Docteur Mohamed Mahmoud Ould Mah, économiste : “Le président Ghazwani a récupéré le téléphone et il est entrain de récupérer le reste du pouvoir”

7 May, 2020 - 01:27

Depuis les années 80, début de la politique de l’ajustement structurel du FMI, de véritables saignées des économies des pays pauvres, le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah ne cesse de dénoncer cette politique ; certains en riaient d’ailleurs.

Aujourd’hui, nous nous referons aux brillantes thèses et au brillant livre de monsieur Stieglitz. Mais au moment où monsieur Stieglitz était encore étudiant ou travaillait aux institutions de Bretton Wood, le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah criait les mêmes thèses à l’Université de Nouakchott, au marché Lekbeid, dans les colonnes de certains journaux chez nous ou dans les publications de son parti l’U.P.S.D.

Plus près de nous, en Mai et Août 2019, il a intervenu dans les colonnes de notre journal sur la guerre commerciale et économique que se livrent les USA et la Chine, mettant en avant les arcanes jusqu’ici ignorées ou mal connues, de cette lutte, en parfait visionnaire. Nous en profitons d’ailleurs pour reprendre la dernière de ses interventions dans notre numéro 1172 du 21 août 2019.

La semaine passée, le président Macron déclare devant les responsables de l’Union Européenne, médusés : « Demandons-nous d’abord si notre union est économique ou politique ».  Le docteur Mohamed Mahmoud ould Mah a apporté la réponse à cette question depuis la création de l’Union Européenne dressant de façon très pédagogique un parallélisme entre les règles de l’intégration économique et celles régissant la boxe, au risque de susciter à nouveau l’hilarité de certains incrédules.

A cette occasion, nous soulignons que nous avons toujours reçu des échos très favorables relatifs aux articles du docteur Mohamed Mahmoud ould Mah, pas seulement de nos cadres nationaux, mais des expatriés qui vivent chez nous et qui lisent régulièrement notre journal. Certains vont jusqu’à nous dire : « on peut ne pas partager le contenu des articles de monsieur Ould Mah, mais ils sont cependant, bien faits et agréables à lire ».

 

 

Le Calame : Vous avez soutenu le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazwani aux dernières élections présidentielles. Etes-vous satisfait de son bilan durant les huit mois passés à la tête de l’Etat ?

Docteur Mohamed Mahmoud ould Mah : En général, il faut toujours prendre du recul avant de porter un jugement de valeur sur une période, quelle que soit cette période, cette expérience, s’agissant surtout du bilan d’un chef d’Etat africain durant quelques mois. Que l’on ait soutenu ou non le président Ghazwani, tous s’accordent à admettre que son héritage était peu envié: un Etat endetté à 105% de son PIB et qui ne devait presque rien en 2008, et des caisses vides.

L’ancien président n’a rien laissé, pas même le titre, ni le téléphone avec lequel il continuait à s’entretenir avec des éléments du BASEP. Le président Ghazwani a récupéré le téléphone. S’agissant du titre, il est entrain de le récupérer, mais son prédécesseur s’étant sans doute rendu compte qu’il portait mal son titre de président des pauvres quand il était effectivement président, est entrain de se racheter en distribuant des voitures et des vivres.

Pour répondre à votre question, vous admettez avec moi qu’il y a lieu de faire amende honorable au président Ghazwani. Malheureusement, la crise qui frappe le monde n’est pas de nature à lui faciliter la tâche.

 

A chaque occasion, vous dites que l’union européenne est plus politique qu’économique ? Pouvez-vous développer pour ceux de nos lecteurs qui ne l’auraient pas lue et pourquoi cette question se pose maintenant et jamais avant ?

