Plein feu sur le couvre-feu

25 March, 2020 - 23:42

Depuis une dizaine de jours, notre pays vit en état d’urgence. Depuis qu’un ressortissant australien débarquant d’Espagne fut déclaré positif au coronavirus. Mobilisation totale, à tous les niveaux de l’État ! On prend pas mal de mesures, tout en assurant les citoyens qu’il est inutile de paniquer. Trois jours plus tard, les réseaux sociaux annoncent un nouveau cas. Grosse panique ! Les autorités confirment l’info plus tard dans la journée, s’emploient à nouveau à rassurer les gens et menacent ceux qui propagent les rumeurs de sévères sanctions. Il s’agit aussi d’une étrangère également en provenance d’Espagne, plus exactement une dame en service auprès d’un diplomate. Ironie du sort ou explication, elle était à bord du même avion qui avait ramené l’australien à Nouakchott. Une nouvelle série de mesures préventives est aussitôt prise par les pouvoirs publics. Tous les aéroports sont fermés. Rassemblements, meetings, manifestations de quelque autre nature et cérémonies interdits jusqu'à nouvel ordre. Écoles au chômage pour vingt-et-un jours. Restaurants, salles de jeux et marché GSM bouclés. Vendredi 20 Mars, le couvre-feu est décrété sur toute l’étendue du territoire, de vingt heures àhuit heures. Frontières Nord et Sud verrouillées. Le lendemain, le ministère publie un nouveau communiqué qui avance le début du couvre-feu à dix-huit heures. Malgré son utilité, une telle mesure n’est pas sans préjudice pour les plus démunis. Les vendeuses de couscous et de « aïch », les vendeurs de lait frais et de cartes de recharge, les tenanciers de petit commerce et autre boutiques de détails se retrouvent avec un cruel manque à gagner oppressant directement leur vie quotidienne. Les mendiants et autres démunis qui affluent quotidiennement des banlieues vers le centre-ville et les quartiers nantis en quête de quoi nourrir leurs familles sont obligés de limiter leurs déplacements. Beaucoup de foyers souffrent. Avec quels nouveaux risques pour la santé des gens ?

Une initiative qui mérite d’être encouragée a été menée par le collectif des députés de Nouakchott pour attirer l’attention des autorités sur cette situation sociale auquel il faut apporter une solution au plus vite car elle concerne des milliers de personnes sans revenus. Eux aussi touchés par ces mesures, les chanteurs et musiciens tirent la sonnette d’alarme. Au final, beaucoup de citoyens ne respectent pas le couvre-feu. Certes, la circulation s’arrête relativement sur les axes principaux. Mais dans les rues secondaires, les gens continuent à circuler jusqu’aux heures tardives car les patrouilles ne passent en celles-là que rarement. Les boutiques gardent leurs portes ouvertes malgré les ordres intimés par la police et la gendarmerie. Les femmes se montrent les moins concernées par le couvre-feu et se déplacent à leur guise. Elles ont eu pas mal de problèmes avec les forces de l’ordre durant les premières quarante-huit heures de la mesure. Des témoins affirment en avoir vu, tard la nuit, non loin du carrefour Tin Soueïlim.

Quant aux forces de l’ordre, elles ne sont pas toujours au top de leur responsabilité. Policiers, gendarmes et gardes se concentrent, vers dix-huit heures, aux grands carrefours de la ville, et tuent l’ennui à arrêter les rares véhicules qui passent. Certains d’entre eux commencent à siroter leur thé, avant de s’endormir à bord de leurs véhicules garés sous les réverbères. Beaucoup plus rares, d’autres encore tombent dans l’excès de zèle. Un poste de police situé au carrefour de l’hôpital Sabah s’est ainsi évertué à bloquer un chirurgien  qui se rendait pour une urgence au centre national de cardiologie. Ils immobilisèrent sa voiture bien qu’il ait exhibé sa carte et expliqué l’extrême urgence. Et les pandores de l’empêcher même de monter à bord de l’ambulance que le directeur de l’hôpital dépêchait pour l’emmener dare-dare accomplir sa mission ! Il aura fallu moult interventions pour que le médecin soit enfin relâché et son patient ainsi sauvé, grâce à Dieu. Le communiqué du ministère de l’Intérieur instruisant le couvre-feu en avait pourtant et bien évidemment exclu le personnel médical. Comment ces excessifs gardiens de l’ordre ont-ils pu n’en rien comprendre ?

Et dire que, pendant ce temps, les rues secondaires et ruelles non éclairées étaient laissées à la merci des bandes dont la malfaisance s’est accrue ces jours derniers, braquant, agressant et cambriolant sans inquiétude !

Mosy