A l’occasion de la célébration du 6 Mars, Journée internationale de lutte contre les pratiques esclavagistes, ce fut la ruée vers Sélibaby, la capitale régionale du Guidimakha où la question de l’esclavage divise profondément, surtout en milieu soninké. Organisée par l’Association des maires du Guidimakha, la journée a connu une grande mobilisation, avec, notamment, la présence du commissaire aux droits de l’Homme et à l’Action Humanitaire, divers représentants de l’agence Tadamoun, de Sidney Sokhona, conseiller à la présidence de la République, assisté d’un groupe de cadres soninkés, avec, en main, un document intitulé : « Contribution des cadres de l’UPR pour lutter contre l’esclavage ». Et, bien évidemment, les autorités administratives et sécuritaires régionales,dirigées par le wali du Guidimakha, Diallo Oumar Amadou.
Occulter la réalité et feindre d’ignorer le rôle des ONG des droits de l’Homme, sur la question de l’esclavage au Guidimakha, tels sont les mots d’ordre que semblaient s’être donné les organisateurs. Dès l’entame des travaux, le président de l’association des maires du Guidimakha prononce un discours pour remercier les partenaires et organisations de la Société civile… sans mentionner une seule de celles réellement actives sur le terrain ! Pas un mot, donc, sur l’AMDH, le FONADH, l’AFCF ou SOS-Esclaves, organisations pourtant bien implantées et autorisées, en référence à la loi sur l’esclavage, qui ont particulièrement brillé dans l’accompagnement et la défense des victimes. Une attitude inexplicable, amplifiée par la programmation de syndicats inexistants au Guidimakha. Voici que parle, au nom de la Société civile, le président de l’ONG AMEES. Il relate, entre autres: la provocation des militants et sympathisants de son organisation, l’accès aux terres, la chefferie et la direction des mosquées, dans les localités soninké, comme si la question de l’esclavage se résumait à ces quelques points. Un discours, critiquent les autres OSC, loin de refléter les préoccupations de la Société civile au nom de laquelle il prétend s’être prononcé. Faire connaître et exiger l’application d’un texte ignoré ? Que dire de la sensibilisation autour de la loi 031-2015, à peine fredonnée, tant les organisateurs de la journée se sont surtout ingéniés à faire magnifier les réalisations du gouvernement, du Commissariat aux droits de l’Homme et à l’action humanitaire, du représentant de Tadamoun et l’intervention du conseiller à la présidence de la République. En quoi ces glorioles ont-elles informé lepublic, venu en nombre, des questions en suspens dans la lutte contre l’esclavage ? Malgré la présence de Ba Alioune Ibra, président de la Cour spéciale de l’Est, les procédures et le contenu de la loi 2015-31 sont demeurés d’autant moins compris que la langue utilisée, pour informer les gens, n’était pas la leur et nulle traduction ne leur en a été offerte. Seul le conseiller à la présidence de la République fut traduit en soninké et cela causa quelques chuchotements dans la salle. Des propos mal accueillis, au final, par une assistance qui aspire, manifestement, à un changement impossible, à ses yeux, sans bouleversement de l’ordre social.
Bilan de la Journée du 6 Mars à Sélibaby ? Trop de bruits et peu d’intérêt pour les participants. Si l’État semble engagé à lutter contre les pratiques esclavagistes, avec la mise en place d’instruments juridiques reconnaissant, aux organisations des droits de l’Homme, le droit de dénoncer les criminels, d’accompagner les victimes et de se constituer partie civile, les politiques, eux, traînent manifestement les pieds. En bref, l’AMEES a certes mobilisé mais la question des procédures et du contenu de la loi 2015-031 reste entière…
Amadou Bocar Ba
Coordinateur régional de l’AMDH au Guidimakha