Le président français savait depuis longtemps que l’Union européenne n’est pas une zone monétaire et économique et que c’est une union qui est beaucoup plus politique qu’économique. Au passage, il ya lieu de noter que la zone Euro ne comprend que treize pays sur les vingt huit. Les manuels d’économie nous enseignent que pour s’intégrer économiquement, aucun membre de l’intégration ne doit être perdant totalement. Sinon il devient lui-même une zone en instaurant des droits de douane à ses frontières. Chaque Etat doit avoir un avantage à l’intégration ; cet avantage peut ne pas être un avantage absolu mais relatif. Donc, les Etats candidats à s’intégrer entre eux doivent satisfaire aux critères :

  • Les Etats doivent avoir un certain niveau d’intégration politique entre eux
  • Avoir le même niveau de développement économique ou un niveau proche, sinon le grand absorbe le petit. C’est pourquoi c’est l’Allemagne qui est le grand gagnant de cette union même si elle est le plus grand pourvoyeur de fonds (subvention pour les autres pays). Pour avoir une idée, voyons le classement mondial de l’Allemagne dans les trois domaines suivant : premièrement le produit intérieur brut mondial (c'est-à-dire les Etats les plus riches) ; deuxièmement le montant des droits de vote, quotepart au FMI ; troisièmement le montant des réserves d’or dans chaque banque centrale :
  1. Classement PIB : les pays les plus riches : en milliers de milliards de dollars
  1. USA : 17.1%
  2. Chine : 14.9%
  3. Japon : 4.8%
  4. Allemagne : (OCDE + UE)= 17.9%
  1. Droits de vote au FMI :
  1. USA : 16.54%
  2. Japon : 6.16%
  3. 15 pays d’Europe : 5.43%
  4. Allemagne : 5.33%
  1. Réserves d’or des banques centrales :
  1. USA 
  2. Allemagne
  3. FMI

On comprend dès lors que l’Allemagne n’est pas de la taille des pays européens ; d’ailleurs la France et l’Italie sont en perte de vitesse. On comprend sans difficulté le parallélisme entre les règles de l’intégration et celles de la boxe. Un match de boxe opposant un poids lourd à un gringalet son issue est connue d’avance. On boxe selon les catégories. En fait les manuels d’économie ne disent pas autres choses que cela.

Pour des raisons politiques, l’Europe a coopté les anciens petits pays issus de l’ancienne Union soviétique. C’est peut-être pourquoi monsieur Macron fait ses déclarations qui ne sont pas innocentes. Les grands pays de l’Union européenne autres que l’Allemagne, trouvent que ces petits pays deviennent insupportables financièrement.

 

Que pensez-vous de la crise du COVID-19 et surtout de ses conséquences sur le monde ? Quels seront les gagnants et les perdants ? Peut-on avoir un avant-goût de ses conséquences sur l’Afrique ?

Ce sera, sans doute, la plus grave crise que le monde, nous dirons-même l’humanité, ait rencontrée jusque ici, elle n’est pas comme les autres. Certains experts parlent d’un choc de 40% de dégâts déjà. Tout ce qui roule sur terre, mer ou air est à l’arrêt. Les chaînes de production (entreprises, usines) à l’arrêt. Les personnes sont confinées chez elles. Aux Etats Unis 30 millions de chômeurs déjà en quelques semaines. Le BIT parle, quant à lui, de 1 milliard six cent millions de chômeurs. C’est une crise où il n’y aura pas de coopération, chacun pour soi. Peut-être un peu de générosité chez certains, ceux qui sont censés être jusqu’ici ‘’généreux’’ (les pays du golfe) sont les premières victimes, les prix du pétrole n’ont jamais été aussi bas que maintenant. Contrairement à ce que pensent certains, les  populations américaines seront parmi les plus touchées parce qu’elles n’ont pas de protection sociale contrairement aux populations européennes. C’est le moment d’avoir une pensée pour les camps de réfugiés de par le monde.  C’est une crise aux lendemains incertains, car elle risque encore de rebondir et certains pays ne l’ont pas prise au sérieux : les Etats-Unis, le Brésil, l’Angleterre, l’Equateur et leurs amis politiques ; c’est dans ces pays d’ailleurs qu’il y a le plus de morts. Aujourd’hui, les Etats-Unis prennent à eux seuls plus du quart de l’ensemble des morts. Trump va jusqu’à proposer un désinfectant pour guérir les malades. D’autres pays comme la Chine, la Corée du Sud, l’Allemagne, ont pris la crise au sérieux et ont obtenu de très bons résultats. C’est une crise qui coûtera très cher. Heureusement que les taux d’intérêts sont bas pour tous ceux qui devront s’endetter et ils seront nombreux. Comme dans toute crise, il y a ceux qui épargnent par précaution, ils n’attendent pas que le taux d’intérêt soit élevé pour épargner.

