Suite au rejet par le Sénat du projet de révision constitutionnelle que le pouvoir voulait faire adopter par la procédure normale, prévue au Titre 11 de la Constitution (articles 99, 100 et 101) et qui requiert l’approbation d’une majorité des deux tiers de chacune des deux chambres du Parlement avant la soumission au référendum populaire, le régime a opté, encore une fois, pour la fuite en avant, en décidant le recours à l’article 38 de la Constitution.
Face à l’arrogance du régime et à son mépris du droit en annonçant, lors de la conférence de presse du chef de l’Etat consécutive au rejet du projet d’amendements constitutionnels par le Sénat, sa volonté d’organiser un référendum ne reposant sur aucune base juridique valable, le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) avait décidé d’adopter une réponse en deux étapes. Lors de la première étape, la réponse consistait en l’organisation d’un ensemble d’activités visant à renforcer la mobilisation populaire contre le projet de révision constitutionnelle, dans l’espoir que le régime revienne à la raison et abandonne ce projet, non fondé juridiquement, contesté politiquement, inutile et coûteux. Dans la seconde étape, qui ne commence que lorsque le gouvernement aura adopté le décret de convocation du collège électoral pour le scrutin référendaire, le FNDU tranchera alors la question de la participation ou du boycott.
Après expiration de la première phase et face à l’entêtement du régime à organiser son référendum, les différents pôles constitutifs du FNDU, dont le pôle politique auquel nous appartenons, ont eu des discussions approfondies sur les deux options de la participation et du boycott. N’ayant pu parvenir à un consensus au sein du pôle politique sur l’une ou l’autre des deux options, chaque parti avait la latitude de décider du choix que lui dictentsa conviction et son appréciation des enjeux du référendum.
Malgré le bien-fondé des arguments qui plaident pour l’option du boycott, notre parti, Convergence Démocratique Nationale (CDN), n’a pu se convaincre de l’opportunité de cette option et a décidé de participer au référendum constitutionnel et de mener une campagne en vue de faire échec au projet du pouvoir. Ce choix s’explique par plusieurs raisons tenant tant à l’instant politique particulier, à l’intensité de la mobilisation chez nos concitoyens contre les amendements voulus par le régime qu’à l’importance des symboles et institutions que le pouvoir projette de dénaturer ou supprimer à travers la révision constitutionnelle. Ces raisons sont exposées dans les points ci-dessous :
- L’option de participation est conforme à la volonté populaire que nous avons pu confirmer lors de nos multiples visites de terrain, dans les marchés, les établissements d’enseignement supérieur, les lycées et autres lieux publics. Les différents segments de nos compatriotes (jeuns, femmes, etudients, commercant…etc) que nous avions rencontrés affichent leur détermination à faire échouer la révision constitutionnelle. Ils demandent également, et de façon très claire, que les formations politiques deviennent un véritable instrument d’expression de cette orientation populaire, justifiée par l’approfondissement de la crise politique, l’amplification de la crise économique et sociale- qui se manifeste par une hausse vertigineuses des prix, un chômage endémique, destructeur des espoirs de notre jeunesse, et une paupérisation croissante de notre population – et, pire, par le désespoir de voir les choses s’améliorer sous le régime actuel.
Dans ce contexte, et considérant que le rôle premier de tout parti politique doit être d’exprimer, avec honnêteté et sincérité, les aspirations des citoyens et leurs positions par rapport aux questions fondamentales qui intéressent l’avenir du pays, nous nous sommes rangés du côté de la volonté populaire déterminée à faire échouer la révision constitutionnelle. Un vote massif en faveur du « Non » lors du référendum constituerait une défaite cuisante pour le pouvoir et, donc, une opportunité qu’il ne faut pas rater, même si le détenteur de ce pouvoir a déclaré qu’il ne démissionnerait pas en cas de rejet populaire des amendements constitutionnels.
De plus, nous ne trouvons pas de justifications valables pour laisser le pouvoir seul maître du scrutin, au risque de le voir organiser une fraude massive, de nature à dénaturer la volonté populaire, et s’adjuger des résultats « soviétiques », tant du point de vue du taux de participation que de celui du vote par le « Oui ».
- La participation est une expression explicite d’une position qui permet au citoyen, à travers son vote, de contribuer à faire échec à la révision constitutionnelle que le régime veut imposer à notre peuple alors qu’elle n’est ni opportune, ni consensuelle, pas plus que juridiquement fondée.
- De notre point de vue, la participation au référendum constitutionnel ne met pas unterme à la crise politique qui demeure telle quelle ; au contraire, elle constitue une occasion de montrer l’ampleur de cette criseet d’exhorter le peuple mauritanien à faire échouer les desseins du pouvoir qui veut tripatouiller la Constitution et en faire supporter la responsabilité au peuple mauritanien.Il est donc de notre devoir de ne pas le laisser faire.
