C’est avec la décision de la Mauritanie, en 1996, de libéraliser le commerce qu’a disparu le monopole de la SONIMEX sur l’importation et la distribution des produits de première nécessité. Des groupes commerciaux très puissants se sont partagé la mission, ne laissant, à la société nationale, que la portion congrue du marché. Son rôle s’est alors limité à la mise en œuvre de programmes et d’opérations permettant de réguler, autant que peut se faire, les prix des denrées comme le riz, le sucre, l’huile végétale, le lait en poudre et autres blé ou aliment de bétail. Les différents directeurs généraux, qui se sont succédés à la tête de l’institution, n’eurent d’autre choix que de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en essayant de ne pas trop faire bouger les choses, ni en termes de bonne gestion, ni en termes de redéploiement d’un personnel pléthorique dont la majorité ne constituait plus qu’un lourd fardeau. L’effectif total des fonctionnaires, toutes catégories confondues, dépassait au moins le double de ce dont la société avait réellement besoin pour fonctionner. C’est dans ce contexte que la SONIMEX s’est engagée dans la signature de conventions de prêt, avec des institutions financières comme la BCM et l’OPEP et qu’elle envisageait, même, comme le mentionne le PV d’une réunion extraordinaire de son CA du 16 Octobre 2009, d’engager une autre procédure de crédit avec un autre partenaire. Les premiers constats de mauvaise gestion avaient été pourtant établis, comme en témoigne ledit PV : « La direction générale rappelle les insuffisances des informations comptables et les lacunes graves que comportent les renseignements fournis. Ainsi, des données erronées et des omissions d’éléments de nature à bouleverser la situation ont été constatées. Exemple, lors de la récente passation de service 500 tonnes de blé et 700 bidons d’huile ont figuré comme stock existant, alors qu’ils ont été déjà vendus ».
Travers de gestion
Dans ses conclusions, le PV de la réunion extraordinaire du 16 Octobre 2009 propose d’engager un audit approfondi, pour vérifier les exercices 2007, 2008 et 2009. À son départ en 2008, Moulay El Arbi ould Moulay M’Hamed avait laissé la société dans une situation financière relativement bonne, avec des avoirs bancaires de plus de quatre milliards d’ouguiyas et des stocks d’une valeur de plus de neuf milliards d’ouguiyas qui lui permettaient d’honorer tous les engagements pris, notamment auprès de ses principaux créanciers (BCM, OPEP et banques primaires, comme la GBM ou la BNM). Mais avec le coup d’État du 6 Août 2008, la SONIMEX a été priée, comme beaucoup d’autres établissements publics, de mettre la main à la caisse, pour « faire entendre raison » aux nombreuses missions des organisations de la Communauté internationale envoyées aux nouvelles de la Mauritanie. L’argent public a de nouveau été beaucoup été sollicité, par la suite, pour financer les messagers de la Rectification, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, les missions des accords de Dakar et la campagne de la présidentielle de 2009. Les frais élevés d’audits et de rapports, comme le fameux et controversé Rapport Godinot, du nom d’un ancien inspecteur de police français reconverti dans l’audit, ont aussi contribué à enfoncer les finances déjà très affectées de la SONIMEX.
Salaires et avantages
En plus d’une centaine d’employés officiels, la SONIMEX fait appel aux services de plusieurs autres centaines de gardiens, manœuvres, transporteurs « informels ». Son personnel est classé en quatre catégories. Les gardiens, les plantons, les portiers, les coursiers et les manœuvres sont en catégorie S (agents d’exécution), avec des salaires de près de 80.000 UM, pour les mieux payés. Les agents administratifs, les secrétaires et réceptionnistes, les agents comptables, les chauffeurs/transporteurs, les payeurs, les agents de saisie et les agents commerciaux sont en catégorie A (agents administratifs), avec un salaire qui peut atteindre 140.000 UM. Les secrétaires de direction, les comptables, les caissiers centraux, les techniciens d’informatique, les chefs de centre et les magasiniers, en catégorie M (agents de maîtrise) et perçoivent, mensuellement, un salaire qui varie de 159.000 à plus de 256.000 UM. Les chefs de division, les chefs d’agence, les chefs de zone et les chefs de département, catégorie C (cadres), perçoivent entre 310.000 et plus de 529.000 UM. Le directeur général et son adjoint perçoivent respectivement 1.800.000 UM/mois et 1.520.000 UM/mois, détaillées en cinq rubriques : salaire de base de 400.000, pour le DG, et de 350.000, pour le DGA ; primes compensatrices dont une indemnité de logement de 200.000, pour le DG, et de 180.000, pour le DGA ; indemnité de domesticité (cuisinier, blanchisseur et gardien) de 150.000, pour le DG, et de 120.000, pour le DGA ; indemnité de frais d’hôtel (gaz, produits d’entretien et autres) de 200.000, pour le DGA, et de 150.000 pour le DGA ; prise en charge eau et électricité, de 100.000, pour le DG, et 80.000 pour le DGA, indemnité de téléphone-domicile de 40.000, pour le DG, et de 30.000, pour le DGA ; en trois, Rubrique Transport, avec un véhicule de fonction, pour chacun, et une prime de 150.000, pour le véhicule-domicile du DG, et 100.000 pour le DGA, en plus de deux chauffeurs (160.000), pour chacun, et autres avantages, comme les frais médicaux, couverts à 100%, pour le conjoint et les enfants légalement à charge, pour le DG et le DGA, et un ameublement annuel de 1.500.000, pour chacun des deux. La tradition, dans tous les établissements publics, est d’en faire avance de cinq ans, pour parer à toute éventualité de limogeage ou autre circonstance imprévisible. De son côté, le président du CA de la SONIMEX perçoit, chaque mois, 700.000 et a droit à un véhicule et à du carburant. Pour un personnel d’à peine cent personnes, la masse salariale mensuelle de la SONIMEX atteint ainsi 45 millions d’ouguiyas, à laquelle s’ajoutent d’autres frais informels engendrés par des activités « officieuses », généralement sans traçabilité dans la gestion financière. (À suivre)
Sneiba El Kory