S’agissant de l’Afrique, et sans chercher à être pessimiste, elle risque de ne pas de se relever de cette crise à l’exception des pays du Maghreb qui pourront bénéficier des raccourcissements de la délocalisation car l’Asie sera loin ; ce sont des pays africains qui ont une main d’œuvre relativement qualifiée surtout le Maroc, qui a déjà obtenu des demandes par milliards de masques, ce sont également les pays où des laboratoires médicaux sont déjà installés, un secteur gagnant de la crise. Les pays africains seront encore une fois le parent pauvre de toute évolution du monde. C’est un continent dont l’ancien colonisateur tient à  faire une source de matières premières bon marché, ce qui sera le cas et un marché d’écoulement de ses produits finis. Les dirigeants africains ayant applaudi par l’intermédiaire de leurs délégués au doublement du capital du FMI à Singapour en 2016 dont le capital a été porté à 750 milliards de dollars car les applaudissements des délégués africains n’ont pas de sens. Toute augmentation du capital du FMI veut dire plus de misère et plus de crise économique en Afrique mais ce sont des fonds que nos dirigeants et les cadres qui les suivent se réservent essentiellement.

En outre, ces pays africains n’ont pas de système de santé capable de faire face à une telle épidémie ; les tables d’opérations dans ces pays sont pour la plupart incomplètes car un chirurgien et un anesthésiste ne suffisent pas pour faire une table d’opération ; c’est pourquoi ces Etats recourent beaucoup plus aux équipes visiteuses pour faire certaines opérations. Les médecins africains comme tous les autres cadres africains de haut niveau (y compris les sportifs) sont cooptés par les pays occidentaux qui les utilisent avec des bas salaires et qui ne leur ont coûté aucun sou dans leurs formations. D’ailleurs, si nos dirigeants étaient à la hauteur, ils auraient exigé les coûts de formation que chaque pays africain a déboursés pour la formation de ces cadres.

Les frontières africaines sont poreuses et difficiles à contrôler, conséquence d’un partage colonial qui a rapproché ceux que tout sépare et séparé ceux que tout rapproche. Il en découle alors des chaînes de sympathies et de solidarités de part et d’autre de chaque frontière. Quand on sait que le voisin est toujours rendu responsable de la contamination et que les gouvernements se font souvent bonne conscience devant le peuple, il ya le risque de faire jouer ces chaînes de sympathies et de solidarités. Cette crise sera encore l’occasion pour les pays occidentaux de renforcer la lutte contre l’immigration et la délivrance des visas.

S’agissant des conséquences de la crise et des gagnants perdants surtout entre la Chine et les USA, la phase après crise sera incertaine. D’abord, personne ne sait jusqu’ici quand le virus sera neutralisé. Le plus grave c’est que la première puissance du monde est dirigée par un homme, monsieur Trump qui la prend pour un amusement. Et propose un désinfectant pour les malades. Il a tendance à tout politiser même les épidémies de virus et accuse la Chine d’en être responsable au moment où toutes les institutions américaines de renseignements et l’organisation mondiale de la santé affirment qu’il s’agit d’un virus naturel et qu’il ne peut pas être modifié génétiquement par l’Homme. Après la crise, le monde sera confronté à trois situations :

  • Un important chômage ;
  • Une énorme baisse de la demande mondiale ;
  • Et une demande de liquidités sous certaines conditions.

