La Chine se réveille et le leader du monde tremble (VI)/Par Ahmedou Ould Moustapha

23 July, 2020 - 01:40

Monsieur Ahmedou Ould  Moustapha décline ici une analyse percutante qui remet en question beaucoup de certitudes et de croyances fortement établies.

Des lois immuables de l’Histoire aux pertinents indicateurs comparatifs de l’économie, en passant par les inflexions de la géopolitique, il met en évidence quelques tendances lourdes pour cerner les véritables enjeux de cette vive tension qui se déroule sous nos yeux entre les Etats-Unis et l’Empire du Milieu.

Il nous explique surtout la sérieuse menace qui se profile sur le destin des Etats-Unis au niveau de l’échiquier international ainsi que  les vraies raisons des déclarations à la fois erratiques et oscillatoires du président Trump à l’encontre de la Chine.

 

Performances économiques extraordinaires

Quoi qu’il en soit les chinois ont renversé la courbe de manière spectaculaire, un renversement jamais réalisé en si peu de temps, aussi inimaginable que ne puisse l’admettre Washington avec gaieté de cœur. Mais il faudra bien s’y faire : l’économie chinoise est devenue première exportatrice du monde, sa valeur ajoutée  industrielle s’élève en fin 2018 au double de celle des Etats-Unis. La Chine détient les plus importantes réserves de change du monde avec un stock supérieur à 3000 milliards de dollars ; elle est le premier partenaire commercial de 130 pays.

Et plus que toute autre, l’économie chinoise a contribué à la croissance  mondiale à hauteur de 30 % durant les dix dernières années.

La Chine est également première mondiale en termes d’investissements directs étrangers (IDE), particulièrement en Afrique, elle investit dans tous les pays qui  sollicitent ses capitaux, renforçant ainsi son rôle de premier contributeur à la croissance économique mondiale(1).

 

Au plan du développement humain

Selon les statistiques de la Banque Mondiale, le taux de pauvreté en Chine est passé de 95 %  à seulement 3 % en 40 ans. On y compte plus de milliardaires (en dollars) que partout ailleurs dans le monde.

Le nombre de ses classes moyennes (400 millions de personnes environ) va bientôt atteindre le  tiers de sa population. Et rapporté à la population totale par pays, le nombre des touristes chinois qui vont en vacances à l’étranger est le plus important au monde, et ils reviennent tous au pays, sans jamais demander l’asile, parce qu’ils sont satisfaits de leur qualité de vie ; laquelle résulte d’une politique de développement social dont l’objectif est de bâtir une société avec le plus grand nombre de classes moyennes, c’est ce qu’on appelle en Chine  ‘’une société de moyenne aisance’’, par le biais de la formation supérieure.

On comprend alors pourquoi la Chine envoie annuellement à l’étranger plus d’un demi-million d’étudiants (près de 600 000,  elle en reçoit plus de  400 000 par an). Aussi les diplômés chinois en technologie,  en ingénierie et en sciences ont-ils dépassé de 4 fois le nombre des diplômés américains dans ces domaines.

Par ailleurs, la Chine est le plus grand marché d’automobile au monde, et elle est en tête du podium des 3 premiers pays constructeurs avec 23,551 millions de véhicules par an, loin devant le Japon (8,212 millions) et les Etats-Unis (8,082 millions), soit plus de 3 fois que ces derniers. 

 

Au plan environnemental

Toutes ces percées technologiques et performances économiques déterminantes semblent à l’évidence aller de pair avec une politique de transition écologique aussi déterminante. Parce qu’au-delà de l’Accord de Paris sur le climat qu’elle a signé, la Chine est déjà le premier investisseur mondial en matière d’énergies renouvelables : 60 %  des panneaux solaires et 50 % des éoliennes en service dans le monde sont en Chine. Elle est aussi le premier pays à engager la plus grande opération de reboisement en cours dans le monde, avec un objectif en deux phases dont la première de 35 millions d’hectares déjà exécutée en grande partie et la seconde de 15 millions d’hectares qui sera mise en œuvre à l’horizon 2030.

La Chine a également réussi, au bout de cinq ans, à réduire de 50 % les émissions de particules toxiques qui polluent l’atmosphère dans la région de Pékin, avec le même programme qui continue dans l’objectif de les réduire davantage. Aucun des autres pays signataires de cet Accord n’a encore fait mieux, loin de là, notamment parmi les plus développés qui émettent la plus grande masse de gaz à effet de serre, en raison de leur intense activité industrielle jugée à l’origine du réchauffement climatique, sans parler des Etats-Unis qui n’en sont pas signataires et dont les industries sont considérées comme les plus grandes génératrices de pollution en ce qu’elles dégagent la plus forte concentration  par rapport au reste du monde.   

S’y ajoute que 99 % des bus électriques qui fonctionnent dans le monde sont fabriqués en Chine ; 50 % des véhicules électriques en service sont recensés en Chine,  et elle en fabrique également 3 fois plus que les Etats-Unis.

Un autre domaine où la puissance américaine est notoirement absente est celui des trains à grande vitesses (TGV) : tandis que la société publique qui les construit en Chine est classée première dans le monde, elle en fabrique annuellement 200 trains pour le réseau national constitué de 30 000 km, ce qui en fait le plus grand réseau à grande vitesse du monde, les Etats-Unis, eux, n’en sont qu’à leur première ligne de TGV (Texas/Houston) qui sera construite par une  société espagnole (Renfe) sur base d’un marché qui s’élève à plus de 6 milliards de dollars, signé avec l’Etat du Texas en février 202O. Répétons-le, il s’agit de la première ligne de TGV aux Etats Unis.

C’est d’ailleurs là un point de retard incroyable  vis-à-vis de la Chine que l’ex-président Jimmy Carter n’avait pas manqué de relever lors d’un entretien qu’il tînt avec le président Trump, à l’occasion d’une rencontre à la demande de celui-ci, qui voulait savoir son avis sur la menace économique chinoise.

Jimmy Carter avait ensuite attiré l’attention sur cette autre différence : au moment où les gouvernements américains s’engageaient successivement dans des guerres aux coûts faramineux et aux motivations douteuses, avec des  résultats pour le moins toujours catastrophiques, en considération des objectifs initialement déclarés, les autorités chinoises, elles,  s’occupaient discrètement au développement économique et social de leur pays.

(1) Sur ce plan, les autorités du Ghana semblent être les seules, dans cette sous-région,  à avoir  compris qu’il fallait bien choisir ses partenaires économiques pour prendre le chemin de la sortie du sous-développement, elles sont en train de faire de leur pays un tigre africain grâce aux multiples investissements de la Chine. 

 

(A suivre)