Le président Mohamed ould Abdel achève son mandat et quittera le pouvoir, entre Juin et Juillet prochains. C’est dans cette perspective qu’il a désigné son successeur, le désormais ex- général Ghazwani dont le nom était évoqué depuis plus d’une année. Un militaire remplacerait donc un autre à la tête du pays. Des kakis qui le régentent depuis 1978 et dont le bilan gestionnaire est loin d’être des meilleurs. L’instauration de la démocratie en Mauritanie, suite au discours de François Mitterrand au sommet Afrique-France de la Baule, n’aura, jamais à ce jour, réussi à produire une alternance capable de ramener les militaires en leurs casernes. Les urnes ne cessent donc de bégayer depuis 1992. La première élection dite démocratique d’Ould Taya, en 1992, ne fit qu’habiller le pouvoir d’un costume civil. Les militaires ont pris le goût du luxe et du pouvoir politique. Ils ont organisé le dévoiement du jeu démocratique afin de continuer à contrôler le pays. De leur point de vue, la démocratie est un luxe, pour les civils, et un outil intéressant, pour les militaires, afin d’installer une véritable aristocratie à la tête du pays. Tous les hauts gradés ont placé leur progéniture dans les différents corps d’armée et de sécurité. Seuls leurs fils sont admis dans les grandes écoles civiles et militaires. La naïveté et l’opportunisme de certains acteurs politiques civils ont fortement contribué à cette mainmise des kakis, renforcée par l’instabilité au Sahel. L’élection, en 2007, d’un civil à la tête du pays, Sidi ould Cheikh Abdallahi, ne fut qu’un accident de parcours, vite rectifié : notre démocratie est piégée, militarisée à outrance.
La preuve est là : le général Ghazwani a de fortes chances de siéger au Palais gris. Les militaires et leurs bataillons civils – partis et partillons politiques, hommes d’affaires et autres opportunistes à col ou turban blanc obéiront au doigt et à l’œil. Tout comme les institutions chargées de gérer le processus électoral. Pourtant et comme dit tantôt, la gestion de nos militaires, depuis 41 ans, ne plaide pas en leur faveur. C’est sous leur magistère que le pays a connu la corruption. C’est encore sous leur magistère que le tribalisme, le régionalisme et le népotisme ont vu le jour et se sont développés. C’est sous leur magistère que l’école et la santé ont entamé leur descente aux enfers, plongeant les démunis dans le plus grand calvaire, alors que le fossé, entre les riches et les pauvres, s’élargit de jour. C’est sous leur magistère, enfin, que l’unité nationale a subi ses plus dangereuses fissures. Qu’à cela ne tienne ! Les kakis sont déterminés à poursuivre leur marche forcée. Mais, hélas, pas à la Kagamé. Les acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition, la société civile et les personnalités indépendantes n’y peuvent rien. D’autant moins, d’ailleurs, que certains y trouvent leurs propres comptes. Les Mauritaniens iront donc aux élections pour « élire », c’est le terme consacré, « leur » président de la République, comme la vache va à l’abattoir. Sans grande conviction ni enthousiasme, tant les résultats leur semblent connus d’avance.
L’après-Aziz pas pour demain ?
En effet, aussitôt annoncée, la candidature du général Ghazwani a suscité le soutien du principal parti de la majorité, l’UPR, qui voit, en lui, le « meilleur choix pour poursuivre l’œuvre du président Mohamed ould Abdel Aziz ». Mais, chose grave, au cours de la rencontre du président dudit parti et les députés de ladite majorité, le général a été présenté comme le candidat « personnel » de son prédécesseur. En cette vassalité, que pèsera Ghazwani, une fois élu à la présidence ? L’opposition poursuit, de son côté, sa laborieuse quête d’un candidat unique pour la présidentielle. La commission mise sur pied à cet effet poursuit ses travaux, elle a listé les critères de l’oiseau rare. Si rare, remarque un des leaders de cette opposition, qu’il en soit introuvable ? Mises bout à bout les deux dernières questions résument l’incertitude de l’après-Juin 2019 qui ne sera, très certainement pas, l’après-Aziz…
DL