Madame Lalla Meryem Mint Moulaye Idriss, candidate à l’élection présidentielle du 21 Juin 2014 : ‘’Ma candidature a été motivée par l’état de dégradation sociale qui engendre un appauvrissement progressif du Mauritanien’’

18 June, 2014 - 13:48

Le Calame : Bonjour. Qui êtes-vous, madame Lalla Meryem Mint Moulaye Idriss ?

Lalla Meryem Mint Moulaye Idriss Ould Moulaye Abdel Hadi : Je suis née en 1957 à Aïoun El Atrouss. J’ai effectué mes études primaires à Aïoun ; secondaires et supérieures à Nouakchott. Je suis  titulaire d’un diplôme de maitrise en mathématiques-physique et d’un MBA ingénierie financière. Je bénéficie d’une grande expérience administrative : huit ans directrice-adjointe de cabinet de l’ancien président Maawya Ould Sid’Ahmed Taya, et douze comme secrétaire générale en divers ministères – Equipement et transport, Commerce, artisanat et tourisme, Mines et industries, Communication et relations avec le Parlement.

 

- Pourquoi briguer le fauteuil présidentiel ?

- Ma candidature a été motivée par l’état de dégradation sociale qui engendre un appauvrissement progressif du Mauritanien, la montée des réflexes identitaires, le doute qui s’installe, au sein des minorités, la stigmatisation. Il ya un risque, latent, de segmentation de notre société et cela menace l’existence même de la Mauritanie, en tant qu’Etat unitaire.

 

- Quelle ambition avez-vous, pour votre pays, et de quels moyens disposez-vous, pour atteindre votre objectif ?

-La Mauritanie que je veux construire, c’est celle de l’espoir, de la justice sociale, de l’égalité pour tous, de la solidarité. Il faut donner confiance aux Mauritaniens, dans leur vie, leur diversité, qui est un atout, une force. Donner confiance à notre jeunesse, reléguée au chômage, à la précarité ; donner confiance à nos fonctionnaires, victimes des effets négatifs de la mondialisation. Cette égalité suppose un meilleur accès, pour tous, à l’emploi, à la santé, à l’eau, à l’électricité, à la sécurité. Elle implique, aussi, la solidarité. Solidarité envers nos retraités, nos oulémas, nos imams, nos handicapés, nos veuves, nos orphelins, nos rapatriés, nos victimes des séquelles de l’esclavage ; solidarité envers nos expulsés du Sénégal, nos pêcheurs artisanaux, nos paysans, nos artisans, nos artistes…

Une Mauritanie réconciliée avec elle-même. En faisant participer les citoyens aux grands débats qui les concernent ; en choisissant hommes et femmes suivant leurs compétences. Nous disposons du plus grand potentiel animalier du monde arabe, après le Soudan ; de grandes surfaces agricoles ; de la mer la plus poissonneuse au Monde et nous sommes le second producteur de fer en Afrique. Cela ne nous empêche pas d’importer du lait, sous toutes ses formes et dérivés ; des objets en cuir ; des denrées et produits alimentaires ; des conserves de poisson et d’énormes quantités de fer à béton.

Il nous revient de valoriser nos ressources, en investissant, massivement, dans l’industrie de transformation et de conditionnement, ce qui permettra de générer de la richesse et d’importantes opportunités d’emploi.

 

- Quels sont les thèmes que vous allez développer, pour convaincre les Mauritaniens et Mauritaniennes de voter pour vous, le 21 juin ?

- Dans cette campagne, nos thèmes principaux seront la lutte contre le chômage, la distribution équitable des richesses, la consolidation de la présence de la femme, à tous les niveaux administratifs ; l’égalité, la justice sociale, la solidarité, l’unité nationale et la moralisation de la société.

 

- Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de cautionner, par votre candidature, celle du président sortant dont le parti vous a octroyé des parrainages ?

