Election des commissaires de l’Union Africaine : La Mauritanie va-t-elle saborder ses propres candidatures ?

7 July, 2020 - 18:45

Désignés par la Mauritanie pour être ses candidats aux postes de Commissaire en charge des Infrastructures et de l’Energie  et  celui en charge de Affaires politiques, paix et sécurité, Mokhtar Yedaly et Ngam Yahya seront-ils finalement recalés par leur propre pays. Alors que les missions diplomatiques dans les capitales multilatérales ont déjà envoyé les  notes verbales aux missions diplomatiques africaines et arabes demandant le soutien aux deux candidats désignés par le Gouvernement mauritanien.

Aux dernières nouvelles, le ministère des Affaires étrangères est en train de revoir cette liste pour y inclure des « politiques afin d’assurer la réussite aux élections » alors  que les candidats déjà désignés (et nos missions aussi à l’étranger) ne sont pas encore avertis de ce revirement qui - parait-il - serait conseillé à la présidence par un groupe de vieux loubards de la «politique de chez nous »  assez connus aussi pour leur retournement de boubous.  Une cacophonie qui ne dit pas son nom.

Pourquoi notre pays n’a jamais été bon dans la préparation des élections au sein des institutions internationales ? Avec un grand nombre de cadres compétents à l’étranger  notre taux de réussite,  en comparaison avec nos voisins (Maroc, Sénégal, Mali, Niger etc..) dans ces élections, laisse à désirer.

Avoir des cadres de haut niveau au sein des organisations internationales est non seulement une fierté nationale mais aussi une chose utile pour le développement du pays dès le moment où un pont est créé entre ces cadres et la capitale. En participant aux élections, le pays teste sa politique des affaires étrangères et identifie ses alliés du moment. Notre pays est  un membre fondateur de l’OUA/ Union Africaine. Non seulement nous  n’avions jamais eu à y faire élire de hauts responsables mais nos cadres qui y travaillent y ont accédé par eux-mêmes. Le gouvernement devrait capitaliser sur ces cadres et d’autres se trouvant dans d’autres organisations internationales.

Ce que le gouvernement doit savoir surtout c’est que les prochaines  élections de l’Union Africaines seraient,  en fait les premières  qui surviendraient, pour mettre en œuvre la nouvelle  réforme de la Commission de l’Union Africaine (CUA) adoptée lors d’un sommet extraordinaire tenu en  novembre 2018 et spécialement dédié à cette réforme pour remédier à la léthargie dans laquelle a sombré cette commission ces dernières années suite aux élections répétées d’incompétences proposées par les Etats membres.     

 

 

Incompétence notoire

En effet, les leaders  africains (et pas seulement eux) ont constaté ces dernières années un manque d’efficacité sans précédent de la CUA qui a surtout évolué ces dernières années  vers une incompétence notoire avec l’arrivée du tchadien M. Faki  dont le mandat n’a de positif que la guerre acharnée entre lui et son vice-président, le Ghanéen Thomas K. Quartey au point de demander au pays de ce dernier de le remplacer. Cette guéguerre entre les chefs a donné l’occasion au Comite de Représentants Permanents -COREP- de s’impliquer dans la gestion presque quotidienne de la Commission, ce qui n’a pas manqué de compliquer davantage la situation et augmenter l’inefficacité et la lourdeur de la commission.

C’est tenant compte de cette situation et dans le souci de diminuer son budget opérationnel  qui est assuré à travers les budgets nationaux des Etats membres que les organes de l’UA ont décidé de conduire la réforme de la CUA. L’objectif principal de cette réforme est de sélectionner les hauts responsables de cette Commission sur la base de la compétence, contrairement à la pratique des années précédentes par laquelle un certain nombre d’individus qualifiés ou pas de « politiques» se sont présentés au vote. Et c’est la mécanique de ce vote qui définirait qui serait un responsable de la CUA ou pas. Le moins qu’on puisse dire ici est que la Commission,  ces dernières années, n’a pas été gratifiée des compétences requises pour conduire à bien l’agenda de développement du continent. 

