Rapport adressé au commandement des forces onusiennes
Mes devoirs, mon Général. Ma sortie du théâtre de la MINUSCA après douze mois d’un séjour fructueux sous votre commandement me donne l’opportunité de vous adresser la présente correspondance, pour vous redire, s’il en était encore besoin, toute ma reconnaissance pour l’immense confiance que vous avez bien voulu placer en moi en me portant à la tête de la Task Force Bambari (TFB) qui, pour les défis qu’elle suscitait au moment de sa mise en place, était perçue par tous comme une tâche ardue et davantage exaltante. En me recevant dans votre bureau il y a quelques jours, vous m’avez adressé des mots très réconfortants allant largement au- delà de mes attentes, pour marquer votre satisfaction vis-à-vis des modestes services que mon équipe et moi-même avons rendus aux populations de la Ouaka et de la Basse-Kotto pendant les huit mois de ma présence à Bambari. Conscient des enjeux stratégiques qui structurent aujourd’hui l’avenir de la ville de Bambari, devenue depuis quelques mois le pivot central d’un processus expérimental de pacification de la RCA à travers le développement, il était de mon devoir, après les nombreux acquis engrangés par la MINUSCA dans cette localité sur le plan sécuritaire, de dresser un bilan capacitaire des forces amies en présence afin que vous puissiez continuer à en tirer le meilleur rendement possible. Je me permettrais à cet effet de rapporter de manière lucide et sans état d’âme, les potentialités palpables mais aussi les tares enregistrées dans ces unités qui m’ont accompagné tout au long de la réalisation de l’ouvrage qui a fait de Bambari une « cité sans groupes armés ». Cette évaluation très succincte, qui n’engage que moi seul, s’appesantira sur la valeur militaire de chacune de ces unités mesurée sur la base des critères d’appréciation personnels, sans considération de la perception que les populationslocales se font d’elles au gré des sensibilités dont l’objectivité renvoie à des jugements abstraits provenant des divers clans. Un autre objectif de ce document, qui sera assez long, est de faire des propositions sur l’amélioration du climat et du dispositif sécuritaires dans les localités encore très affectées par la prédominance diffuse des groupes armés, agissant fondamentalement au détriment de la visibilité de la MINIUSCA. I- Le Bataillon mauritanien C’est l’unité mère qui concentre aujourd’hui plus qu’ hier l’essentiel des forces actives dans la zone de responsabilité de la TFB. Elle a par conséquent le mérite de focaliser toutes les attentions de la Forces MINUSCA dans son intention de contrôler l’environnement sécuritaire sur l’immense zone qu’occupe cette unité, devenue celle de la TFB, grâce au large déploiement de ses nombreuses bases opérationnelles (POB et TOB). C’est une unité qui, sur le plan disciplinaire, est très bien tenue. Plusieurs observateurs avertis, civils pour la plupart, dont l’appréciation peut valablement être considérée comme totalement dénuée d’intérêt, affirment que sur ce plan le Bataillon mauritanien, depuis l’arrivée de son deuxième contingent, s’est considérablement amélioré. Ce jugement de faveur s’appuie sur des constats pertinents, acceptés par tous au regard du comportement exemplaire de la troupe qui reste cloisonnée dans l’enceinte de la caserne lorsqu’elle n’est pas de service. Toute chose qui l’éloigne de certaines pratiques et abus combattus et surtout sévèrement sanctionnés au sein de la Mission. Sur le plan opérationnel, la résilience de l’unité mauritanienne tant à Bambari que dans toutes les localités où ses bases sont installées est d’une très grande notoriété. Les multiples attaques que cette unité a subies sur les différentes branches de la MSR3, lors des missions d’escorte de convois entre les mois de mai et septembre 2017 ont plutôt eu pour effet contrastant de booster l’intrépidité de ses soldats, qui sont aujourd’hui particulièrement redoutés par les groupes armés sévissant dans la zone. La rusticité de ces hommes leur a maintes fois permis d’exécuter des missions vitales dans des conditions extrêmes, à la limite même de l’acceptable. Cet altruisme mérite d’être relevé et surtout vanté dans un environnement qui n’a pas toujours été prompt à reconnaître les mérites de ces soldats qui ne demandent qu’à servir. Il faut aussi souligner que si l’Etat-major de la TFB a pu fonctionner sans discontinuité, c’est grâce au dévouement et à l’intelligence du personnel d’emprunt notamment les officiers travaillant dans les diverses cellules du MOCC- qui lui a été concédé par cette unité. Plus loin, on laissera la haute hiérarchie de la Mission juger du caractère convivial de l’accueil coutumièrement réservé aux nombreuses délégations onusiennes voire gouvernementales qui ont séjourné à Bambari, et qui pour la circonstance ont pu bénéficier des services de cette unité. Doté d’un potentiel logistique adéquat et très varié, le Bataillon mauritanien est l’une des rares unités du théâtre à être polyvalente aux engagements de jour et de nuit. Malgré la précarité du dispositif de protection de ses installations au PK3 due à l’absence d’un mur d’enceinte autour du camp, le Bataillon mauritanien a su pallier cette vulnérabilité grave en installant le long de la butte de protection entourant ce camp un système de veille fonctionnant sans interruption, qui vient d’être équipé de lampadaires de grande puissance. Parlant toujours des faiblesses et comme nous l’avons soulignés supra, une bonne frange des populations civileslocales, notamment les chrétiens du quartier KIDJIGRA, ne regardent pas le contingent mauritanien avec des yeux condescendants, même si cette tendance est en courbe négative aujourd’hui. Cette situation de rejet n’est pas dirigée contre le seul Bataillon mauritanien, puisqu’il en va de même pour les contingents dits chrétiens que la communauté musulmane accuse aussi de mille maux pour justifiersa rancœur. On reconnaitra néanmoins que s’appuyant sur une nouvelle dialectique, le Bataillon mauritanien est en train de renverser progressivement et très favorablement cette tendance en manifestant une impartialité tangible dans ses services régaliens à la population et par ses aides dépouillées de toute discrimination au profit des mêmes populations. Cette stratégie qui a commencé à payer, a suscité ces derniers temps le rapprochement du commandant du contingent mauritanien de certains leaders chrétiens radicaux, souvent signataires de pétitions et memoranda stigmatisant cette unité.