Cette question à laquelle on croyait avoir trouvé une réponse définitive, au lendemain du dernier dialogue politique (29 Septembre-20 Octobre 2016), revient sur la table. Les sorties récentes du Premier ministre Ould Hademine, en campagne à l’est du pays, et du président de l’Union Pour la République (UPR), Sidi Mohamed ould Maham sont, en effet, venues jeter un gros trouble dans l’esprit des Mauritaniens. Les deux responsables ont affirmé que « le système » actuellement à la tête du pays ne le quittera pas en 2019. Revoilà la question du troisième mandat remise sur le tapis.
Le « système » dont parlent ces responsables inclut-il ou non l’actuel président de la République, qui doit, lui, quitter le pouvoir en 2019, conformément à la Constitution qui limite à deux le mandat présidentiel. Certains observateurs croient que nos deux responsables gouvernementaux évoquent, plus généralement, ce qu’Ould Abdel Aziz a installé depuis la chute d’Ould Taya. Leurs sorties, relèvent ces mêmes observateurs, interviennent après constat de ce que le grenier électoral du pouvoir est en train de lâcher sinon le système, du moins l’homme qui l’incarne aujourd’hui. Diverses sources signalent, en effet, que nombre de tribus, sentant le vent tourner, auraient décidé de rechercher, avant qu’il ne soit trop tard, des points de chute. Ils n’entendent pas lier leur sort à un partant ou à un sortant, pour reprendre les termes de Mamane de RFI. Les sorties de nos responsables traduiraient, en quelque sorte, le désarroi des troupes du pouvoir qui seraient incapables, sans Ould Abdel Aziz, de perpétuer son système. Ould Hademine et Ould Maham chercheraient donc à rassurer ceux des Mauritaniens qui ont commencé à se détourner d’eux.
De fait, le pouvoir avait échoué dans sa tentative à faire passer l’option du troisième mandat, lors du dernier dialogue. Chercherait-il à réoccuper le terrain par cette manœuvre ? Le cas échéant, les Mauritaniens avaleront-ils la pilule ? L’opposition et les sénateurs hostiles aux amendements de la Constitution accepteraient-il ce tour de manivelle ? L’avenir proche nous le dira. Cela dit, le président Mohmed ould Abdel Aziz a bel et bien répété, à plusieurs reprises, qu’il respecterait la Constitution et quitterait le pouvoir à la fin de son mandat. Il exclut cependant tout exil, décidé à rester pour faire de la politique. Suffisant pour rassurer ceux qui s’inquiètent déjà, comme le pensent Hademine et Maham ? La question mérite d’être posée. Ce qui est sûr c’est que les manœuvres de 2019 ont déjà commencé. Avant même la campagne du referendum.
Elles avaient d’ailleurs commencé à l’instant même où l’actuel président exclut de déverrouiller la limitation des mandats ; elles se sont poursuivies avec la volonté du FNDU d’élaborer un programme commun, ce qui pourrait aboutir, pourquoi pas, à une candidature unique en 2019. L’opposition prépare donc un plan de gouvernement, pour se donner les chances de décrocher une alternance pacifique par les urnes, même si certains responsables du Forum restent très sceptiques sur l’issue du processus. A défaut de réussir à mettre sur orbite un candidat consensuel interne, cette décision peut effectivement lancer une dynamique, au sein de l’opposition, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Grosses manœuvres en perspective.
Les déclarations des responsables du pouvoir les contrecarreront-elles ? Elles risquent surtout produire l’effet contraire, dans la mesure où elles accréditent les thèses de l’opposition et de tous ceux qui croient, dur comme fer, que l’actuel Président n’entend pas quitter le pouvoir en 2019 : elles pourraient donc resserrer les rangs de l’opposition et de tous les mécontents de la Rectification d’Août 2008. C’est dire que les responsables du pouvoir devraient, plutôt, porter la balle ailleurs. Leur attitude actuelle donne l’impression que l’actuel locataire du palais gris n’est soutenu que par une bande d’incapables à assurer sa relève. A cet égard, le président de la République s’est toujours plaint du manque d’enthousiasme, dans le soutien de l’UPR à son programme. Le choix d’hommes hors du parti, pour diriger l’essentiel des postes-clefs de son directoire de campagne, en 2014, témoignait déjà des rapports peu cordiaux entre Ould Abdel Aziz et son parti.
DL
Encadré
Ould Hademine aurait-il gagné son duel avec Ould Med Laghdaf ?
Le président de la République a procédé lundi à un réajustement au niveau de son cabinet. Un réajustement marqué par le départ de Moulaye Ould Mohamed Lagdhdaf, du poste stratégique de ministre secrétaire général de la Présidence, remplacé par Seyidna Ali Ould Mohamed Khouna. Ce départ de l’homme qui été cité parmi les dauphins probable de l’actuel président consacrerait-il la victoire du premier ministre sur son rival ? La question est sur toutes les lèvres. En effet, nul n’ignore la guerre que livrent les deux hommes de Chargh, bastion électoral de tous les pouvoirs en place. Après sa nomination au poste de premier ministre, Ould Hademine s’est vite débarrassé de tous les proches de son prédécesseur à la tête du gouvernement. Ainsi ont été remerciés, Sidi Ould Zein, Bâ Ousmane, Hindou Mint Ainina, Ould Jelvoun etc. C’est dire qu’Ould Hademine n’a jamais fait mystère de ses hostilités à Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Les deux hommes ont même déporté la guerre dans leur bastion respectif, le Hodh El Charghi, tout cela sous le regard impassible d’Ould Abdel Aziz.
Aujourd’hui, on croirait que le premier ministre dont les déclarations à l’emporte-pièce ont suscité un tollé dans l’opinion, semble avoir eu la peau d’Ould Laghdaf. En tout cas ce dernier jouit, en tout cas dans l’opinion mauritanienne des préjugés favorables. L’opposition, toute confondue reconnaît qu’il n’a jamais fait des vagues, et parait plus « conciliateur ». C’est une colombe contre l’actuel PM, qualifié de véritable faucon qui n'en compte d'ailleurs pas mal dans son gouvernement. L’aile dure du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz vient de remporter une bataille. Pour autant, va-t-elle emporter la guerre de succession, déjà ouverte à quelque deux ans de la prochaine présidentielle ? Cette retouche au niveau du gouvernement entre-t-elle dans les manœuvres de succession d’Ould Abdel Aziz? Ould Med Lagdhaf tire-t-il sa révérence ou ira-t-il, comme le prévoient certaines rumeurs, à la tête du moribond UPR pour la transformer en véritable machine électorale? En tout cas, des supputations vont bon train.