Le chômage affectera surtout les USA car la population américaine n’a pas une protection sociale contrairement aux pays occidentaux. Les dégâts causés par la crise sont énormes aux USA. Il faut réparer les dégâts nés de la crise et embaucher des millions de chômeurs, ce qui n’est pas facile même si les USA bénéficient du privilège du dollar, ils peuvent en émettre toute quantité nécessaire même en creusant le déficit de leur balance, ce qui n’est pas donné aux autres pays du monde. Ce privilège est né de deux décisions : celle de Breton Wood en 44 faisant du dollar l’étalon monétaire international valant 35 onces d’or ; et la décision de Nixon le 15 août 1971 rendant le dollar inconvertible ; il ne l’était que pour les banques centrales qui étaient les seules autorisées à demander de l’or contre le dollar.

D’ailleurs, la Chine est entrain de créer une monnaie électronique qui va porter un grand préjudice au rôle du dollar faisant perdre ainsi aux USA les privilèges obtenus à Breton Wood et après la décision de Nexon, il y aura moins de transactions commerciales en dollar et il n y aura plus de sanctions contre les pays qui utilisent le système dollar.

Le dollar est devenu la monnaie nationale des USA et de tous les autres pays du monde. Une monnaie nationale est émise contre des contreparties qui sont l’or, les devises (monnaie des autres pays), le droit de tirage spécial (DTS)... Les USA ne sont pas obligés d’émettre le dollar contre des contreparties. Conséquence : les américains peuvent acheter ce qu’ils veulent, faire la guerre, payer leurs dettes avec des dollars papier.

La faiblesse de la demande mondiale va toucher tous les pays, la Chine plus que les autres parce qu’elle est la première puissance industrielle du monde. C'est-à-dire celle qui produit le plus d’industries dans les usines. Mais ce déficit sera compensé par ses privilèges : Une main qualifiée et des produits bon marché. Les capitaux ne posent pas de problème à la Chine. C’est le pays des milliardaires. Mais des milliardaires qui n’influent pas sur la décision d’investir, contrairement aux milliardaires occidentaux dont dépend la décision d’investir. C’est l’Etat chinois qui décide du niveau de développement choisi et du montant d’investissement nécessaire à ce niveau de développement. En outre, quelle que soit la situation économique, la Chine aura toujours un taux de croissance au moins égal à une fois et demi celui des Etats-Unis. Les PIB mondiaux des deux pays sont de 17.1 pour les USA, 14.9 pour la Chine. La Chine a réalisé un bon qui a surpris tous les participants au congrès du FMI en octobre 2016 à Singapour. Les deux pays, USA et Chine, caracolent entête, suivis de loin du Japon à 4.8.

 

 

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Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah, professeur d’économie : ‘’La ‘’Trumperie’’ de Trump cherche-t-elle à faire mieux que la ‘’Reaganomie’’ de Reagan ?’’

Le Calame : Dans notre livraison n° 1162 du 29 mai 2019 vous êtes revenu sur la guerre commerciale entre la Chine et les USA. Cette guerre s’est accentuée à tel point que M. Trump s’en prend au président de la FED et se demande, si l’ennemi des Etats-Unis est le président de la Chine ou celui de la FED qui semble refuser de hausser le taux d’intérêt de la banque fédérale des Etats-Unis. Comment expliquez-vous ce désaccord ?

Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah : Il faut croire  que le Président de la FED (Federal Reserv System, Banque Centrale Américaine) n’est pas d’accord pour faire augmenter le taux d’intérêt. Dans une économie libérale, le financement de l’économie, c'est-à-dire des entreprises se fait de la façon suivante : il y a deux groupes d’agents, les agents à déficit que sont les entreprises car leurs capitaux propres sont inférieurs à leurs chiffres d’affaires, elles éprouvent alors un besoin de financement ; elles s’endettent. Quant aux agents à surplus, ils sont constitués des ménages dont la consommation est inférieure à leur revenu ; ils manifestent alors une capacité de financement. Ce surplus est placé dans une banque, un intermédiaire financier, qui s’interpose entre les agents à surplus et les agents à déficit pour prêter aux entreprises le surplus dégagé par les ménages. Ici ce sont les dépôts à terme qui sont concernés. Le ménage peut parfois préférer le dépôt à vue pour des raisons de précaution. Il garde alors l’argent par devers lui. Par contre s’il choisit de placer à terme son surplus, le ménage renonce alors à cette préférence pour la liquidité. Le taux d’intérêt est le prix de cette renonciation à la préférence pour la liquidité.

