Dr Mohamed Mahmoud ould Mah n’est plus: Une flamme s'éteint

18 June, 2020 - 12:00

 

L'ex-président du Comité National Olympique et Sportif Mauritanien (CNOSM), le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah est décédé le mercredi 17 Juin 2020 à l’âge de 80 ans. Figure emblématique du paysage politique et sportif, économiste de renom, il venait d’être hospitalisé dans un « état très grave », au Centre national de cardiologie.

Ould Mah donna visage et caractère au CNOSM qu’il a façonné et dont les fédérations sportives sont, en leur large majorité, satisfaites. Puis, après vingt-et-un ans de règne sur le mouvement olympique mauritanien, le docteur passa, l’année dernière, le flambeau à Abderrahmane Ethmane. Il bénéficiait, au plan international, notamment au sein de l’ACNOA et du CIO, d’une singulière aura mais ne voulut jamais s’y porter candidat. Il tenait comme à la prunelle de ses yeux à sa liberté d’expression. En politique depuis quelque temps, le secrétaire général et fondateur de l'UPSD semblait avoir pris une même position.

 

Un parcours sportif hors du commun

Président du CNOSM, Mohamed Mahmoud « a surtout triomphé d’avoir résisté, ces vingt dernières années, à l’ensemble des ministres chargés des sports qui lui ont, tous sans exception, fait la guerre, à un moment ou un autre », soulignait Cheïkh Aïdara de « L’Authentique ». L’homme sut, dès sa jeunesse, concilier sport de haut niveau et brillantes études. Au lycée Faidherbe de Saint-Louis, alors que d’autres justifiaient leur échec scolaire par la pratique du sport, il sut concilier, grâce à Dieu, trois disciplines sportives – athlétisme, natation, football – et collectionner les références scolaires. À chaque distribution solennelle des prix, du temps où cette ville était à la fois la capitale du Sénégal et de la Mauritanie, on le vit ainsi obtenir de hautes distinctions.

Dans la pratique du sport de haut niveau, il fut vice-champion d’Afrique Occidentale Française (AOF) du 1000 m cadets (Dakar 1957) ; champion du Sénégal du 1500 m juniors (Thiès 1958) ; finaliste d’un 50 m nage libre scolaire en France (Saint Nazaire 1958) et classé par la Fédération Française de Natation (FFN). Atarois de naissance, Ould Mah surprit bon nombre d’encadreurs et de nageurs, par son étonnante progression à chacune de ses sorties, suscitant de vives admirations. Capitaine de l’équipe de football du lycée de Faidherbe, il devient plus tard président de la Fédération mauritanienne de football (FFRIM) et amende une proposition du Bureau exécutif de la FIFA, à son congrès de 1986, à Mexico, pour que la représentation de l’Afrique, à la Coupe du Monde, passe de trois à cinq équipes. « J’ai dégagé une majorité en faveur de cet amendement », note-t-il alors (cf. « Amendement Ould Mah », PV du congrès FIFA 1986 à Mexico). Notre compatriote, feu Bâ Mahmoud, alors ambassadeur de Mauritanie à Abidjan, lui rapporta un numéro du journal « Fraternité Matin », avec, en manchettes : «L’honneur du football africain défendu par le président de la Fédération mauritanienne de football à Mexico ».

La CAF aurait pu l’honorer, en 2010, lors du passage du trophée de la CM dans le Continent ou, encore, de l’une ou l’autre CAN où des distinctions furent accordées à de soi-disant personnalités sportives africaines, pour services (imaginaires en bien de cas) rendus au football continental. La CAF s’en est malheureusement abstenue.

 

Figure légendaire du sport mauritanien

Après la prière mortuaire à la mosquée Ibn Abass, le docteur a été inhumé au cimetière du Ksar. Cette figure légendaire du sport mauritanien était un des Mauritaniens les plus connus dans le Monde et l’un de leurs plus dignes ambassadeurs. Dès l’annonce de sa mort, les voix accourent à lui rendre hommage. On évoque son franc-parler, sa franchise, sa dense culture générale, l’étendue de ses connaissances en bien des domaines, son sens de la formule et son humour inégalé.

« Une grande personnalité intellectuelle et politique vient ainsi de tirer sa révérence. C’est une grosse perte ! » ; « Le malheur de l’avoir perdu », fait remarquer Abdel Kader Dieng, ex-secrétaire général du CNOSM, « ne doit pas nous faire oublier le bonheur de l’avoir connu. Un grand patriote, un homme qui aimait le sport, un défenseur de la cause olympique et du mouvement sportif. Véridique, incorruptible, personne ne pouvait l’empêcher de dire la vérité », souligne celui qui fut douze ans durant proche collaborateur du défunt. « Il disait ce qu’il pense, ce n’était pas quelqu’un qui parle derrière les gens. Un grand homme nous a quitté », ajoute-t-il.

« La Mauritanie vient de perdre un de ses plus grands fils, un grand économiste, un grand financier et surtout un politicien franc, sincère, qui avait le courage de ses idées. Il croyait à la démocratie, puisqu’il fut le premier maire de Nouakchott sous l’ère démocratique et l’un des premiers cadres politiques de ce pays à fonder un parti politique », écrit Boydiel ould Houmeïd, ancien ministre et homme politique.

