Moi, j’aime rire et le hors sujet. L’un aurait des vertus thérapeutiques. L’autre grossirait le derrière. Ce n’est pas rien. C’est même quelque chose de très important, au pays des Nou’zautres. Et, en cela, cela, j’ai été copieusement gâté. Du stade de Mellah aux confins de Tazadit, dans le Tiris Zemmour. J’ai ri, en voyant des prisonniers de Guantanamo assis aux premières loges, lors de la cérémonie de lancement de la campagne électorale, pour se faire voir et faire comprendre que les prisonniers servent bien à quelque chose. Ce n’est pas rien que de construire un stade en quelques jours et en quelques nuits. J’ai ri à entendre : « je suis le premier mauritanien à vous avoir dit de vous présenter pour un troisième mandat, sinon je vous jugerai, et je continue à vous le dire ». J’ai ri à l’écoute du tube de l’été : « Aziz, ne nous quitte pas, pour que personne d’autre ne vienne nous gouverner ! ». J’ai ri, en voyant les clowns, les troubadours, les vagabonds, les proxénètes, les entremetteurs et autres filous entrer fluidement au stade de Mellah. Alors que les ministres, les présidents des partis dialoguistes et les hauts responsables se faisaient malmener, par les jeunes recrues du Bataillon de la sécurité présidentielle. J’ai ri, lorsqu’un grand responsable de cette république, applaudisseur aguerri et inconditionnel de la Rectification, n’y a pu accéder que grâce à l’intervention d’un petit roublard qui intercéda en sa faveur, auprès de la majesté d’un petit « soldaillon » de la soldatesque présidentielle aussi pleinement souveraine qu’outrageusement insolente. J’ai ri, en entendant le coordinateur des trois Nouakchott incapable d’ouvrir la bouche sans implorer le Président de se présenter à un troisième mandat. La présence de certains présidents de partis amis, notamment d’El Wiam, ne se prêtait pas au jeu. J’ai ri, en écoutant le président d’Arc en Ciel raconter des histoires et dresser le panégyrique de Mohamed Ould Abdel Aziz, traitant ses anciens amis de « petite poignée de gens qui n’ont rien compris ». J’ai ri, en entendant le Président donner quartier libre aux fonctionnaires, pour se consacrer à la campagne, et promettre des révélations inédites. J’ai ri, en voyant défiler les promoteurs des initiatives de soutien à l’action du président Aziz. J’ai ri, en regardant la Mauritanienne ne plus se consacrer qu’aux discours de son Excellence. J’ai ri, en l’écoutant, à Rosso, s’en prendre aux sénateurs. En le voyant, à Aleg, s’improviser constitutionnaliste. Faire son cinéma, à Kaédi. A Sélibabi, Aïoun, Kiffa, Néma et Tidjikdja s’évertuer à justifier ses amendements constitutionnels. J’ai ri, en l’entendant promettre, aux gens de Néma, une usine de décorticage de riz et beaucoup de vaches rouges, s’ils votaient oui aux amendements. J’ai ri de son cours d’histoire sur la résistance au Tagant. J’ai ri de ce Thierry Sabine national, violant le désert, dans son avion poursuivi par des centaines de voitures. J’ai ri de ses promesses, aux gens de Zouérate, de leur faire boire l’eau du fleuve Sénégal. Gens d’Akjoujt et de Nouadhibou, voilà la fin de votre calvaire, avec les amendements constitutionnels. Oui aux amendements constitutionnels, c’est la réduction du prix du gasoil, l’excellence de l’école, la performance 3X du système de santé, l’augmentation assurée des salaires ; en trois mots, le troisième mandat. A mourir de rire. Aziz vaut mieux que l’eau. Aziz vaut mieux que l’école. Aziz vaut mieux que l’électricité, dixit le ministre de l’Economie et des finances. Du hors sujet à s’étrangler de rire. Et grossir le derrière. Drapeau national. Hymne national. Mauritanie. C’est quoi, tout ça ? Des choses coloniales qui ne nous appartiennent pas, dixit le Maire de Zouérate. A mourir de rire, vous dis-je. Quel rapport entre une vache rouge et la suppression du Sénat ? Entre une usine de décorticage de riz et la haute Cour de justice ? Entre Oum Tounsi et l’hymne national ? Entre le maire de Zouérate et le drapeau national ? Ella khroujou ! Oui, on va tous mourir. De rire. Salut.
Sneiba El Kory