Le nouveau processus de sélection des responsables  de la  nouvelle Commission en février 2021 vise à remédier à la situation actuelle. C’est ainsi qu’il a été créé  un Groupe d'Eminents Africains -le Panel-, composé de cinq -5- personnalités éminentes -1-, une par région, chargé de superviser la présélection des candidatures des hauts responsables de la Commission. Ce groupe sera assisté techniquement  par le cabinet PwC Associates Africa Limited -de l’Ile Maurice- sélectionné par appel d’offres publié le 6 février 2020.  

Le Panel a déjà  élaboré les profils de poste qui serviront de base à l'évaluation des candidats pour les six postes de commissaire par le Conseil Exécutif -2- et  une référence pour l'élection du président et du vice-président par la Conférence des chefs d'État et de gouvernement.  Les  profils incluent les compétences et aptitudes générales requises en matière de leadership, ainsi que sur l’expertise thématique relative à chaque portefeuille. Outre les principes fondamentaux susmentionnés, le processus d'évaluation de tous les candidats doit être fondé sur les aptitudes et compétences identifiées pour chaque poste de haut dirigeant.

En un mot le processus de sélection  n’est plus « politique » mais plutôt technique. Il doit garantir la nomination du meilleur candidat possible, qui possède les plus hautes qualités d'efficacité, de compétence et d'intégrité, qui fait preuve d’un engagement ferme en faveur du panafricanisme et des objectifs, principes et valeurs de l'UA, ainsi que de capacités prouvées en matière de gestion, d’une vaste expérience en relations internationales et de solides compétences en matière de diplomatie et de communication.

En ce qui concerne les Commissaires  les candidats seront évalués sur la base d’un examen initial des demandes de candidatures et des CV. Les candidats présélectionnés seront convoqués pour être évalués sur la base des critères de connaissances et de compétences établis pour les postes de hauts dirigeants.

 

 

You speak english ?

Par ailleurs un système de gestion efficace des performances axé sur les résultats  est mis en place en urgence afin d’assurer l’obligation redditionnelle en matière de gestion de la performance et de l’obtention de résultats. Cette mesure doit s’appliquer à tous les fonctionnaires élus et non élus. Des mesures administratives et disciplinaires garantissant la reddition des comptes, doivent s’appliquer en cas d’indiscipline, d’abus d’autorité, de contre-performance et de non-obtention de résultats au titre des responsabilités assignées.

Une autre nouveauté a été introduite. Elle est porte sur la cessation de fonctions du président, du vice- président et des commissaires. C’est ainsi que  la Conférence peut, à la majorité des deux tiers et à la suite de la procédure dûment menée par le Conseil exécutif, mettre fin aux fonctions du/de la Président-e- de la Commission, du/de la vice-président-e- et des Commissaires pour cause d’incompétence, d’inconduite grave ou d’incapacité à assumer leurs fonctions pour des raisons d’incapacité permanente certifiée par un conseil médical. La décision définit la procédure de cessation de fonctions  des hauts responsables.

Comme dans toutes les organisations internationales, un critère fondamental d’appréciation au sein du système de l‘Union Africaine est la maitrise de l’anglais. L’utilisation de cette langue dans toutes les communications et la conduite journalière des affaires prime sur les trois autres langues. Celui qui ambitionne d’y travailler devrait dès le premier jour être prêt de travailler dans cette langue et être familier avec le système de gestion internationale pour ne pas dire anglophone. Les affaires ne donneront pas l’opportunité d’apprentissage.

Le défi du gouvernement est de choisir et présenter les candidats appropriés en tenant compte de la situation dictée par la réforme.

 Le gouvernement devrait savoir que l’enjeu est beaucoup plus sur le plan de la technicité des candidats que sur le nombre de postes qu’ils auraient occupés sur le plan national. En plus de nombreux ex-ambassadeurs  et  cadres dans les organisations internationales,  la Mauritanie a la chance d’avoir au sein du système de l’UA un cadre conseiller du président de la Commission  M. Faki et deux cadres au niveau D1 -Directeurs- au sein de du département dont le profil du poste n’a pas été touché par la réforme. C’est une aubaine pour le pays. C’est dans cette direction qu’il faut chercher les candidats au lieu de perdre le temps à farfouiller dans le sérail des « politiques »  pour déterrer des candidats qui n’ont aucune chance de passer si l’on s’en tient à la lettre de la dernière réforme..