- Je profite, d’abord, de l’occasion qui m’est offerte par votre journal, pour déclarer, au peuple mauritanien, que la décision de me présenter émane d’un acte personnel et souverain, sans aucune interférence extérieure. Je dois préciser, ici, que seuls les partis disposent de conseillers. La levée de l’embargo instauré, par tous les partis politiques, sur leurs conseillers, et leur décision de laisser ces derniers à la disposition de tout postulant, nous ont permis de boucler notre dossier.

 

-Les femmes qui se sont, avant vous, présentées à la présidentielle en Mauritanie n’ont jamais réalisé de scores honorables. Elles n’ont même pas atteint 1%. Qu’allez-vous faire pour ne pas décevoir ceux qui vont vous soutenir ?

- A ma connaissance, une seule femme s’est déjà présentée à l’élection présidentielle. C’était en 2003. Ce qui est significatif, c’est qu’elle a eu le courage d’ouvrir la voie, prélude de la longue et difficile marche de la femme vers la sphère supérieure du pouvoir. Je lance un appel aux femmes, pour choisir l’opportunité qui leur est offerte de dépasser leurs contradictions et de matérialiser, par la voie des urnes, leur volonté d’imposer leurs droits : droit à l’accès à tous les niveaux de l’administration, droit à l’accès aux financements, droits à l’accès à la conception et l’exécution de tous les grands thèmes de développement de ce pays. C’est par leur confiance en elles-mêmes et leur solidarité active qu’elles pourront réaliser leur émancipation.

 

-Ne partagez-vous pas les craintes du FNDU et de l’APP sur l’absence de garanties de transparence du scrutin du 21 juin ?

-Vous savez pour moi, la transparence, en Mauritanie, est purement formelle. Il ne suffit pas d’avoir une CENI autonome, jouissant de pleins pouvoirs, ni de former un gouvernement de consensus. Le problème se situe au niveau de la société qui a soumis la démocratie à ses propres règles de fonctionnement. La culture démocratique n’existe pas, dans notre pays. On vote pour des considérations tribales, régionales, identitaires, opportunistes et c’est à ce niveau que tout le processus démocratique est faussé.

 

- Ne regrettez-vous pas, quelque peu, l’absence de gros challengers pour le président sortant et candidat à sa propre succession ?

-J’aurais, quand même bien, souhaité la participation de l’opposition traditionnelle, à cette élection. Leur combat a permis, à la Mauritanie, de réaliser des avancées notables, sur le plan de l’ancrage de la démocratie. Mon souhait est que les deux camps puissent transcender leurs divergences, afin de dégager un consensus.

 

- L’esclavage et le passif humanitaire polluent la cohabitation en Mauritanie. Qu’allez-vous faire, une fois élue, pour dépassionner ces épineuses questions ?

-L’histoire récente de notre pays a connu des soubresauts et des mutations sociales, engendrant des défis qu’il nous appartient de relever. Nous devons prendre des enseignements de l’histoire. Dans l’état actuel des choses, nous avons à résoudre trois problématiques : les séquelles de l’esclavage, l’intégration des Mauritaniens rapatriés du Sénégal et celles des Mauritaniens expulsés du Sénégal, dont, curieusement, personne ne parle. Je préconise, en ce sens, l’ensemble des mesures suivantes : élaboration d’une stratégie globale d’intégration et de réparation morale ; règlement, conformément à l’accord tripartite Mauritanie-Sénégal-HCR, des situations administratives des rapatriés de retour dans leur pays ; mise en place d’un fonds spécial de compensation, permettant à chacun de recouvrer ses droits.

 

-Le président sortant vient d’effectuer une visite dans deux wilayas du pays. Ne pensez-vous pas qu’il a entamé la campagne présidentielle avant l’heure ?

- En visitant ces deux régions, le président Aziz ne fait que son travail et puis, interpréter ce déplacement comme une entame de campagne avant l’heure, c’est faire preuve de totale cécité. Le président Aziz n’a pas besoin de battre campagne : tous les segments tribalo-intellectuels le font pour lui, depuis presque trois mois.

 

-En attendant le lancement de la campagne, comment se passe votre journée ?

-Je reçois beaucoup de gens, j’élabore et peaufine ma stratégie.

 

Propos recueillis par Dalay Lam