La relance d'un secteur stratégique... le développement rural /Par Ahmadou Yahya Al-Banani*

14 July, 2020 - 09:30

La communication de son Excellence M. le ministre du Développement Rural, M. Dy Ould  Zein, relative aux mesures adoptées lors du Conseil des Ministres du 25 juin 2020, a particulièrement attiré mon attention. Ces mesures constituent une relance pour ce secteur stratégique pour atteindre l'autosuffisance en riz au minimum, et la souveraineté alimentaire de certaines spéculations.
Mon attention a également été attirée par certaines mesures qui ont toujours fait partie des doléances des cadres et techniciens de ce secteur, ainsi que des producteurs dignes de ce nom.
 Parmi les principales et courageuses mesures dans le domaine de l'Agriculture irriguée, on peut citer ce qui suit :
- Définir un calendrier cultural, pour chaque campagne agricole, ce qui permettra de mettre fin au chevauchement entre les campagnes d'hivernage et  celles de la contre-saison, ainsi qu'à la difficulté de rattraper la nouvelle campagne à cause du retard lié à la maturité du paddy, causés par le non-respect du calendrier de la campagne précédente. Cette mesure augmentera les surfaces cultivées, garantira la récolte au moment approprié et diminuera l'impact des ravageurs, particulièrement les oiseaux granivores.

 

Mesures importantes

En effet, les producteurs, qui ne respectent pas cet itinéraire technique, ne bénéficieront pas des  mesures importantes d'accompagnement accordées  durant les campagnes agricoles, telles que les subventions pour l'achat des engrais et des herbicides ainsi que la nouvelle prime de production à la récolte.
La mise en œuvre de cette mesure débutera à partir de la prochaine campagne contre saison et seuls les producteurs qui respectent le schéma suivant en bénéficieront:
-Pour la contre saison (février-juin), le semis avant le 15 février, les variétés recommandées sont cycle court;
 -Pour la campagne d’hivernage (Juillet à décembre), le semis avant 15 août, les variétés recommandées sont cycle moyen, cycle court, au plus tard le 15 août, après cette date, il est recommandé d’utiliser les variétés à cycle court pour éviter que la floraison ne coïncide avec les froids.
- Subventionner à hauteur de 50 % le prix des engrais urée pour l'ensemble des producteurs. Augmenter la subvention des engrais de fonds DAP à hauteur de 60 %, pour vulgariser auprès des producteurs l'importance d'utiliser les engrais de fonds, car elles jouent un rôle important dans la formation des grains et leur remplissage pour augmenter le poids de 1000 grains PMG.
- Soutenir la production à la récolte est une mesure incitative (prime de production)  qui créera une forme de compétition positive.
Cette mesure, vise à réduire le coût élevé de l'énergie, en attendant le raccordement au réseau électrique de la rive droite du fleuve Sénégal, ce qui réduira certainement le coût de production.
Ce soutien a été fixé à 30 mille Ouguiyas par hectare, pour ceux qui s'engagent à respecter le calendrier cultural et à acquérir des semences de qualité, utiliser les types d'engrais recommandés et respecter leurs doses.
- Examiner et améliorer de façon complète et avec tous les parties prenantes  de notre système de financement du secteur agricole, le "crédit agricole", en apportant les améliorations nécessaires pour accompagner le rythme d'évolution rapide que le secteur connait à travers la diversification et l'intensification dans le domaine agricole.
- Augmenter la quantité d'herbicides nécessaires pour lutter contre les mauvaises herbes qui se propagent à grande échelle dans les exploitations agricoles.
Il est toutefois nécessaire de contrôler la distribution et l'utilisation de ces herbicides en raison de leur risque pour la santé publique.
- Nettoyer les affluents importants du fleuve Sénégal pour garantir une irrigation normale dans tous les périmètres  rizicoles.
- Réhabiliter certains grands périmètres, comme ceux de Boghé et de R'kiz.
- Interdire, ou plutôt ne pas considérer les repousses comme une culture qui bénéficie des intrants subventionnés. En raison de la dilapidation des deniers publics et la négligence  de l'aspect semence liés à cette opération.

 