Quand une banque centrale décide de baisser le taux d’intérêt, cela veut dire que la politique monétaire veut favoriser la consommation, les prêts pour que les ménages consomment, la croissance économique est tirée par la consommation, la demande.

Un processus cumulatif s’enclenche alors : Une augmentation de la demande sur le marché provoque une augmentation de l’offre sur le marché ; les offreurs mettent en place de nouvelles capacités productives et recrutent alors des chômeurs ; la masse salariale augmente à son tour grâce aux nouveaux salaires, ce qui fait augmenter de nouveau la demande sur le marché et ainsi de suite … etc.

Quant à la hausse des taux d’intérêt, elle provoque les effets symétriques. La hausse des taux d’intérêt provoque l’afflux des capitaux étrangers à la recherche d’une meilleure rémunération pour financer un déficit budgétaire et renouer avec la croissance économique qui faisait jusqu’ici défaut. Ce n’est pas la situation actuelle des Etats-Unis, c’est pourquoi il y a désaccord entre le président de la FED et M. Trump pour augmenter les taux d’intérêt car la croissance économique actuelle des Etats-Unis est déjà très bonne, 3.5 à 4 % environ et le taux de chômage est l’un des plus bas du monde : 5% environ.

Au lendemain de sa victoire, Trump a exécuté la promesse de baisse de recettes fiscales qui ont été compensées par la croissance. Si ces baisses de recettes n’étaient pas compensées par la croissance,  cela veut dire que la baisse était trop importante et a empêché le dynamisme de l’économie du marché de jouer, ce n’était pas le cas parce que l’économie a renoué avec la croissance que nous avons vu plus haut.

 Il est à noter que les Etats-Unis sont dispensés en quelque sorte de combler leur déficit budgétaire ; ceci provient des privilèges seigneuriaux issus des accords de Bretton Wood. En effet, au lendemain de la deuxième guerre mondiale : même si le Dollar a perdu sa convertibilité en Or en 1971 sous la contrainte (le Général de Gaulle, suivi de Houari Boumediene d’Algérie présentent, en 1965, les dollars qu’ils possèdent à leur conversion en Or,  et le coût de la guerre du  Vietnam … etc.), il continue cependant à être à la fois la monnaie nationale des Etats-Unis et la monnaie internationale du reste du monde. Il y a lieu d’ajouter également que les deux alliés des USA, le Japon et l’Allemagne, accumulent des masses de dollars sans demander leur reconversion en Or. Donc le déficit américain ne pose pas de problème en se creusant davantage. Du moins, tant que le système économique international est tel qu’il est. Ce déficit peut même continuer à se creuser, il est aujourd’hui de 22 trillions environ, c’est ce que certainement Trump est entrain de vouloir réaliser pour des raisons électoralistes ; veut-il faire mieux que R. Reagan entre 1980 et 1988 ? Mais à quel prix ! S’il en est ainsi, ce serait très grave que M. Trump cherche à relancer une croissance déjà très bonne ; 3.5 à 4 %. Il y a deux façons de financer un déficit budgétaire : l’une est bonne en le faisant par un appel de capitaux étrangers (épargne étrangère) grâce à des taux d’intérêt rémunérateurs. L’autre mauvaise et inflationniste : le financement du déficit par la création de monnaie, c'est-à-dire la monétisation des créances, surtout à un moment où les taux d’intérêt sont très bas. Le dollar continue cependant à bénéficier de ses privilèges et ce, en dépit du déclin de la puissance américaine qui produisait 50% du PIB mondial en 1950, environ 23% en 1980 et 17,1 en 2016.

En effet, Reagan (1980-1988) a permis au USA de connaitre la phase de croissance la plus rapide et la plus longue de leur histoire, grâce à une politique monétaire très restrictive qui a fait monter les taux d’intérêt à des niveaux jamais atteints dans le passé, jusqu’à 22%.

