 

Au contraire, l’Etat a tout fait, sous le régime de Maaouiya Ould Taya, pour faire disparaître notre société, du paysage médical, comme cela a été fait pour nos Etablissements dans le domaine de l’agriculture. Il a même tout fait et a utilisé plusieurs voies et moyens, pour nous appauvrir. Ces agissements n’ont, pourtant, pas servi le secteur de la santé.

Grâce à Dieu, nous devons notre survie à des entreprises étrangères, qui nous ont sous-traité certaines parties de leurs marchés, qu’elles réalisaient, en Mauritanie, pour le compte de l’Etat ou pour celui de donateurs. Tout comme elles ont eu à utiliser nos services hors de nos frontières.

 

C’est ainsi que l’une de ces entreprises nous avait confié l’installation de l’ensemble des équipements de l’hôpital Cheikh Zayed et même la fourniture d’une partie. Cette sous-traitance s’est faite malgré les nombreuses difficultés posées et les blocages créés par les responsables de l’époque.

 

Ces responsables avaient réussi cependant, par des pressions diplomatiques, à faire dénoncer des contrats d’exclusivité qui nous liaient à certains de nos partenaires, dont PHILIPS.

 

Ces mêmes responsables avaient réussi également à empêcher l’exécution d’un contrat de groupement que l’on avait signé avec une société espagnole, pour la construction et l’équipement de l’hôpital de Nouadhibou. C’est notre exclusion du processus de son exécution qui a fait qu’il n’a pas été construit et équipé conformément au projet initial.

 

Durant la période précitée, les rares établissements publics qui nous ont adressé, par nécessité, des bons de commandes pour des interventions ou des consommables, sont l’hôpital Cheikh Zayed et l’hôpital Neuropsychiatrique dont les factures n’ont jamais été payées, malgré nos multiples réclamations et relances.

 

L’hôpital Cheikh Zayed cumulait en 2005 plus de 12 millions, qui demeurent impayés à ce jour. Ce montant se verra doubler sous votre régime, durant la gestion du Dr colonel Sidi Ely pour atteindre sous sa  direction plus de 26 millions d’impayés à ce jour.

 

L’hôpital neuropsychiatrique, a cumulé quant à lui plus de 8 millions d’ouguiyas qui ne sont toujours pas payés à ce jour.

 

L’hôpital militaire a cumulé lui aussi, plus de 12 millions pendant sa mise en route. Ce montant n’a jamais été payé à ce jour.

 

Pensez-vous que tous les éléments précités justifient que l’on tente de nous assimiler à vos fameux ‘’moufsidines’’ ?!!!

 

Retards

 

Aussi, ce n’est qu’un an après le coup d’Etat de 2005, que notre société a recommencé à participer aux appels d’offres internationaux et nationaux. Ces participations nous ont permis d’obtenir des marchés que nous avons exécutés en respectant scrupuleusement leurs dispositions.

 

Ces marchés, qui nous ont été adjugés, l’ont été à l’issue d’appels d’offres internationaux, auxquels ont participé des entreprises concurrentes, dont certaines sont étrangères. Nos prix ont été plus compétitifs que ceux proposés par ces dernières et la qualité des équipements est largement supérieure.

 

Le marché 163/CCM/07 n’a pu être réceptionné qu’en août 2008 et payé avec 8 mois de retard par le fait que l’administration n’avait pas fini les travaux de la construction du centre de Tintane auquel les équipements étaient destinés. Son montant portait sur 243088 euros, financé par la Banque Mondiale. Le ministère de la santé s’est empressé d’exploiter médiatiquement, cette réception, quelques semaines seulement après votre dernier coup d’Etat.

 

Les marchés 17, 18, 19, 20 et 92/CCM/2008, destinés à l’hôpital Cheikh Zayed, n’ont pu être réceptionnés qu’après 8 mois de retard par la faute de l’Etat, après de multiples relances, au cours de la gestion du colonel médecin Sidely. Ils n’ont été payés qu’un an et demi après leur livraison. Ils portaient sur plus de 103 millions. Ce paiement n’a été effectué qu’en décembre 2009.

 

Le marché 59/CCM/08, destiné à l’hôpital régional de Nouadhibou, a été réceptionné avec plusieurs mois de retard, par la faute de l’administration, et il n’a été payé partiellement qu’après plusieurs mois. Du prix de ce marché un solde de 10 millions demeure impayé à ce jour, auquel s’ajoutent plus de 5 millions de factures impayées

 

Les marchés 146 et 148/CCM/2008 n’ont été livrés qu’après plusieurs mois de retard et de multiples relances. Ils n’ont été réceptionnés que pour être exploités par le ministère de la santé lors de la campagne médiatique qui a été organisée pendant la période qui a précédé la sortie de crise ayant donné lieu à l’accord de Dakar. Les responsables de ce Ministère n’avaient rien d’autres à présenter, pour convaincre les populations, au cours de la campagne précitée.

(A suivre)

 

Le 7 février 2011

Aboubekrine Ould Dahoud