Semences d’origine douteuse

Malgré la négligence  des semences par les producteurs, ils restent le premier et le plus important facteur  d'augmentation  du rendement.
C'est ce que doivent comprendre  nos producteurs qui ont toujours eu recours à des semences d'origine douteuse et à la pratique de repousse sur les résidus de la culture précédente, à cause du non-respect  du  calendrier cultural.
Pour résoudre la problématique de la filière semencière, j'ai participé, depuis trois mois, avec des hauts  cadres du secteur et des   représentants  professionnels des producteurs, sous la supervision de Son Excellence M. le ministre, à l’élaboration d’un plan de réhabilitation et de modernisation de la filière semencière.
Si ce plan de réhabilitation est mis en œuvre, je suis persuadé que nous serons en mesure de produire des semences améliorées de haute qualité pour toutes les variétés de la spéculation de riz ; surtout que les conditions actuelles de nouvelles réhabilitation sont favorables, pour garantir la qualité des semences  (pureté vatiétale et l'absence du riz rouge).
Son Excellence M. le ministre s'est engagé à acquérir une usine de triage et de conditionnement des semences dans un proche avenir, ce qui répond à une demande ancienne longtemps attendue et qui est de nature à restaurer la confiance dans la qualité des semences.
Il a été également  décidé de confier à la Direction de Développement des Filières et du Conseil Agricole ses prérogatives dans le domaine de la supervision, du suivi et du contrôle des semences sur l’ensemble du territoire national, ce qui corrige la situation anormale dont a été victime cette filière au cours des quatre dernières années,  une mesure  bien appréciée par tous les intervenants dans cette filière.
Son Excellence le ministre a souligné un point important, à savoir que les semences importées sont vecteurs de transmissions de maladies, de mauvaises herbes et d'insectes pathogènes. Il faut donc prêter attention à cela et s'appuyer sur nos expériences nationales dans ce domaine، pour ne pas polluer nos sols et perturber notre système de production déjà fragilisé par d'autres facteurs.
 Dans le domaine  de l'Agriculture pluviale, son Excellence M. le ministre, a rappelé certaines des mesures les plus importantes, à savoir:
- Construire 74 nouveaux barrages dans certaines Wilayas ;
- Distribuer des quantités de semences de qualité produites localement;
- Introduire la fertilisation dans les zones de culture de derrière barrages, qui est un processus très important et qui a donné des résultats positifs. Il a  déclaré que cette expérience sera généralisée et renforcée.
Nous pensons qu'il est nécessaire également d'introduire la notion de production de semences de qualité dans ces barrages, car sans semences de qualité, tous ces efforts seront incomplets. Je me permets de donner l’exemple des résultats positifs que connaît le sous-secteur de la production animale avec l'introduction du processus d'amélioration génétique pour augmenter la productivité. La production végétale doit également introduire le processus d'amélioration génétique, et cette amélioration commence en zone pluviale, à partir de la  sélection massale jusqu'à la création d'une nouvelle variété. Ce sont les étapes pour garantir la qualité.
 

Patrimoine en danger

La situation actuelle et les conditions difficiles de l'agriculture pluviale nécessitent de façon urgente d’améliorer les semences.  Une amélioration technologique qui consiste à former  un réseau ou un groupe de producteurs pour choisir les épis les plus grands, les plus beaux, les plus sains, les récolter seuls, sans les mélanger avec d'autres cultivars locaux, puis bien les conserver afin de maintenir leur pouvoir de germination et les semer l'année suivante.
Cette méthode de sélection est pratiquée par la plupart des pays dans de la sous-région, pour les cultures traditionnelles et dans d'autres pays pour l'agriculture biologique.
Le secteur a connu une expérience réussie dans ce type d'amélioration technologique en coopération avec la FAO dans le cadre du projet "Appui à la vulgarisation des semences traditionnelles de qualité  dit améliorées " en zone pluviale. Ce projet que j'ai eu la chance de coordonner.
La préservation de notre patrimoine phylogénétique (cultivars locaux) est aussi une piste de réflexion car ce patrimoine est exposé à de grands risques.
La Recherche Agronomique doit jouer son rôle pour préserver ce patrimoine à travers la collecte des écotypes locaux et la création des banques de gènes.
Des programmes d'améliorations peuvent ensuite démarrer à l'instar des autres pays.
Il est même envisageable d'améliorer la qualité de certaines variétés ou cultivars locaux à travers une culture en station de recherche, en appliquant les techniques culturales recommandées.
Les résultats de cette amélioration doivent être vulgarisés dans des zones à haut potentiel (pluviométrie importante).
Ces ressources phylogénétiquesnt une inestimable source de gènes pour l'amélioration des cultures. Ces espèces traditionnelles représentent une grande diversité car elles portent des gènes pour la tolérance à la salinité, à la sécheresse, à la chaleur et à la résistance aux ravageurs et aux maladies.
La prise de conscience du rôle des semences dans toute stratégie de développement de l'agriculture est importante ainsi que la volonté politique de promouvoir une recherche agronomique digne de ce nom.
Cette volonté permettra la réhabilitation de la recherche agronomique  à travers le recrutement des jeunes chercheurs et la construction des infrastructures nécessaires à savoir les laboratoires, les chambres froides, les banques de gènes et  la réhabilitation des stations.  L'accent devrait  être  également donné à la formation pour améliorer les capacités du personnel chercheur et autres dans le maintien des variétés, la description des variétés et la production des semences de prébase ...etc.
Les cadres de ce secteur se  sont félicités de ces mesures sans précédent qui donneront sans aucun doute un nouvel élan à l'augmentation de la production dans ce secteur vital.
Je considère ces mesures comme une base solide pour le nouveau programme du Gouvernement après la pandémie du Covid 19, en ce qui concerne le secteur agricole.

*Ingénieur, Directeur adjoint à la Direction Administrative et Financière / Ministère du Développement Rural