C’est d’ailleurs en 1982 qu’éclata, à cause de la hausse des taux d’intérêt, la première grande crise de la dette du tiers-monde. Et le déficit américain n’a cessé de se creuser et Trump semble vouloir prendre les traces de son prédécesseur républicain Reagan. La Tromperie de Trump cherche-t-elle à faire mieux que la Reaganomie de Reagan ?

 

Au cours d’un débat au parlement mauritanien sur le taux d’intérêt. Un député islamiste a déclaré : « l’économiste bien connu, le Dr Mohamed Mahmoud Ould Mah, au cours d’un séminaire international, tenu à Nouakchott, avait déclaré dans son mot d’ouverture du séminaire, organisé par les économistes mauritaniens : « Est-il utile de rappeler qu’au moment où les économistes du monde demandent à faire baisser le taux d’intérêt pour que l’économie mondiale progresse et renoue avec la croissance, l’islam, il y a plus de 14 siècles,  avait fixé ce taux d’intérêt à zéro » ». Vous confirmez ?

Effectivement, nous avons bien organisé cette conférence, elle l’a été par les économistes mauritaniens ; feu Sidi Mohamed Ould Abbas (Rahimehou Allah) dirigeait alors la Confédération Générale des Employeurs de Mauritanie. L’ouverture a été faite par le ministre de l’Economie, feu Mohamed Salem Ould Lek’hal (Rahimehou Allah) et nous avons invité des économistes, des Docteurs  sénégalais et l’Association des Islamistes sénégalais.

Insatisfait d’avoir frappé tous les produits chinois de taux de douanes élevés et de considérer ‘’Huawei’’ comme portant atteinte à la sécurité des Etats-Unis, Trump ordonne, cette fois, aux sociétés et aux transporteurs américains d’éviter la Chine et de s’en passer. Pensez-vous que cela est possible ?

Mais nous ne devons pas perdre de vue que derrière cette guerre commerciale se joue en réalité la course pour la première puissance économique du monde entre les USA et la Chine. Pour un cercle très limité des spécialistes qui suivent cette course, la Chine est déjà en tête mais elle ne le dit pas et Trump le sait très bien.

Dans votre livraison n° 1162 du 29 mai 2019à laquelle vous vous êtes référés ci-dessus, j’avais évoqué deux avantages, contre lesquels Trump ne peut rien : ce sont : une énorme main-d’œuvre qualifiée et bon marché, qui se compte par dizaines de millions et un dirigisme d’Etat, qui fait défaut aux pays occidentaux, et qui détermine le niveau de développement choisi et le montant de l’investissement nécessaire à ce niveau de développement.

Ce faisant, les chinois ne sont pas plus pénalisés que les américains. Les droits de douane élevés sur les produits agricoles chinois ont fortement pénalisé les agriculteurs américains et tout le secteur agricole s’en ressent tout comme des pans importants du peuple américain : on évalue à 1500 dollars par personne la somme de ces pénalisations. Certains membres du congrès américain commencent déjà à blaguer en parlant de l’augmentation future de leurs achats de Noël et du jour de l’an. Trump pénalise également les sociétés américaines, et elles sont nombreuses, installées en Chine, quand on se rappelle que seulement 6% des sociétés américaines installées en Asie manifestent le désir de rapatrier leurs activités. Depuis les dernières déclarations de Trump, les indicateurs de brousse ont chuté et pas seulement aux Etats-Unis et le prix de l’Or a augmenté. Huawei, considérée comme portant atteinte à la sécurité des USA et qui applique une technologie G5 donnant à la Chine une avance sur la technologie américaine, achète pourtant pour 70 milliards de Dollars de composants entrant dans la fabrication de Huawei alors que la Chine peut les fabriquer elle-même, mais elle préfère rester ouverte à la technologie de l’occident pour profiter de la diffusion du progrès. Trump accuse la Chine de ‘’voler’’ la propriété intellectuelle américaine. Tous les pays, à commencer par les USA, grignotent tous sur la propriété intellectuelle des autres.

