En conseil des ministres du 04 Mai 2017, il a été décidé, selon la presse, de retirer, dès la rentrée scolaire prochaine, l’enseignement des deux premières années du fondamental au secteur privé, au prétexte qu’il ne se conformait pas à ‘’ l’obligation de dispenser l’enseignement en langue arabe qui n’est pas respecté’’ ; les cours dans ces premières années, rappelons le, sont dispensés exclusivement en arabe , depuis la réforme scélérate de 2000.
A mots couverts, il est reproché au Privé d’enseigner aussi le Français dans ces cours d’initiation…De l’enseignement du pulaar, soninke et wolof, pas un mot !
Hélas, à l’écoute des lobbies et des milieux chauvins, forcément le Président perd de vue la forêt pour ne voir que l’arbre, percevant mal les problèmes centraux, structurels du système éducatif….
La problématique de l’Enseignement fondamental ne se situe pas dans les cours en Arabe ou en Français des 2 premières années ; elle renvoie à quelque chose de plus profond, tel le problème d’orientation de l’Enseignement, tel le niveau des Enseignants, la gestion chaotique du personnel, la texture des programmes, le rapport confus du Public/Privé , mais en particulier et par-dessus tout l’idéologie sous-jacente et le problème d’ordre ; un désordre général, ambiant, qui affecte tout, y compris le secteur de l’Education . Rappelons le cas de ces centaines de Professeurs et Instituteurs détachés qui avaient été rappelés pour rester , pour la plupart, inemployés à ces jours , en dépit d’un ratio maître /élèves déficitaire ; tous ces Enseignants qui sèchent les cours et continuent de percevoir leurs salaires ; Ailleurs , tous ces agents fictifs de la fonction publique, tous ces gens qui émargeaient, sans rien faire, au budget de l’Etat … C’est ce même désordre que l’on a laissé s’installer trop longtemps dans les transports urbains pour pouvoir y mettre fin tout d’un coup ...
Voilà les nœuds du problème auxquels on devrait s’attaquer, et non pas s’attarder sur des points de détails ! Du reste, avec des Enseignants sans niveau ou qui désertaient quotidiennement les classes , comme cela se passe dans les écoles publiques, quel serait l’intérêt de la mesure appliquée ? Quelle serait son incidence sur un système éducatif qui continue de s’écrouler ? Aucune !
Retirer, en perspective, le cycle fondamental au Privé, anarchique il est vrai mais fort utile , n’est pas la solution ; il faut plutôt le réguler, le réorganiser, l’assujettir à un contrôle rigoureux , réguler le mouvement des Enseignants du Public qui s’y ruent , négligeant le travail dans les écoles publiques.On ne transfère pas des compétences de quelque chose qui marche cahin-caha vers quelque chose qui ne marche pas du tout ! Quoique l’on en dise le Privé est tout de même , par ces temps là , mieux que le Public .
La solution ? réhabiliter l’Enseignement à la base, résoudre les dysfonctionnements existants , atténuer les disparités graves constatées entre enfants issus de milieu social different , plutôt que s’orienter vers des choses peu essentielles …Au lieu de chercher à redresser le secteur public par la restauration du travail, de l’éthique, de l’ordre et de la discipline, on se focalise sur des horaires de l’Arabe en 1ere et 2e année !!! Cette manière de voir contraste avec les propos récents du ministre de l’Enseignement superieur qui nous incitait à revoir notre nombrilisme pour nous orienter vers les langues internationales . Cacophonie avec son Boss ? allez savoir !
De façon générale , non seulement cette mesure est sans grand intérêt et fait fausse route , mais elle demeure, par essence, injuste, inique, provocatrice et dangereuse …
On le sait , tous les psycho-pédagogues s’accordent à dire qu’un enfant qui commence sa scolarité par une langue étrangère , au sens pédagogique du terme , accuse 6 années de retard… Pourquoi s’obstinait- on à maintenir cet obstacle pour les enfants non arabes ? Mohamed O abdallaye disait que « la langue maternelle constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif ». Pourquoi donc le Président Abdel Aziz s’acharnait - il à vouloir, obstinément , pénaliser ces enfants , en les privant de ces possibilités, en leur refusant les mêmes opportunités ?
Cette mesure est d’autant plus surprenante qu’elle intervient peu après que le président aie reçu le plaidoyer des trois Associations culturelles _Pulaar , Soninke , Wolof- demandant la réintroduction de ces langues dans le système éducatif et leur officialisation ; pour que chaque enfant démarre sa scolarité dans sa langue maternelle . Pourquoi ce Président persistait - il dans la voie d’une Ecole qui discrimine et divise les enfants d’un même pays , à travers ses neuf Etablissements spéciaux ou ce type de mesures ?
Au-delà du problème d’équité et de justice qu’elle pose, cette mesure perd de vue une foule d’avantages - pédagogique, cognitif , didactique , psychologique et politique – à enseigner ces langues maternelles à l’Ecole ; Cela permettrait , en effet, d’apaiser les tensions en réduisant les frustrations accumulées toutes ces années, cela permettrait une communication maître-élève plus aisée, un apprentissage qui se ferait mieux et plus vite, un retard scolaire atténué, (harmonie entre Apprenant et médium-), une unité nationale renforcée, grâce à l’empathie induite de la communication élèves-élèves dans leurs langues maternelles respectives . Nos enfants maintenant ne communiquaient plus , ou s’ils le faisaient c’est en Français ou en Turc. Chacun parlant la langue de l’autre , c’est le fondement même du respect réciproque... S’y ajoute , enfin , l’efficacité accrue du système par la réduction des déchets scolaires - déperditions et échec massif- non sans impact positif sur le développement …C’est connu .
Bref, l’enseignement et l’officialisation des langues nationales constitue un gage d’équité , un facteur de stabilité et de développement … Et c’est du reste, ne l’oublions pas , un des points de consensus retenu du dialogue national de septembre 2016 , déliberement et arbitrairement supprimé des amendements constitutionnels à soumettre au peuple .
IL y a du cynisme dans cette mesure comme dans cette déclaration d’intention de la dernière réforme scolaire (2000) qui stipulait qu’il fallait rendre notre Enseignement ‘’ national’’, ‘’authentique’’ , tendre vers l’indépendance culturelle , au travers de la ‘’repersonnalisation de l’homme mauritanien’’. Repersonnalisation bonne pour les uns , superflue pour ceux-là qui ne comptaient pas ou ne le méritaient pas , et qu’on pouvait aliéner à loisir et sans remords …
Si, comme d’aucuns l’affirment ‘’ chaque individu reste porteur d’une dignité inaliénable’’, que ‘’chacun reste fier de ses racines et de sa culture ‘’, pourquoi poursuivait- on cette logique discriminatoire dans notre Ecole ?
Abdel Aziz est tout sauf le Président de tous les mauritaniens …
Malgré le peu de considération , pour ne pas dire le mépris - qu’il témoigne à certaines composantes nationales , il se trouve, malgré tout , des ‘’gens ’’ – toujours les mêmes - pour tenir encore des discours laudatifs ici et là , ou se mettre en pré-campagne pour un référendum de tous les dangers, et qui ne prenait en charge aucune de nos préocupations centrales . Ces gens qui roulaient pour Aziz usaient de leur statut de fils du terroir, pour abuser les populations, en leur demandant de maintenir un Système qui les écrasaient !!!
Dieu fait l’homme en se retirant disait quelqu’un…
Unité nationale certes , mais Unité dans la diversité , Unité dans l’égalité !
15 Mai 2017
Samba Thiam