Le Premier ministre et son ministre des Affaires étrangères comprennent bien les enjeux et ne devraient pas surtout se laisser distraire par des ambitions  de certains dinosaures de la politique nationale,  qui une fois exposés à l’extérieur, porteraient plus préjudice au pays qu’a sa grandeur.

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       Ben Abdalla

 

(1) Le Groupe est composé des personnalités issues des régions ci-après: a) Afrique centrale (Cameroun), b) Afrique de l'Est (Ethiopie), c) Afrique australe (Namibie),  d) Afrique de l'Ouest (Gambie), e) Afrique du Nord (personne n’a été désigné)

 

(2)Réunions des Ministres des Affaires étrangères

 

 

 

 

 

 

Extraits  de la décision Ext/Assembly/AU/Dec.1-4(XI) portant sur la nouvelle structure de la Commission de l’UA

L’assemblée

DECIDE que La nouvelle structure de la Commission de l'UA est composée de huit (8) membres, à savoir: un Président, un Vice-président et six (6) Commissaires ;

(ii) les portefeuilles des Commissaires sont déclinés comme suit :

a) Agriculture, développement rural, économie bleue et environnement durable;

b) Développement économique, commerce, industrie et exploitation minière ;

c) Éducation, science, technologie et innovation;

d) Infrastructure et énergie;

e) Affaires politiques, paix et sécurité;

f) Santé, affaires humanitaires et développement social.

DÉCIDE que la nouvelle structure ainsi que les portefeuilles des hauts dirigeants de la Commission prennent effet à la fin du mandat actuel de la Commission en 2021

DÉCIDE de ce qui suit :

(i) Le processus de sélection des hauts dirigeants de la Commission est guidé par les principes fondamentaux ci-après:

a) Représentation régionale et parité hommes-femmes sur une base équitable ;

b) Rotation inter et intra régionale prévisible appliquée par ordre alphabétique anglais, à chacun des postes de direction;

c)Attrait et rétention des meilleures compétences de l’Afrique;

d) Obligation redditionnelle et efficacité de la gestion par le leadership;

e) Sélection transparente basée sur le mérite

ii) Le principe de rotation et de parité hommes-femmes est appliqué aux postes de Président et de Vice-président, avec alternance de genre, si le Président est un homme, le Vice-président sera une femme et vice versa ;

(iii) les six (6) postes de Commissaire sont répartis équitablement entre hommes et femmes dans les trois (3) régions qui ne sont pas représentées au niveau des postes de Président et de Vice-président ;

(iv) les régions dont les candidats sont élus aux postes de Président ou de Vice-président ne sont pas éligibles aux six (6) autres postes de commissaires

DECIDE de créer  un  Panel des éminentes personnalités africaines composé de cinq (5) membres, à raison d’un (1) par région, pour superviser la sélection des candidatures des hauts dirigeants de la Commission ;

DÉCIDE que le Panel des éminentes personnalités africaines soit assisté sur le plan technique par un cabinet de conseil africain indépendant, qu’il aura choisi

DÉCIDE de renforcer la transparence et la méritocratie du processus de sélection actuel, comme suit : les candidat(e) s doivent fournir leur curriculum vitae, et présenter leur vision relative à la relève des principaux défis auxquels l'UA est confrontée. Ces documents sont publiés sur une page du site Web de l'UA consacrée à cet effet ;

DÉCIDE qu’un système de gestion efficace des performances axé sur les résultats soit appliqué en urgence afin d’assurer l’obligation redditionnelle en matière de gestion de la performance et de l’obtention de résultats. Cette mesure doit s’appliquer à tous les fonctionnaires élus et non élus. Des mesures administratives et disciplinaires garantissant la reddition des comptes, doivent s’appliquer en cas d’indiscipline, d’abus d’autorité, de contre-performance et de non-obtention de résultats au titre des responsabilités assignées ;