Autour d’un thé : Vol et vol

8 July, 2020 - 23:32

Ndeyssanam. Juillet et Août sont deux mois totalement militaires. Moi, quand j’entends Juillet, rek, je pense au dix dont plus personne ne parle aujourd’hui. Je pense musique militaire puis voix de feu capitaine lisant le communiqué numéro un : « Mauritaniens, Mauritaniennes, peuple de héros…. ». Puis il y eut plusieurs autres communiqués numéro un, parfois même lus par des civils. Attention, ce n’est pas de la prémonition ni un quelconque pressentiment, ni sixième, septième voire huitième sens ! C’est juste à dire que le mois de Juillet me rappelle combien doucement vinrent les militaires avant de s’inscruster, forcément. Jusqu’à quasi-maintenant. En ce que tout ex-militaire reste un quasi-militaire, avec ses réflexes, discipline, tics, rangers et ceinturon. Après Juillet, c’est Août qui a aussi ses histoires avec les militaires. Bon, voilà pour les souvenirs avec les mois de l’année, les militaires et leurs turpitudes. Exactement comme les civils. Car, lorsque les militaires battent le tamtam, les civils dansent si diaboliquement qu’ils en tombent en transe. Maintenant, nous sommes en démocratie. République. Institutions. Distanciation sociale et distanciation institutionnelle : l’Armée, là-bas ; la Présidence, très là-bas ; le Parlement très, très là-bas ; la Justice, très, très, très là-bas. La BCM garde l’argent. Ne dit-on pas que pour maîtriser un voleur, il faut lui confier quelque chose ? Et que le diable est dans les détails ? Or, qu’est ce qui est plus détaillé que des coffres visiblement pas trop forts, bourrés de dollars, livres sterling, franc suisse, euros, yens, or… ? Un million de dollars, ça fait combien ? Pour nous les profanes qui n’avons probablement jamais vu ni de près ni de loin un million d’anciennes ouguiyas. C’est comment qu’on le transporte ? Dans un sac à main de femme, sous son aisselle ou bien enfoui je ne sais où ? Entre voler et détourner, il y a nuance. Exemple Projet Vaincre. Tu es comptable, tu empoches vers un milliard. Deux hypothèses : ça passe, bonjour voitures luxueuses, villas cossues, voyages à l’étranger, grosses boutiques remplies de n’importe quoi dans les marchés de Nouakchott, soirées arrosées… Ça casse, bonjour la tribu, les rencontres sous table, les interventions de personnalités civiles et militaires, les relations entre parents et cercles du pouvoir, petite mise en scène publique pour amuser la galerie, rideau : ça, c’est un détournement. Quelques mois de mise en quarantaine puis recyclage. Regardez, cherchez, comptez. Combien sont-ils, combien sont-elles à avoir être pris la main, la tête et les pieds dans les coffres ? Et hop ! Les revoilà de nouveau aux affaires, comme si de rien n’était ! Ça, ce sont les détourneurs, pour ne pas dire les gros voleurs. On n’emploie le mot que pour les vulgaires petits. Les petits larcins qui ruinent le pays. Qui empêchent son développement. Qui sont à la base de la mal-gouvernance, de tous les dysfonctionnements économiques. Qui ne respectent pas les fondamentaux ni de la morale ni de la gestion. Qui menacent terriblement l’État et ses institutions. Les voleurs d’ânes, de téléphones portables, de pneus, enjoliveurs, cartes de recharge, rétroviseurs, batteries de voitures paisiblement garées…..Enquêtes, instructions, transferts de dossiers, incarcérations préventives qui peuvent durer des années. Jugement et prononciation de peines allant de dix à vingt ans de prison pour vol d’un objet ne valant généralement pas plus de cinq à dix mille anciennes ouguiyas. Un million de dollars, c’est combien de fois cinq à dix mille ouguiyas ? Le milliard du projet Vaincre, ça fait combien de fois la valeur de tous les objets volés par de petits badauds, des indépendances à ce jour ? Les affaires de gros sous volés par les gros « voleurs » ne « fatiguent » pas : c’est comme un nuage d’été... Après quelques jours, on n’en reparle plus… L’argent de Vaincre, comme l’argent de l’armée, comme l’argent de la SOMELEC… Celui de la SNIM, des Ports, du Trésor… « La tente de l’argent de la BCM n’est pas plus grande que la tente du père de tous ces autres argents ». Salut.

Sneiba El Kory