Eviter la Chine consiste donc à faire perdre à l’occident ces avantages et M. Trump est beaucoup plus décrié du côté de l’occident  que du côté de la Chine à cause de ses déclarations.

En réalité, ce n’est pas seulement la Chine, première puissance économique du monde qui est visée, mais c’est la Chine, première puissance technologique du monde qui l’est.

Les spécialistes pensent que le montant de crédit consacré par un pays à l’intelligence artificielle constitue un indicateur exhaustif d’avancée technologique atteinte par ce pays. Dans cet ordre d’idées, il est utile de signaler que la Chine consacre 150 milliards de Dollars à l’intelligence artificielle, ce qui est beaucoup plus important que le montant que les USA consacrent à cette même intelligence artificielle, entre 60 et 80 milliards. Les spécialistes pensent que la Chine sera la première puissance technologique du monde en 2025.

La Chine a également réalisé une première dans le domaine de l’espace, un autre indicateur d’avancée technologique. En effet, la Chine a fait atterrir un vaisseau spécial sur la face cachée de la lune devançant ainsi les Russes et les américains.

Huawei 5G donne à la Chine une avance de 1 à 2 ans sur les USA pour préserver cette avance si c’est possible, la Chine a acheté pour 70 milliards de Dollars de composants, d’inputs, produits entrant dans la fabrication de Huawei.

 Pensez-vous que cette guerre commerciale est en rapport avec les futures élections américaines ?

Oui, en réalité Trump est en campagne électorale, les élections du 2ème mandat sont prévues l’année prochaine, il fait monter les enchères sur le plan de l’immigration, de l’islamophobie et du nationalisme chauvin : ‘’American first’’, pour drainer les voies des extrémistes et racistes américains. Il prépare sa réélection à tout prix. Après cette guerre commerciale contre l’Europe, le Mexique, le Canada, le Japon et surtout la Chine, il présentera dans quelques mois des chiffres à l’appui ; les gains issus de cette guerre commerciale et les incidences positives de cette guerre sur la balance commerciale des USA. Trump ne fait pas seulement la guerre à la Chine, il la fait aussi au  congrès américain, le parlement américain. C’est pourquoi il ignore les démocrates pourtant majoritaires à la chambre des représentants et soutenus par des républicains. A chaque décision prise contre lui ou contre l’Arabie Saoudite, ou contre la guerre au Yémen, ou l’assassinat du journaliste Jamal Khashooggi, Trump oppose son véto jusqu’aux prochaines élections.

Je voudrais tirer une conclusion qui pourrait être utile à vos lecteurs : c’est grâce à la croissance économique continue de la Chine que celle-ci intervient chaque fois pour tirer les croissances économiques de l’Occident par sa forte demande en matières premières et voler au secours des baisses des pouvoirs d’achat des peuples occidentaux, en mettant à leur disposition des produits chinois de premier choix et à bon marché. Donc l’économie chinoise ne profite pas seulement au peuple chinois ; elle profite également aux autres peuples et surtout à ceux de l’Occident capitaliste dont le système économique a tendance  à créer des crises économiques et financières cycliques dont  les conséquences néfastes se répercutent finalement sur les pouvoirs d‘achat des peuples. D’ailleurs, les critiques du système productif chinois, ne trouvent à dire : la croissance économique chinoise n’est plus aujourd’hui que 7 ou 6%. Mais 6% de quel PIB ?

Convaincue de l’insuffisance des vertus de la seule initiative privée, grâce à l’esprit ingénieux de son peuple, la Chine réalise les meilleures synthèses économiques et s’impose désormais comme le défenseur incontesté d’un nouveau libéralisme économique à la fois humain, transparent et profitable à tout le monde.

La Chine s’est réveillée pour répondre à Monsieur Alain Peyrefitte. Son économie tourne au rythme sans fin des chants des sirènes d’une musique keynésienne sous les applaudissements post mortem de Karl Marx et d’Adam Smith.

Propos recueillis par AOC