Le ministre porte-parole du gouvernement a parlé de l’affaire Marième mint Cheikh. Comme, en son temps, de l’affaire Mohamed Cheikh ould M’Khaitir et d’autres encore qui avaient toutes, en commun, de « menacer la sécurité nationale sur instrumentalisation d’un ennemi étranger ». Les juifs, les Mossi, les Esquimaux,voire des extraterrestres venus de Mars ou de Jupiter. En tout cas, les propos aussi graves tenus par un M’Khaitir ou une Cheikh ne peuvent pas venir d’un mauritanien normal. Il faut être un être extraordinairement exceptionnel pour oser dire de pareilles choses. Sans base. Ni hauteur. Ni rien. C’est un peu toujours comme ça, chez nous. « Marième a été instrumentalisée », nous apprend le porte-parole, « par quelqu’un d’un quelconque pays occidental pour une quelconque raison ». Toujours la bande des criminels transfrontaliers dont certains chantent et dansent, comme les Ewlad Leblad, par exemple. Bien sûr qu’ils ne sont pas les seuls qui chantent, dansent et applaudissent. Ces bandits transfrontaliers sont partout. Criminels internationaux de grand chemin, en chefs ; criminels nationaux, en soldats. Certainement que les médecins spécialistes sont aussi manipulés. Sinon, si tu veux toucher un grand salaire comme ça –gros comme ça – il ne fallait pas poursuivre de si longues études à n’en pas finir. Avec de si compliquées disciplines, comme l’anatomie, l’histologie ou l’épidémiologie, ceci ou cela, et venir, après, réclamer l’argent. Dans les hôpitaux il y a des seringues, du sparadrap, du mercurochrome, la blouse blanche, les malades, les indigents, des matelas vétustes, des lits, des WC mal entretenus, des odeurs nauséabondes, des accompagnateurs pitoyables, des administrations laxistes, des agents de sécurité complètement ronds et des chats et chiens errants qui transmettent gale et typhoïde. L’argent rime mal avec médecin. L’argent, c’est au ministère des Finances, à la Banque centrale, dans les états-majors nationaux des forces armées, au BED, à la DGSN ou à la présidence ; sinon, avec les mendiants des carrefours, les députés, les hommes d’affaires, les boulangers, les mécaniciens, les pêcheurs (pas en eaux troubles), les ministres ou militaro-civilo-armateurs. Qui veut l’argent ne doit avoir perdu tout ce temps. L’argent vaut le détour. Par exemple, comment un docteur qui touche cent trente mille, toutes indemnités comprises, peut subitement exiger un salaire de deux ou trois millions ? Même les députés et les magistrats sont mal payés, avec leurs quelques centaines de mille par mois. Or, ça, ce n’est même pas un jeton de présence, pour un directeur central du ministère des Finances, en un seul jour de réunion du moindre conseil d’administration. Ça peut aller jusqu’à neuf cents mille ouguiyas. Comme quoi le jeton de présence d’un jour peut égaler six mois de salaire d’un professeur du second cycle ou d’un inspecteur de l’enseignement fondamental à quelques mois de la retraite. Pour dire autrement : le jeton de présence d’un directeur central du ministère des Finances, lors d’un conseil d’administration qui dure un jour, est égal aux salaires mensuels réunis : d’un professeur du second cycle, d’un inspecteur de l’enseignement fondamental, d’un médecin, de trois instituteurs et de quatre infirmiers d’État. Qui dit mieux ? Les trois millions cinq cent mille que le ministre de l’Économie et des finances a reconnu publiquement prendre, chaque mois, de sa « caisse noire » représentent le salaire mensuel de vingt-cinq médecins ou de quarante-deux instituteurs. Mais un ministre, de surcroît de l’Économie et des finances, ce n’est ni un instituteur ni un médecin. C’est un homme. Qui a des responsabilités et des missions. Et puis, c’est la démocratie : tu n’es pas content de toi ou de ton métier, tu changes. Tu étais militaire, par exemple. Tu déposes l’arme et le béret et tu pars à la mer. Pas pour t’y jeter, hein, mais pour devenir armateur, avant de te lancer dans la politique, briguer un mandat électif et te voilà devenu, mine de rien, quelqu’un d’autre ; avec l’argent en plus. Tu étais un clochard, quelque part, dans une partie de ce vaste monde. Tu déposes ta bouteille, tu la ranges bien et tu rentres au pays. Tu soutiens un coup d’État, tu applaudis, tu t’époumones à défendre l’indéfendable. Et te voilà devenu quelqu’un, avec argent et mauvaise renommée. Salut.
Sneiba El Kory