Bouanze-Guidimaha : Quand les mosquées ne sont plus des espaces de convergence mais de divergence…

2 July, 2020 - 00:13

Le 23 Juin 2020, une délégation d’habitants de Bouanzé (moughata’a d’Ould Yengé, arrondissement de Lahraj) se présente à Sélibaby sur convocation du wali du Guidimakha. L’ordre du jour de la rencontre porte sur un conflit autour de la gestion d’une des mosquées du village. Selon les représentants des cent quarante familles concernées, « tout est parti de la volonté des chefferies traditionnelles d’imposer divers de leurs alliés à la gestion du bureau de l’Association des Parents d’Élèves (APE). Le rejet de la décision de la chefferie par le groupe desdits cent quarante favorables à la loi 031-2015 engendra un autre conflit autour de la gestion d’une de deux mosquées de Bouanzé.

Les alliés de la chefferie traditionnelle voulaient à la fois se charger de la réfection du mur et du carrelage de la mosquée construite par l’ensemble des habitants du village et s’occuper de la gestion de l’imamat ». Colère des cent quarante réfractaires considérant anachronique et sans fondement religieux une telle exigence.« La mosquée est la maison d’Allah », argumentent-ils. « Elle ne peut être la propriété de quiconque et n’importe quel érudit, quel que soit son statut social, a droit d’y diriger les prières ou de participer à sa réhabilitation ».

Le problème éclate en 2016, lorsque le groupe des cent quarante juge nécessaire de reconstruire le mur et diverses parties totalement délabrées de la mosquée. Le groupe des Camara et des Cissé qui prétendent avoir les mains sur les terres et les mosquées s’oppose à cette initiative au motif que la mosquée est leur propriété. Informé par le maire de la commune, le chef d’arrondissement de Lahrajse déplace sur les lieux, exhorte en vain les deux parties à s’entendre sur les modalités de réfection du site et ordonne au final la suspension de toute activité de réhabilitation.

Suite à une réunion tenue en présence du hakem de la moughata’a d’Ould Yengé et du délégué des Affaires islamiques et de l’enseignement originel au Guidimakha, un comité de gestion de la mosquée composée de douze membres (six de chaque groupe) est désigné. Ilse voit chargé de la réfection du lieu et les travaux commencent : ils sont toujours en cours. Pour ce qui est de l’imamat, c’est Demba Sidi Cissé qui est coopté, avec mission de désigner un suppléant, a priori en concertation avec les gens fréquentant la mosquée ; au final imposé par les Camara et Cissé. Mais lorsque leditimamse voit confiné à Dakar en raison du Covid, son suppléant se fait remplacer par des jeunes immatures. Une désinvolture d’autant plus inacceptable aux yeux du groupe représentant les cent quarante familles qu’il dispose en son sein de personnes maîtrisant les textes religieux et capables de diriger correctement les prières.

On ne peut s’empêcher ici de rappeler le chapitre 3 (« Une société fière de sa diversité et réconciliée avec elle-même ») des fameux et solennels « Engagements »de notre actuel président de la République visant à promouvoir une « Mauritanie riche de sa diversité culturelle et déterminée à dépasser les survivances des traditions et coutumes ancestrales dont certaines sont en contradiction avec les progrès universels en matière de droits humains. Un élan sincère de concorde, de fraternité et d’acceptation de l’autre est nécessaire pour assurer une cohésion nationale où l’apport de chacun sera un enrichissement collectif. Une action d’envergure doit vite être engagée pour éradiquer les séquelles de l’esclavage, panser les plaies laissées par le passif humanitaire et résorber toute forme de disparité issue des discriminations sociales ».

Le wali du Guidimakha saura-t-il orchestrer à Bouanzé l’application de cet engagement salutaire et d’intérêt national ? C’est tout le bien qu’on lui espère… et à toute la population dudit village dont la sérénité des mosquées, lieux privilégiés de convergence de ses habitants, ne doit, en aucun cas, être sacrifiée à l’autel des discriminations statutaires.

Ba Amadou

CP Guidimakha