Plus que quelques jours à passer à la tête du pays mais Mohamed ould Abdel Aziz ne semble toujours pas prêt à quitter le palais où il a passé plusieurs années, tour à tour aide de camp, commandant du BASEP, chef d’état-major particulier, président de la République… Aucune fébrilité de déménagement. Comme si notre Raïs devrait garder encore la maison. Certes, il l’a dit et répété, il entend régner jusqu’à la fin de son mandat, à savoir le 2 Août prochain. Le voilà donc à meubler ses derniers jours en voyages, poses de première pierre, inaugurations et, même, nominations. Alors que la bienséance le voudrait à préparer son départ, en toute discrétion républicaine. Ses activités tous azimuts troublent nombre de mauritaniens : quelles sont, s’interrogent-ils, les véritables intentions du président sortant ? Celui que l’opposition et les soutiens de Ghazwani accusent d’avoir voulu entraîner le pays dans le chaos, le rendre ingouvernable, pour rester au pouvoir, va-t-il vraiment céder le fauteuil à son frère et ami ? Ce sont lesdites manœuvres troubles qui ont offusqué Ould Mohamed Vadel, un des députés de la majorité, comparant, dans une belle métaphore, la fin de règne du président Ould Abdel Aziz à l’attitude du phacochère. Ce suidé est connu pour son égoïsme. Après avoir bu l’eau d’un lac ou une mare, il n’hésite pas à s’y baigner et la rendre inutilisable par d’autres : « Après moi, le déluge ! ». Une charge guère appréciée par l’entourage du Président dont certains se sont ingéniés à trouver réplique dans notre histoire. Et d’affirmer que le pouvoir n’appartient qu’aux tribus guerrières, comme celle d’Ould Abdel Aziz ; pas aux familles maraboutiques, comme celle du nouveau président élu, Ghazwani… On est donc allé très loin dans ces échanges d’amabilités, accroissant le risque d’un grand déballage, après le 2 Août prochain. Même s’il a respecté la Constitution limitant les mandats présidentiels à deux, Ould Abdel Aziz semble mal digérer son départ. Et le parti qu’il a mis en place, l’UPR, ne l’y aide guère. Sa décision de mobiliser les populations et cadres des dernières régions à visiter par « leur » président de la République, ressemble fort à un baroud honneur. L’UPR n’a jamais réussi à vendre, à l’opinion, les « prodigieuses » réalisations de son fondateur, tout au long de ses mandats et, encore moins, lors de la dernière campagne présidentielle. Il y avait comme une cacophonie, au sommet de l’Etat. Kane Hamidou Baba, candidat de la Coalition Vivre Ensemble, dit avec humour, que le bilan du président sortant est tellement catastrophique que le candidat du pouvoir n’a pas accepté de le revendiquer. Ghazwani avait, à cet égard, annoncé la couleur, dès son discours d’investiture du 1er Mars. Non seulement, il refusait le parrainage de l’UPR, mais il laissait également entendre que, si beaucoup de choses avaient été réalisées, les dix dernières années, il en restait à faire et parfaire, un jugement fort mal apprécié, semble-t-il, par les proches du Palais.
A quelques jours de l’investiture du nouveau président, on en est donc à cette double question brûlante : les deux caïmans devront-ils cohabiter dans le même marigot et, alors, comment ? Ghazwani pourra-t-il gouverner avec l’actuelle Assemblée nationale, UPPR en majorité ? Selon diverses rumeurs, certains ministres auraient laissé entendre qu’ils ne participeraient pas à la cérémonie de prestation de serment du nouveau Président…Wait and see !
Le gouvernement attendu par la Mauritanie
En tous cas, les Mauritaniens attendent, avec intérêt, le premier gouvernement d’Ould Ghazwani. Susciter espoir ou décevoir ceux qui l’ont accompagné et plébiscité, tel est l’enjeu de ce test. Le peuple espère un gouvernement de rupture en toutes les variantes de gouvernance. En somme, une véritable amorce de changement. Nombre d’observateurs et de ceux qui aspirent à une telle évolution avaient décelé, dans son discours d’investiture du 1er Mars, une lueur d’espoir. Le fait de n’avoir pas placé sa candidature sous le parrainage de l’UPR posait un premier jalon dans la marche vers le changement. Le choix du directeur national de campagne et de son adjoint le renforça. Mais, cet espoir fut vite émoussé, par l’omniprésence du président Ould Abdel Aziz dans la campagne, avec des déclarations sonnant comme une « reprise en main » et la désignation de ministres réputés à sa botte, Ould Djay et Ould Abdel Vettah, à des postes stratégiques au sein du directoire de campagne de Ghazwani. Celui-ci semblait avoir cependant fait contre mauvaise fortune bon cœur, poursuivant sa campagne comme si de rien n’était. Il n’aurait, semble-t-il, jamais demandé où étaient passés les milliards d’ouguiyas mobilisés par les hommes d’affaires. Les directeurs ou coordinateurs de campagne régionaux ont tiré le diable par la queue dans leur circonscription ; certains n’ont pas hésité à recourir aux natifs, pour transporter les électeurs. Où est donc passé l’argent de la campagne ? Ghazwani doit éclairer les citoyens sur l’opacité de cette gestion.
Mais, proclamé vainqueur de la présidentielle du 22 Juin, il doit d’abord prouver, comme l’a dit la présidente de l’AFCF, Aminetou mint Ely, dans sa récente interview au Calame, qu’il est général, pas simple troufion aux bottes de son ami et frère Ould Abdel Aziz. Les Mauritaniens sont nombreux à s’interroger sur les rapports entre le président élu et son faiseur de roi. Le premier s’émancipera-t-il du second ? Et d’aucuns d’ajouter : Ould Abdel Aziz quittera-t-il vraiment le pouvoir, le 2 Août ?
La composition du nouveau gouvernement est donc très attendue. Ghazwani se donnera-t-il les moyens de traduire en faits ses engagements de campagne : Etat de droit, justice pour tous, unité nationale, bonne gouvernance, répartition équitables des dividendes tirés des ressources du pays… ? On l’attend au lendemain de sa prestation de serment.
DL