Diop Amadou Tidjane, président du Front Républicain Pour l’Unité et la Démocratie (FRUD) : ‘’Passé un certain délai, sans qu’aucun avis défavorable ne nous ait été notifié, nous considérons que notre parti est reconnu de facto’’

28 September, 2017 - 01:38

Le Calame : Il y a de cela six mois, vous vous lanciez dans une carrière politique, en portant, sur les fonts baptismaux, une formation dénommée Front Républicain Pour l’Unité et la Démocratie (FRUD). Comment allez-vous, politiquement parlant ?

 

Diop Amadou Tidjane : Avant de répondre à votre première question, nous aimerions d’abord vous remercier de l'opportunité que vous nous offrez, encore une fois,  à travers votre tribune, Le Calame, de faire part de notre quotidien et de notre position sur certaines questions qui dominent ou surplombent l'actualité nationale.

Revenons à votre question ! Il y a un peu moins de six mois, le 22 Avril 2017, très exactement, nous avions en effet annoncé, lors d'une conférence de presse, la naissance de notre formation politique, le Front Républicain pour l'Unité et la Démocratie (FRUD). Vous n’êtes sans savoir que la mise en place effective d'un parti politique est un exercice de longue haleine, qui requiert des préalables, sans oublier les nombreuses contraintes de divers ordres qui s’imposent, a priori, et doivent être surmontées. Depuis cette date, mes camarades et moi travaillons, d'arrache-pied, en ce sens, à travers un comité de pilotage.

Sur le terrain, nous avons pu accomplir des actions considérables ; tant à Nouakchott qu’à l'intérieur du pays et à l'étranger, notamment avec la diaspora en Afrique, en Europe et en Amérique du Nord (USA et Canada). Nous sommes en train d'installer, progressivement, des structures provisoires à qui sont assignées diverses missions, en vue de faire prospérer le futur parti. Notre objectif est clair : participer pleinement à la vie politique de notre pays, dans un cadre politique légal.

 

- Six mois se sont écoulés, sans que le ministère de l’Intérieur ne vous délivre de récépissé de reconnaissance. Quelle lecture faites-vous de cette lenteur ? Que ferez-vous, si les autorités ne daignent pas vous reconnaître ?

- Justement, le problème du récépissé fait partie des préalables que nous venons d’évoquer. Comme vous le dites, nous n’avons pas reçu, à ce jour, cette autorisation qui nous permettrait de mener nos activités en toute légalité. Nous disons, tout simplement, qu’a priori et en se basant sur le principe de la légalité, le ministère ne dispose d’aucun motif valable pour rejeter notre requête. Notre dossier est conforme, à tous égards, aux exigences requises pour la reconnaissance d’une telle formation, même si nous n’ignorons pas qu'il existe des demandes de reconnaissance de partis politiques qui précèdent la nôtre et qui, n’ont toujours pas connu, malheureusement, de suite favorable. C'est le cas des FPC, RAG et d'autres encore, peut être ! Que sais-je ? Mais cela ne constitue point une raison de perdre espoir. La chance peut aussi faire la différence.

En tout état de cause, si les autorités ne daignent nous reconnaître, nous allons poursuivre nos activités et les exercer, légalement, au nom du parti, comme tous les autres. C’est aussi un chemin vers la reconnaissance, cela relève du droit prévu par les textes en vigueur. Passé un certain délai, sans qu’aucun avis défavorable ne nous ait été notifié, nous serons reconnus de facto.

