Reporters sans frontières (RSF) demande la remise en liberté immédiate de deux blogueurs accusés d’avoir relayé sur leurs réseaux sociaux la polémique autour d’un détournement de fonds présumés de la part du régime mauritanien.
Vendredi 22 mars, les blogueurs Abderrahmane Weddady et Cheikh Ould Jiddou, habitués à relayer les malversations présumées du régime mauritanien sur leur page Facebook, ont été convoqués puis placés en garde à vue par le parquet de Nouakchott. La justice leur reproche d’avoir repris et commenté une information publiée en février par plusieurs blogueurs et médias arabes, dont Al-Jazeera, Al-Quds et Al-Arabya, faisant état du gel présumé d’un fonds de 2 milliards de dollars, qui aurait été placé par des proches du président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz aux Emirats Arabe Unis. Le jour de l’arrestation, le Ministère public a dénoncé dans un communiqué des informations “dénuées de tout fondement”, indiqué son intention “d’identifier la source de ces informations erronées “ et de poursuivre devant la justice “les auteurs de leur diffusion”.
Selon les informations obtenues par RSF, les deux blogueurs ont été entendus par le procureur de la République qui a exigé leur incarcération auprès du juge d’instruction. Ils ont été transférés mercredi dernier à la prison centrale de Nouakchott. Le domicile d’Abderrahmane Weddady a été perquisitionné et son ordinateur emporté par la police le lundi 25 mars.
“Nous demandons la libération immédiate de ces deux blogueurs dont les arrestations ont tout d’une chasse aux sorcières initiée par les autorités mauritanienne pour dissuader blogueurs, journalistes et médias d’aborder ce sujet sensible, condamne Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Étouffer ainsi les voix critiques à quelques mois de l’élection présidentielle envoie un signal inquiétant quant à la qualité et l’ouverture du débat public, indispensables pour la tenue d’élections crédibles.”
Les deux blogueurs avaient déjà été convoqués et interrogés sur la même affaire début mars par la brigade des crimes économiques et financiers. Leurs papiers d’identité avaient alors été confisqués.
En parallèle de cette affaire, les blogueurs étaient également connus pour avoir documenté une arnaque ayant conduit à la perte de biens immobiliers pour de nombreuses familles. En février, Abderrahmane Weddady avait publié des photos de reçus de ventes immobilières qui prouveraient les liens de cette escroquerie immobilière avec le pouvoir.
Alors que la Mauritanie se dirige vers une élection présidentielle en juin prochain, RSF demeure également extrêmement préoccupée par le sort d’un autre blogueur, Mohamed Mohamed Cheikh Ould Mohamed Mkhaïtir. Initialement condamné à mort pour apostasie en 2014, sa peine avait été commué à deux ans de prison en 2017. Libérable depuis un an et demi, il est toujours détenu au secret par les autorités.
La Mauritanie occupe la 72e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.