Pour Ahmed Ould Yahya, président de la FFRIM, un de ses successeurs au sein de l’instance faîtière du football mauritanien, le docteur Ould Mah fut un « académicien hors-pair ». Enchaînant, l’actuel patron du football mauritanien rappelle qu’il « était aussi une figure historique du sport mauritanien qu’il a servi pendant une très grande partie de sa vie et auquel il vouait un amour sans limites ». Le président de la fédération Mauritanienne de natation et également chargé de mission au CNOSM, Abdallahi ould Nagi, lui aussi des années durant proche collaborateur du disparu, présente ses sincères condoléances à la famille olympique dans son ensemble et à celle du défunt. « Mon premier contact avec cet illustre homme, c’était en 1996, lorsque je fus élu membre du nouveau bureau exécutif du comité olympique qu’il présidait. Si je savais déjà que Mohamed Mahmoud ould Mah était un brillant homme politique, un orateur reconnu pour son éloquence, un intellectuel courageux, je ne savais pas, à ce moment, que l’homme éprouvait une aussi grande passion pour le sport. Je retiendrai longtemps encore la sympathie, la modestie, l’humour mais aussi la dignité et l’énergie de cet homme qui m'a considéré, dès notre première rencontre, comme son jeune frère et accordé une confiance que j’espère avoir méritée. Ce soir, je salue du fond du cœur, très humblement, la mémoire de cet homme véritablement exceptionnel, qui aura durablement marqué la vie nationale dans son ensemble. Que la terre lui  soit légère ! ».

De son côté, Mohamed ould El Kory, journaliste, économiste et, par ailleurs, secrétaire général de la Ligue de basket de Nouakchott, soupire : « C'est vraiment la fin d'une grande époque ! Jeune intrépide footballeur à Saint-Louis avec son coéquipier feu Fall Atghana (ASECNA), ils avaient fait les beaux jours de cette ville encore capitale de la Mauritanie. Professeur d'économie et homme politique, c'était l'unique mauritanien dont un carrefour portait le nom de son vivant. Et voilà, il n'est plus une exception car le temps rattrape tout le monde ».

THIAM Mamadou

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Encadrés

 Les messages de condoléances affluent

Le décès du docteur Mohamed Mahmoud ould Mah est un événement qui dépasse le cadre national. Un élan de sympathie se dégage à l’international. Affluent ainsi des messages de dirigeants d’instances sportives internationales exprimant leurs condoléances à la famille du disparu et à la Mauritanie toute entière.  Citons Sheikh Salman Lehmoud Sabah, président de la Fédération asiatique de tir, l’ingénieur Duaij Khalef Al Outeibi, président de la Fédération koweïtienne et arabe de tir, Abid Menahi El Ousseimi, secrétaire général de cette même Fédération, Hazem Hosni, président des Fédérations africaine et égyptienne de tir. Rappelons que le docteur Ould Mah était lui-même président de la Fédération mauritanienne de tir. Le président de la CAF, Ahmad Ahmad, a également adressé ses condoléances à la famille sportive mauritanienne.

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Communiqué de condoléances du président du CNOSM

« C'est à Allah que nous appartenons et c'est vers Lui que nous retournerons », rappelle Abderrahmane Ethmane, actuel président du CNOSM. « J’exprime ma profonde tristesse et mon immense chagrin pour celui qui m’a inspiré et soutenu. L'olympisme mauritanien a perdu un dirigeant et un expert dont la connaissance du sport était exceptionnelle. Personnellement, je déplore la disparition d'un ami, d'un père, et d'un oncle. En mon nom personnel et au nom du mouvement olympique, je présente nos sincères condoléances à la famille du défunt, à ses nombreux amis, ses admirateurs ainsi qu’à toute la Mauritanie. Le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah a marqué de son empreinte indélébile l’olympisme mauritanien, continental et international. Par son combat et sa détermination, il a réussi à porter haut les idéaux de l’olympisme, lors des rencontres internationales où sa forte présence était remarquée, reconnue et appréciée. Sportif décrochant plusieurs titres, brillant étudiant, haut cadre de l’État, professeur érudit, homme politique, Mohamed Mahmoud ould Mah fut, au service inébranlable de la Mauritanie, animé par le courage, la sincérité et le refus de la compromission. Nous prions Allah Le Très Haut de l’accueillir avec indulgence, pardon et miséricorde ».

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Lettre de condoléances du président de l'ACNOA au président du CNOSM

« Cher frère et ami, c'est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès du docteur Mohamed Mahmoud ould Mah, ancien président du Comité olympique de Mauritanie. À travers son comité exécutif et au nom de toutes les associations membres, l'Association des Comités Nationaux Olympiques Africains (ACNOA) adresse ses sincères condoléances à toute la famille olympique et sportive mauritanienne. Le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah fut de toutes les mises en œuvre des valeurs olympiques dans son pays, en Afrique et dans le Monde. Nous lui rendons de ce fait un hommage des plus mérités et avons une pensée pour ses famille biologique et professionnelle qui ont connu ce grand homme. Cher frère et ami, je voudrais enfin vous témoigner tout ma solidarité et mon soutien dans cette épreuve qui est une perte énorme pour le mouvement olympique. Je vous prie de transmettre toutes nos pensées et notre soutien indéfectible à son honorable famille, en l'assurant de nos sincères condoléances. Fraternellement, Mustapha Berraf, président de l'ACNOA, membre du CIO. »

Inna lilahi wa inna ileyhi raji’oune