La campagne d’adhésion à l’UPR bat son plein. Elle pourrait se prolonger quelques jours, selon diverses sources. Pourquoi ? Les opérations avaient certes pris du retard à l’allumage. Mais la principale raison serait que les différents acteurs politiques continuent à se battre, pour la collecte des unités de base, en collectionnant des cartes d’identité des citoyens dont nombre ignorent les enjeux de la quête. Autre question : pourquoi ces opérations suscitent-elles tant l’intérêt des citoyens ? Sur le terrain, on constate, en effet, de longues queues devant les sièges d’adhésion, dans tous les quartiers de Nouakchott, parfois jusqu’à la nuit.
L’opposition crie à l’achat des consciences, à l’intimidation des cadres et fonctionnaires de l’État, obligés de descendre chez eux pour mobiliser les leurs. Mais beaucoup d’observateurs ne s’expliquent pas cette espèce d’engouement. Un président de parti de l’opposition, membre du FNDU, qualifie ce regain d’intérêt de « phénomène incompréhensible ». La situation économique particulièrement rude, avec des prix qui ne cessent de grimper ; le chômage des jeunes, devenu quasiment endémique ; l’absence de perspective politique claire ; la tension qui perdure depuis 2008 ; le problème d’état-civil, devenu quadrature du cercle, pour certains citoyens ; les questions de l’esclavage, du passif humanitaire et de la sécheresse : tout cela devrait, dit cet opposant, plus inciter les citoyens, à « sanctionner » le pouvoir en place qu’à le plébisciter. Une situation d’autant plus difficile à comprendre que l’argent n’a pas beaucoup coulé, alors que certains escomptaient recevoir quelques billets de la nouvelle Ouguiya. Vicissitudes de la mentalité mauritanienne ? Les analystes politiques s’interrogent.
Parmi les autres raisons potentiellement explicatives, on peut avancer : l’implication très forte du président de la République, qui a décidé de redynamiser le parti, avant d’y adhérer publiquement. Une implication intervenant à quelques mois de la fin de son dernier mandat à la tête du pays. Pour les citoyens, cadres et autres pontes du pouvoir, en s’impliquant dans cette entreprise de redynamisation du parti, Ould Abdel Aziz laisse croire qu’en dépit de son départ de la Présidence, il entend contrôler l’essentiel du pouvoir, en plaçant un dauphin docile à la tête du pays. Faire-valoir sans aucune volonté d’émancipation, comme le tenta, en son temps, le président Sidioca, renversé pour avoir voulu affirmer son autorité à la tête du pays.
Ce serait donc pour rester dans les grâces du maître que les cadres et militants du parti se bousculent, embrigadant leurs proches, « achetant » d’autres. Avec un seul argument, simple, pour ne pas dire simpliste : il faut rester dans le parti au pouvoir, au risque de subir ses foudres. C’est lui qui distribue les postes et autres prébendes ; c’est lui qui peut manier la carotte et le bâton. Pour toutes ces raisons, les acteurs politiques de l’UPR livrent une véritable guerre des tranchées. Chaque camp voudrait s’assurer le monopole des instances de base, afin d’en récolter dividendes. Autre motivation avancée : l’absence – à tout le moins, la faiblesse – de l’opposition démocratique sur le terrain. Les mots d’ordre de boycott des précédentes élections locales ont abandonné celui-là au parti au pouvoir et à ses satellites dont certains ont pu grappiller sièges de députés. Très rares sont les partis politiques de l’opposition qui n’ont pas enregistré de départs de leurs rangs. Peu convaincus de leur adhésion à un parti politique, les Mauritaniens supportent mal la traversée du désert, dans un pays où l’alternance reste très hypothétique.
Autre question, quelle crédibilité accorder à cette « adhésion massive » à l’UPR ? Une tendance en train de se confirmer, avec les premiers résultats avancés : près de huit cent mille adhérents déjà. Sa nature de parti-État semble jouer, ici, un rôle primordial. À son époque, ce n’est que grâce à la fraude et à la manipulation des résultats que le PRDS gagna systématiquement les élections. Plus près de nous, le referendum constitutionnel du 5 Août dernier a fini de révéler les limites des capacités de mobilisation de l’UPR. La très forte implication du président de la République qui a battu campagne au pas de charge, à travers tout le pays, avant de la clôturer par un méga-concert qui rassembla des milliers de personnes, ne réussit pas à faire plébisciter son projet. Quoi qu’en ait dit et fait l’administration et les missions dépêchées à l’intérieur du pays, les résultats furent très mitigés. Aussi est-on donc en droit, aujourd’hui, de se demander si l’engouement que semble susciter la réimplantation de l’UPR relève d’adhésions librement consenties ou « suscitées ». Des citoyens rencontrés sur les sites d’enrôlement laissent entendre qu’adhérer à un parti ne signifie pas, forcément, voter pour lui, lors des élections : tout dépend, disent-ils, du candidat proposé. Signalons, enfin, que des rumeurs, savamment entretenues par certains milieux, prétendent que le nombre de militants obtenu pourrait décider le Président à rester en 2019. Info ou intox ?
DL