Dans une lettre adressée à Macron : La CVE/Réconciliation vilipende le « Système »

8 July, 2020 - 23:47

La Coalition Vivre Ensemble (CVE/Réconciliation) a saisi l’occasion de la tenue, le 30 Juin dernier à Nouakchott, du Sommet des chefs d’états du G5, en présence du président Emmanuel Macron, pour attirer l’attention sur le cas de la Mauritanie, un pays où « sévit un apartheid déguisé non codifié, comme ce fût cas en Afrique du  Sud ».

Issue de la scission de la Coalition Vivre Ensemble (CVE) qui soutint la candidature de Kane Hamidou Baba à l’élection présidentielle du 22 Juin 2019, la Coalition Vivre Ensemble (CVE/Réconciliation) est composée d’un parti politique : l’Alliance Pour la Justice et la Démocratie (AJD/MR) ; et de deux mouvements citoyens : les Forces Progressistes pour le Changement (FPC) et Touche Pas à Ma Nationalité (TPMN), entités appartenant à la mouvance nationaliste noire.

La correspondance enchaîne en citant le rapport d’un observateur du Conseil Représentatif des Associations Noires  (CRAN) : « être noir en Mauritanie est un délit, sans que cela ne soit écrit nulle part. Des lois non écrites confinent en effet l’homme noir mauritanien ; au mieux, au rang de citoyen de seconde zone ; au pire, en victime du déni d’humanité à travers l’esclavage. L’exclusion, voire la négation de l’homme noir mauritanien a débuté dès les années 1990. Elle va se prolonger et s’aggraver au fil des années, pour culminer avec les régimes militaires. Entre 1986 et 1991, la communauté négro- africaine de Mauritanie subira déportations et diverses formes de graves exactions, dans ses composantes peules, soninkés et wolofs, 120.000 âmes, selon les chiffres du HCR, se verront déportées en 1989 au Sénégal et au Mali. Des centaines de villages seront détruits ou réoccupés le long de la vallée du fleuve Sénégal qui fût par ailleurs le théâtre d’exactions et d’exécutions extrajudiciaires massives.

En 1990, l’Etat mauritanien intensifie l’exclusion et entreprend de dénégrifier l’armée nationale, épurée de 3500 soldats et officiers négro-africains. Ces militaires sont quasiment tous arrêtés et jetés dans des camps-mouroirs ou ils seront torturés et soumis aux traitements les plus dégradants. Plus de 500 mourront, ensevelis dans des fosses communes qui vont essaimer dans les camps militaires du pays et la vallée du fleuve. Ces fosses communes n’ont pas fini de livrer leurs secrets, notamment celle révélée dernièrement (Mars 2018) à Benamira, au Nord du pays, où 28 corps ligotés furent découverts par des chercheurs d’or ».

 

Loi scélérate

La correspondance de la CVE/réconciliation revient également sur le terrible épisode de la célébration du 30ème anniversaire de l’Indépendance nationale, dans la tristement célèbre garnison militaire d’Inal, le 28 Novembre 1990, avec « le sacrifice de 28 militaires négro-africains, pendus en guise de solidarité avec l’Irak arabe victime de l’agression des USA. Le reste des militaires négro-africains ayant échappé à la mort est collectivement radié de l’armée. Les auteurs de ces crimes et exactions courent toujours, circulent librement, occupant même, pour certains, de hautes fonctions de l’État jusqu’à nos jours, protégés par la loi d’amnistie inique et scélérate, adoptée en 1993, qui consacre l’impunité dans le pays ».

Le document poursuit le récit « des années de plomb pour les populations négro-africaines, pendant lesquelles la composante peule, en particulier, va subir un véritable génocide exécuté par l’armée, à l’image de ce qui se passe actuellement au Mali et au Burkina Faso ». Et de poser ainsi une similitude avec le contexte actuel d’insécurité dans un Sahel  en pleine tourmente, avec une spirale d’attaques terroristes, provoquant la réaction d’armées régulières en mauvaise posture se livrant à des massacres de populations civiles perçues en alliées des mouvements djihadistes.

Un Sahel dominé par la géopolitique de la violence et du sang venue se greffer à une  misère endémique, favorable à toutes les aventures… Saisissante image : « au Mali et au Burkina Faso, les populations peules subissent exactions, tortures, exécutions sommaires massives, sous prétexte de lutte contre les djihadistes. Mieux vaudrait cueillir ces djihadistes que sont Iyad Ag Aly et Amadou Kouffa plutôt que stigmatiser toute la communauté peule violentée sous l’œil de la France. Tout comme en 1990 où nos voisins et le gouvernement de Mitterrand laissèrent faire le colonel Ould Taya ».

Le document de la CVE/Réconciliation signale « que l’épuration ethnique  n’a jamais cessé » et qu’elle a pris d’autres formes plus sournoises. Le pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz a entrepris en 2011 une opération d’enrôlement qui vise officiellement à doter les Mauritaniens de papiers biométriques d’état-civil, mais qui s’est en réalité révélé, dans son exécution à caractère raciste et discriminatoire, un instrument de dénationalisation des populations négro-africaines.

La Mauritanie traîne, comme un boulet depuis une trentaine d’années, un passif humanitaire dont les présumés coupables sont couverts par une loi d’amnistie. Sur le continent africain et à travers l’histoire, de nombreux pays ont eux aussi connu des dérapages engendrant des violations massives de droits humains sous forme de tortures, massacres, etc., crises et violences invariablement sources de déstabilisation politique. En pareilles circonstances, c’est sur la base d’un consensus porteur d’une forte  volonté politique que les États ont pu recourir à une justice transitionnelle, voie assurée vers la réconciliation et la construction d’une paix durable. Mais on a manifestement opté, en Mauritanie, pour l’impunité, depuis que le régime putschiste du général Mohamed ould Abdel Aziz a tué dans l’œuf l’initiative du Président civil démocratiquement élu, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi.

Synthèse AS