Nouvelles d’ailleurs : De la transpiration, de la Somelec et du communisme

6 April, 2017 - 03:28

Dites-nous, madame La Somelec, dites-nous ce que nous, les Nous Z’Autres, vous avons fait : nous sommes gentils, nous payons nos factures à temps, nous vous faisons vivre… et vous ne trouvez rien de mieux que de nous faire subir ces foutus délestages, quand il fait 47 degrés à l’ombre ! Ok, je reconnais que couper le courant, quand il fait frais, ça n’a aucun intérêt, ce n’est pas jouissif et que le summum de la rigolade, c’est de nous plonger dans l’obscurité en période caniculaire. Ouais, on a les amusements qu’on peut….

Je vous rappelle qu’il fait chaud, tellement chaud que notre pays est en train de s’effacer doucement, se perdant en huile. Tellement chaud que même votre servante et cliente s’estompe, cuite et recuite, qu’elle en est au stade, comme des millions de personnes, du tichtar. Et qu’après ce stade, c’est la fin des haricots. Je ne me plais pas, en tichtar. Moi, je m’aime bien en personne normale, non suante et heureuse bénéficiaire de la fée Electricité.

Vous ne savez pas qui je suis ? Ah… Que je vous explique : je suis une de vos clientes. J’ai payé (fort cher) le droit à être électrocutée quand je le désire et comme je le veux. J’ai payé le droit (toujours fort cher) à être électrifiée selon mon humeur. J’ai payé le droit (encore et toujours fort cher, genre racket en bande organisée) à obtenir l’accès à vos services. Je suis la dame d’un âge certain qui recuit dans sa transpiration, vous la voyez ? Si, si, là, faites un effort… Oui, le truc tout rouge et en sueur qui râle c’est moi. J’ai bien pris acte de votre communiqué d’excuses qui nous racontait que « patati, patata… z’avez pas le courant »…  Pas mal tournée, votre adresse à la Nation des dégoulinants ! J’arriverais presque à vous plaindre. Presque….

Et tout est dans ce « presque ». Je m’en fiche de votre communiqué révolutionnaire. Moi, je veux le courant. Comme le veulent tous les Nous Z’Autres. Je veux que mon ventilo fonctionne la nuit, quand j’essaie de dormir, afin d’attaquer le lendemain ma journée de boulot caniculaire. Je veux pouvoir boire un verre d’eau fraîche. Je veux de l’eau tout court, dans ma salle de bain, et non pas que mon surpresseur soit aux abonnés absents. Je veux que les bougies, sur l’étagère, servent à des dîners romantiques, plutôt qu’à m’éviter de me ratatiner lamentablement, quand j’essaie d’aller aux toilettes dans le noir. Je veux que ce qui est dans mon frigo aille dans mon estomac et non pas que la nourriture devienne vivante….

Je veux, quand je recevrai votre facture « estimée », être heureuse et animée d’un esprit citoyen, enclin à la bonté : cette dernière me permettra de supporter le truc infâme qui s’appelle «  le rang pour payer sa facture », dans ce truc bizarre qu’est une agence de la Somelec. Je veux respirer, je veux être ventilée, je veux, je veux, je veux ! C’est sûr, vu sous un angle politique et social, votre machin-là, le délestage à tout va, dès qu’il fait chaud, a beaucoup du communisme à l’ancienne : tout le monde à la même enseigne.

Vous nous rappelez une vérité que nous avons tendance à oublier : sur l’échelle alimentaire, il y a, d’abord, les « ceux à climatiseurs », les riches. Au milieu, courant, comme des dératés, dans la savane obscure et désélectrifiée, les pauvres, les « ceux à ventilateurs ». Et tout en bas, les pauvres parmi les pauvres, les «  ceux à rien »… Une petite coupure électrique, et hop, tout le monde transpire. C’est ce qu’on appelle la sueur égalitaire. Ouais… Il y a aussi les riches à clim et à groupe électrogène…. Eux-là, on les oublie, ils m’énervent. Ils ont le teint frais de ceux qui sont aérés, climatisés, aseptisés et bien nourris. Ils sont sur une autre échelle alimentaire. Oublions-les.

Moi, je suis une des « ceux à ventilo ». Je n’en ai qu’un. C’est mon meilleur pote, en ce moment. Je lui dis des mots d’amour. Il me fait la cour, en tournant de toutes ses pales… Il fait la roue pour moi et j’aime ça. Sauf qu’il ne la fait pas beaucoup, la roue, en ce moment, surtout la nuit. La nuit, vous le passez au peloton d’exécution électrique. Un délestage et voilà mon amoureux de ventilateur qui perd de sa superbe et moi, par la même occasion, de ma fraîcheur. Comment je fais, moi, pour rester fraîche, belle, sexy, intelligente, réactive, admirable, extraordinaire, productive, etc., etc., au travail, quand je n’ai pas dormi la nuit à cause de vos satanées  coupures ?

Faut-il que j’en appelle aux « 33 du Sénat », pour vous pondre un petit veto de derrière les fagots ? Et que fait notre Sultan? Oui, je sais, lui est électrifié et électrocuté. Il est très loin de nos 47 degrés. Il ne sue pas. Il ne transpire pas (a-t-on déjà vu un chef transpirer?), il a la peau fraîche, les moustaches glaciaires et le regard pétillant de celui qui regarde le reste du monde cuire dans son jus. C’est le chef quoi…. Ce que je ne suis pas. Ce que les Nous Z’Autres ne sont pas. Nous, nous sommes la masse des « En sueur, veuillez attendre votre tour ! Au suivant ! »

Il paraît que nous sommes mieux lotis que nos voisins sénégalais… Ouais et re-ouais. Mais, de vous à moi, je m’en fous comme de mon premier missouak. Moi, ce que je sais, c’est que notre pays vend de l’électricité au Sénégal ! Pendant que nous subissons cette torture infernale que sont les délestages… Pas juste, profondément injuste. Je sais, je sais, pas le même réseau, etc., etc. Mais je n’en suis plus au stade de la compréhension rafraîchie et éclairée. J’en suis au stade femme des cavernes en colère.

Je tiens à vous signaler que les grosses chaleurs arrivent, qu’on va subir un truc abominable qui s’appelle, poétiquement, «  l’hivernage », que nous savons tous, nous, malheureuses victimes, que la saison du délestage est en train de s’ouvrir et que nous allons souffrir le martyr, pendant des mois, martyr bercé au rythme des vaillants et valeureux (et inutiles, vu que vous nous prenez pour des ânes) communiqués estampillés « Somelec, pardon ,pardon, pardon… »

Alors, je vous annonce, solennellement, que je trucide tout employé de la Somelec qui pointerait le nez sur mon compteur, histoire d’en faire le relevé. De deux, que je démissionne de moi-même. Je le fais tant qu’il me reste encore un peu de dignité et que je n’ai pas entièrement fondu et ne me suis pas transformée en tache d’huile sur le goudron. Oui, m’dame, je démissionne de moi-même ! Je ne me supporte plus ainsi. J’euthanasie mon ventilo et je démissionne ! Veuillez agréer, m’dame, l’expression de mes sentiments les plus transpirants… Bon, blague à part, soyez cool : siouplait, siouplait, pas de coupures, cette nuit ! Siouplait, que Dieu vous garde, bonne année et joyeux Noël ! Merci.

Salut

Mariem mint Derwich