Le Calame : Comment se porte votre organisation, en ce début d’année 2017 ?
Balla Touré : Je voudrais d’abord vous remercier pour l’occasion que vous me donnez de m’exprimer dans les colonnes de votre journal et saluer, au passage, vos aimables lecteurs. Mes pensées militantes vont ensuite à mes amis Abdallahi Maatala SALECK et Moussa Bilal Biram dont la détention se poursuit injustement au bagne de Bir Moghreïn.
Pour revenir à votre question, je dirai qu’IRA-Mauritanie (Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste en Mauritanie) se porte bien, malgré l’acharnement des autorités mauritaniennes contre sa direction et ses militants. Dans une démarche pacifique mais résolue, nous continuons notre lutte contre toutes les atteintes à la dignité humaine. Notre engagement à éradiquer, en Mauritanie, les pratiques esclavagistes, à lutter contre le racisme d’Etat et l’exclusion, reste ferme et sans compromis.
Nous nous réjouissons de la mobilisation continue de nos structures à Nouakchott, à l’intérieur du pays et à l’étranger. La précision de notre discours, notre attachement à l’option pacifique de lutte et notre refus des compromis et autres lignes rouges préjudiciables aux droits humains nous ont valu l’adhésion des masses mauritaniennes à notre combat. En tant que secrétaire aux relations extérieures, je voudrais, ici, exprimer, personnellement, toute ma fierté pour le rayonnement et la reconnaissance internationale d’IRA-Mauritanie. Notre forte diplomatie a mis complètement en échec la campagne internationale honteuse, orchestrée, contre notre organisation, par les autorités mauritaniennes, avec des moyens colossaux, puisés des derniers publics. La présence du président Biram Dah Abeid à la 9èmesession du Geneva SUMMIT pour les Droits humains et la Démocratie, le 21 février passé, en qualité d’invité spécial et sa prise de parole, très suivie, sont des signes éloquents de la reconnaissance de notre organisation, par les instances internationales.
- Mais les observateurs ont remarqué l’absence de plusieurs responsables de votre bureau exécutif nouvellement mis en place, certains parlent même de crise…
- Ce que nous avons récemment mis en place est un bureau provisoire, nous travaillons à organiser un congrès dans quelques mois. En attendant, nos structures fonctionnent correctement, nous n’avons aucun problème.
- Quels sont, en ce moment, vos rapports avec les autorités mauritaniennes ?
- Avec le scénario monté, par les renseignements généraux, dans l’affaire de la « Gazrat Bouamatou », les autorités avaient cru avoir trouvé « la solution finale », pour en finir avec IRA-Mauritanie. Elles se sont trompées, comme elles se trompent toujours sur notre compte. La torture, les traitements dégradants, les privations et les détentions arbitraires ne feront que raffermir notre détermination à combattre toutes les violations des droits humains en Mauritanie.
Nos rapports avec les autorités sont ce qu’ils ont toujours été : mauvais ; avec beaucoup plus de violence, gratuite, à l’encontre de nos militants. La semaine passée, ceux-ci ont organisé, pour dénoncer la poursuite de l’injuste détention de nos camarades Abdallahi Maatala SALECK et Moussa BILAL BIRAM, un sit-in pacifique devant les locaux du ministère de la Justice. Bien après le sit-in, le camarade Amadou IDRISSA DIENG a été enlevé, en plein centre-ville, par des éléments de la compagnie de police située à TevraghZeina, à bord d’un bus. Il a été sauvagement torturé et laissé pour mort dans l’enceinte de l’ancien aéroport. Ce sont des passants qui l’ont retrouvé, l’un d’eux l’a pris en photo qu’il a publiée sur les réseaux sociaux. Alertés par la large diffusion des images, les responsables de la police auraient donné l’ordre, au commissaire du Ksar 1, de se charger de lui. Ne pouvant pas se déplacer, il est resté sur place, jusqu’à ce que des agents du commissariat viennent le récupérer. Il a passé la nuit en cellule au commissariat, sans qu’aucun soin ne lui soit apporté. Au moment où les autorités présentent leur « Mécanisme national contre la torture et les mauvais traitements », les policiers peuvent encore, sur instruction de leur hiérarchie, sauvagement torturer des citoyens et, dans cette sale besogne, l’impunité leur est totalement garantie.
Les autorités interdisent, aux militants d’IRA-Mauritanie, tout rassemblement pacifique, alors que, dans la passion suscitée par l’affaire Ould Kheïtir, les masses endiablées sont autorisées à organiser des manifestations monstrueuses, pendant leurs chefs font, ouvertement sur les chaînes de télévision, des appels au meurtre. Mais, que cela plaise ou non aux autorités mauritaniennes, IRA-Mauritanie est une réalité criante et cette formidable dynamique contre l’obscurantisme est partie de loin ; personne et rien ne l’arrêtera, seule la réalisation de nos objectifs compte pour nous : l’avènement d’une Mauritanie libre, juste et véritablement démocratique. Notre conviction ne souffre d’aucun doute. Mais, pour bien conclure, je veux, une nouvelle fois, encore et toujours, rendre hommage aux camarades AbdallahiMaatala SALECK et Moussa BILAL BIRAM, en appelant tous nos militants et sympathisants à rester mobilisés. Je vous remercie.
Propos recueillis par Thiam Mamadou