Au Brakna, la campagne pour les amendements constitutionnels bat son plein, depuis, au moins, deux semaines. Après les meetings populaires organisés sous la supervision du Premier ministre, les 8 et 10 Juillet 2017, respectivement à Bouratt et à Magta Lahjar, les acteurs politiques locaux de la wilaya ont poursuivi la mobilisation de leurs troupes dans toutes les autres moughatas de la wilaya. Tous les moyens sont bons, tous les arguments, voire arguties bienvenus, pour garantir le passage « sans problème » des amendements : réunions tribale, rencontres départementales, affinités communautaires etc. L’essentiel est de mettre en branle tous les mécanismes susceptibles d’aider à démontrer, à qui mieux mieux, son allégeance, en faisant voter le maximum des citoyens en faveur des orientations du pouvoir. Des occasions inespérées qui permettent, aux populations locales, de profiter, au maximum, de leurs cadres devenus, le temps d’une campagne électorale, plus proches qu’une « main à sa bouche ». C’est, tantôt, quelques sous soutirés par-ci ; tantôt un proche parent embarqué, par-là, pour un petit emploi ; tantôt une promesse, sans lendemain, qui fait entretenir l’espoir de quelques individus complètement aplatis par la dureté des conditions. Officiellement, la campagne débutera le jeudi 20 Juillet 2017. Les responsables locaux de l’Union Pour la République (UPR) – fédéraux, secrétaires généraux de section et de sous-section – se sont employés, depuis quelques jours, à faire revivre leurs sièges dont beaucoup sont pratiquement à l’abandon, depuis la présidentielle de 2014. Les militants attendent, de pied ferme, le retour au terroir des opérateurs locaux. Exemple à Boghé où trois généraux retraités, Ndiaga Dieng, Félix Négri et Dia Adama Oumar, anciens chefs d’état-major, respectivement, de la Gendarmerie, de la Garde nationale et du Président, doivent débarquer, « d’un moment à l’autre », selon les informations d’un militant, pour donner un coup de main dans une ville où l’enthousiasme envers les directives officielles ne semblent pas être la première qualité. Vieille forteresse de l’opposition, même si le départ vers l’UPR de l’ancien maire, Bâ Adama Moussa, est à prendre en considération, la ville compte un groupe tonitruant de militants d’IRA et un noyau dur des partis de l’UFP, RFD et APP auxquels s’ajoutent quelques commerçants très proches de Tawassoul. Certains restent encore « un peu » frustrés par la dernière tentative des autorités locales de (mal) partager l’extension de 2200 hectares du Casier Pilote de Boghé, en défaveur des populations locales traditionnellement détentrices des terres. A Aleg, le ministre de l’Equipement et des transports, Mohamed Abdallahi ould Oudaa, est déjà au travail, avec la récupération d’un important groupe politique de la commune d’Ould Birome, lors d’une imposante invitation, organisée en son honneur, qui a permis de réconcilier et mobiliser différents groupes venus des quatre coins de la commune qui ont tous déclaré, devant le ministre, leur ‘’soutien indéfectible et inconditionnel aux amendements constitutionnels’’. A Magta Lahjar, le ministre de l’Economie et des finances, qui fait preuve à l’occasion d’une prodigalité douteuse, promet de battre tous les records de oui. A Boghé, le ministre de la Défense, Diallo Mamadou Bathia, et la ministre déléguée au ministère des Affaires étrangères, Khadjettou M’Barek Vall, vont travailler de concert, avec de nombreux autres cadres, pour obtenir des scores honorables en faveur des amendements, au scrutin du 5 Août prochain. A M’bagne où l’irracontable Bâ Bocar Soulé vient de superviser l’organisation d’un meeting populaire, le 16 Juillet, la consigne est de « réaliser le meilleur score de toute la wilaya ». Et à Bababé, le discret conseiller à la présidence, Thiam Diombar, est déjà en pleine campagne, avec tous les autres cadres du département, pour que passent, haut la main, les changements constitutionnels issus du dialogue de Septembre/Octobre 2016. Mais, comme me l’expliquait, on ne peut plus clairement, un responsable de l’UPR de la section d’Aleg, « les populations de la wilaya sont très pauvres. Si les cadres ne sortent pas beaucoup d’argent, elles risquent de ne pas trop écouter les discours creux qui n’ont aucune incidence sur leur quotidien. Pour preuve, le très inhabituel manque d’affluence, à ce jour, aux grands meetings organisés. L’hivernage tarde à s’installer. Les gens du Brakna se partagent, principalement, entre agriculteurs et éleveurs. Le retard des pluies les préoccupe tous beaucoup. Il n’est pas sûr que les paroles suffisent à les mobiliser, pour le prochain vote ». Sur deux choses, au moins, tous les cadres du Brakna sont d’accord : en un, la volonté affichée de dépasser toutes les divergences, pour faire passer, massivement, les amendements. En deux, comme l’a déclaré le fédéral UPR du Brakna, « demander un troisième et, même, un quatrième mandat, pour le président Mohamed ould Abdel Aziz, afin qu’il puisse achever le grand chantier de développement qu’il a mis en œuvre, depuis son arrivée au pouvoir », en 2008, rappelons-le, suite à son coup d’Etat contre le premier président démocratiquement élu de notre histoire. Neuf ans plus tard, pratiquement jour pour jour, un nouveau coup d’Etat, contre la Constitution, cette fois, histoire d’achever la démocratie, via, ironie de l’histoire, un referendum populaire ?
El Kory Sneiba