 

- La scène politique nationale reste plombée un mois, après le referendum qui n’a, du reste, guère suscité l’engouement des Mauritaniens. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

- C'est vrai. Le vote par voie référendaire du 5 Août dernier n'a pas suscité, comme vous l'avez signalé, un grand engouement des populations. Du moins, c'est le constat qui a été dressé, ici et là. Cela prouve, en tout cas, que le peuple s'est librement exprimé. Le premier enseignement qu'il faut en tirer, de mon point de vue, c'est, d'abord, l'émergence de l'ouverture d'esprit, dans la marche vers l'évolution démocratique et la liberté du peuple. Il s'agit, aussi et surtout, d'une expérience dont désormais tout pouvoir devrait en tenir compte : elle enseigne le réveil du peuple mauritanien. Ce peuple a su prouver qu'il a acquis une maturité politique et une culture démocratique extraordinaire qui lui permettront de prendre, dorénavant, son destin en main et conduire, lui-même, son avenir et celui des générations futures. Je pense qu'il faut s'en féliciter, sincèrement, même si l'on sait qu'il reste encore beaucoup à faire en ce domaine.

 

- Vous êtes banquier, quels constats dressez-vous de la situation économique du pays que certains jugent désastreuse ?

- La rigueur scientifique et la probité intellectuelle interdisent, même une fois les précautions épistémologiques réunies, de formuler une analyse économique, quelle qu’en soit l'échelle, avant d'avoir effectué un diagnostic de certaines données et agrégats économiques, pour tirer des conclusions appropriées. Ce n'est pas une bonne approche d'intellectuel, de surcroît professionnel dans le domaine.  Ce qu'on peut cependant retenir, à ce sujet, c'est que l'économie du pays affiche encore des aspects négatifs, dont sa faible capacité de résilience. La Mauritanie reste exposée aux chocs exogènes et/ou à la conjoncture internationale, notamment à la baisse des cours des matières premières qu'elle ne maîtrise d’autant moins que la dette publique du pays s’élève à quelque quatre milliards de dollars. Soit 80 à 85% du PIB. Cet état de fait réduit, considérablement, les marges de manœuvre du gouvernement. Les autorités publiques ont initié, afin de contrer la déchéance économique, un plan stratégique de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP) qu'elles se sont décidées à soutenir, prétendant une croissance économique inclusive du pays sur la période 2016 - 2030. Il faut se féliciter de l'initiative mais la volonté politique doit être de rigueur.

Il y a deux ans, en 2015, le taux de croissance économique réelle du PIB de la Mauritanie perdit beaucoup de points, d’après la Banque africaine de développement (BAD), dégringolant de 6,6%, en 2014, à 3,1%, alors que le FMI prévoit, pour 2017, une croissance réelle de 4,2% ... En attendant les effets de ces politiques économiques, le grand peuple continue de souffrir de la flambée, à ce jour inextinguible, des prix des denrées vitales. C'est un état de fait susceptible de provoquer une détérioration du pouvoir d'achat global. Qui peut incontestablement entraîner, à son tour, une baisse considérable du niveau de l'emploi. Nous devrions, a priori, nous inquiéter, puisqu'il s'agit véritablement des conséquences d'une dévaluation qui ne dit pas son nom.

 

- Les régions du Brakna et de l’Assaba ont été frappées par des catastrophes naturelles qui ont causé des pertes en vies humaines et des dégâts matériels. Plusieurs voix ont déploré la timidité, voire le peu d’intérêt, que le gouvernement et les cadres de ces régions ont accordé aux victimes de ces tragédies. Comment jugez-vous cette situation ?

 

- D'abord, nous adressons nos sincères condoléances et prions Allah d'accueillir les défunts en son saint Paradis... Cela dit, nous ne saurions objectivement nous prononcer sur cette affaire, car nous ne  l'avons suive qu’à distance. Nous étions, en effet, à l'extérieur du pays, lorsque le drame s’est produit. En tout état de cause, nous manifestons une entière solidarité, avec les familles éplorées, et déplorons l'attitude des autorités, s’il s'est effectivement avéré une certaine timidité de leur part, à la suite du sinistre... Cela est sans équivoque, puisqu'il est du devoir de tout l'Etat de protéger, d’abord, son peuple, par des mesures préventives, puis de lui porter soutien et assistance, en toutes circonstances, lorsque celles-là demeurent inefficaces. C'est le moins qu'on puisse dire, car cela relève, clairement, de son pouvoir régalien.

Propos recueillis par THIAM Mamadou