Lancée mercredi dernier, la campagne d’adhésion à l’Union Pour la République (UPR), principal parti de la majorité présidentielle, se poursuit sur toute l’étendue du territoire, après un retard de quelques jours dû, selon des sources proches de sa direction, à des «problèmes techniques». Les commissions de supervision se plaignaient de la modestie des moyens alloués, elles ont cependant pris leurs quartiers. On commence à voir se former, ici et là à Nouakchott, quelques files de citoyens venus s’enrôler.
Les premiers jours ont surtout été l’aubaine, pour les responsables du parti-État, de se ruer au ramassage des cartes d’identité, en vue de se constituer un pactole maximal d’unités de base, passées de cent personnes à cinquante, sur décision du congrès UPR. Partout dans les quartiers, les discussions ne portaient que sur cette collecte. Pour atteindre leurs objectifs, les responsables ont presque tous joué sur les cordes sensibles que sont la parenté et la proximité, mais jamais sur des arguments idéologiques. Après avoir fait le plein en un quartier, on s’est ainsi employé à rameuter les parents, amis ou connaissances vivant en d’autres, notamment en périphérie de Nouakchott, pour les exhorter à s’inscrire en celui susceptible de devenir fief. Certaines zones, comme Sebkha, pourraient voir leur nombre de militants exploser, au détriment d’autres. De quoi s’inquiéter, lors des prochaines élections, sachant que nombre de citoyens préfèrent voter dans leur terroir, vidant ainsi Nouakchott de ses habitants ?
Certains responsables de l’UPR n’ont pas hésité à invoquer la peur voire l’intimidation, particulièrement du côté des Négro-africains, en avançant qu’on ne pourra plus rien attendre de l’État, si l’on n’adhère pas à l’UPR. On risque même, au contraire, des représailles. Bref, la fameuse « nouvelle » campagne de réimplantation, promise « transparente et honnête », avec des militants convaincus de leur filiation au parti, risque fort se conclure en vulgaire opération d’embrigadement, comme au temps de son frère défunt, le PRDS. Les vingt-quatre ans de règne de celui-ci ont ancré de fortes et, surtout, mauvaises habitudes. Il semble vraiment gageure que de réaliser un rassemblement transparent et réellement démocratique. Ainsi que le pressentirent nombre d’observateurs, à l’annonce de l’opération, le raz-de-marée « alimentaire », vers le parti-État que le président Ould Abel Aziz prétend relooker en mode « citoyenneté responsable », semble inéluctable. À quelle fin ?
L’UPR, faire-valoir d’Ould Abdel Aziz ?
L’engagement personnel du président en exercice de la République à redynamiser l’UPR ; sa présence, lors de la clôture des travaux de la commission ad hoc ; son propre enrôlement, enfin, dans ce parti ; ont fini d’installer le doute, parmi les citoyens, sur ses véritables intentions, après avoir fait savoir qu’il ne modifierait pas la Constitution pour briguer un troisième mandat. Aujourd’hui, même le citoyen lambda est convaincu que la présente campagne de l’UIPR n’est pas fortuite et ne vise clairement qu’à perpétuer le système.
Le congrès de l’UPR a entériné la formation d’un bureau politique (commission de concertation) où siègent, automatiquement, divers hauts fonctionnaires en exercice, dont le président de l’UPR, le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre, s’ils sont membres de ce parti. L’objectif avoué de cette commission est donc de favoriser la concertation entre ces différentes entités du pouvoir. Le concept de parti-État est on ne peut plus renforcé. En attendant sa redynamisation, l’UPR « vieille mouture » semble jouer un rôle secondaire, dans les opérations d’adhésion de ses propres militants. C’est, en effet, le président de la commission de redynamisation, Diallo Mamadou Bathia, ministre de la Défense, qui est à la manœuvre, reléguant en arrière-plan les responsables directs du parti-État, notamment son président, maître Sidi Mohamed ould Maham. Illustration éloquente de cette emprise, Bathia a présidé le lancement de la campagne et la conférence dans les locaux du parti.
On décèle comme un malaise, parmi les cadres du parti, eux qui n’ont cessé de devoir avaler des couleuvres, à chaque campagne électorale et autre manifestation d’ampleur. La Présidence a régulièrement fait preuve de défiance envers le parti qu’elle prétend, aujourd’hui, sortir de l’auberge. Lors du referendum du 5 Août dernier, les commissions de l’UPR n’ont joué que les supplétives de celles du gouvernement. Cela semble être à nouveau le cas, aujourd’hui. Le gouvernement aurait-il fini de domestiquer l’UPR ? Qu’en fera le Palais, après la campagne de réimplantation ? Mystère. L’actuel président du parti et son directoire doivent s’attendre à tout.
DL