- De même, cette participation traduit notre refus de deux postulats que tout régime autoritaire, comme celui en place, inculque dans les esprits des citoyens et que certaines élites confortent, pour justifier leur servilité, leur résignation à la tyrannie et leur incapacité à assumer leurs responsabilités nationales ainsi que pour couvrir la corruption de certaines d’entre elles. Le premier postulat est que la volonté du régime despotique se réalise inéluctablement, comme si elle était une destinée contre laquelle rien n’est possible. Le second postulat consiste à sous-estimer le peuple mauritanien en le considérant comme dénué d’ambition et de volonté de sortir de la misère que lui impose le régime et, par conséquent, ne mérite pas qu’on lui consente des sacrifices.
Pour notre part, la conviction inébranlable, que nous n’avons cessé d’affirmer à l’occasion des différentes activités de CDN, est que le peuple mauritanien, comme tous les autres peuples, aspire à une vie digne dans un Etat démocratique qui garantit la prospérité économique et la cohésion sociale et assure la justice et l’égalité pour tous ses citoyens. Forts de notre confiance en le peuple mauritanien, nous n’avons pas de doute que nos concitoyens ne prêteront pas l’oreille à la propagande du régime et feront échec à sa tentative de dénaturation de la Constitution en votant massivement « Non ».
- L’importance capitale de la participation pour la victoire du « Non » dans le référendum afin de préserver les symboles de notre jeune Etat et ses institutions. En effet, l’intérêt de sauvegarder le drapeau national n’échappe à personne, eu égard au fait qu’il symbolise les croyances et valeurs spirituelles et morales qui cimentent notre unité nationale et qu’il représente la première entité étatique regroupant toutes les composantes de notre peuple, alors même que nous n’avions pu, pendant plusieurs siècles, accéder à ce niveau d’organisation sociale.
- Notre rejet des amendements constitutionnels nous semble d’autant plus justifié que la volonté du pouvoir est de niveler par le bas les institutions en supprimant la chambre haute du parlement, le Haut conseil islamique et la Haute cour de justice. En somme, l’objectif visé, même s’il est non avoué, est de supprimer des institutions indépendantes qui peuvent limiter l’hégémonie du pouvoir exécutif et consacrer ainsi la prédominance de celui-ci sur les pouvoirs législatif et judiciaire, consolidant par la même le caractère individuel et autoritaire du régime.
- Notre décision de retenir l’option de la participation ne constitue nullement une reconnaissance de la légalité du référendum constitutionnel ni desa légitimité, pas plus qu’un abandon de notre ancrage dans l’opposition, ancrage qui avait fondé notre entrée sur la scène politique et qui demeure, plus que jamais, notre ligne de conduite. Cette décision nereprésentepas, non plus, une renonciation aux exigences définies par l’Opposition comme conditions à sa participation aux prochaines élections législatives, municipales et présidentielles ; exigences auxquelles nous demeurons attachés.
Cette décision constitue une réponse à l’instant politique particulier et traduit notre souci de ne pas tourner le dos au devoir national qui dicte, en cette étape déterminante de la vie du pays, de ne pas laisser la voie libre au chef du régime pour dénaturer,au gré de ses caprices, la Constitution et les symboles et institutions de l’Etat qu’elle institue.
Toutefois, notre participation au référendum constitutionnel demeure subordonnée à la réunion de l’ensemble des conditions qui garantissent la liberté et la transparence du scrutin, dont notamment :
- l’égal accès de tous les acteurs aux média publics ;
- la possibilité d’avoir des représentants dans tous les bureaux de vote et d’être présents à toutes les étapes du processus, de la compilation des votes jusqu’à l’annonce des résultats, ainsi que la garantie d’avoir copies des procès-verbaux ;
- la garantie de la stricte neutralité de l’administration publique et des forces armées et de sécurité avant et pendant le scrutin référendaire.
- Pour ces raisons, et considérant la gravité de la situation et la particularité de l’instant, le Parti Convergence Démocratique Nationale appelle toutes les forces vives du pays déterminées à faire échec à la volonté du pouvoir, en portant l’étendard du « Non », à mettre en place une coordination nationale, derrière laquelle s’effaceront les appartenances partisanes, en vue de garantir la synergie et l’efficacité des efforts des uns et des autres.
Dans ce cadre, nous déclarons notre disponibilité à faire des bureaux de CDN, à Nouakchott et à l’intérieur du pays, des sièges de la campagne commune à laquelle nous appelons et lançons un appel particulier à la jeunesse du pays pour prendre une part active, à nos côtés, dans cette campagne.