Thèses et interrogations Pour une histoire réconciliée de la Mauritanie

19 January, 2017 - 02:07

III – La démocratie mauritanienne

 

 

« Faisons ensemble la patrie mauritanienne »[i], thème et invite du premier discours de Moktar Ould Daddah, celui de son investiture devant l’Assemblée territoriale d’une Mauritanie, sans doute « projet d’Etat », selon son expression, mais pas encore le 20 Mai 1957 : ces mots, qui seront placés en exergue du premier organe de presse nationale, ne sont pas seulement un programme, ils annoncent une manière. C’est déjà l’énoncé de la démocratie mauritanienne.

 

L’apprentissage d’usages et de procédures étrangers : ceux de la France « colonisatrice », inspire sans doute un cadre légal et réglementaire, une organisation de contrôle judiciaire, et formellement des élections aux assemblées délibérantes, ainsi que celle du chef de gouvernement quel qu’en soit le nom. Mais cela convient-il à un pays nouvellement né à la vie internationale, contesté pour ses frontières et dont beaucoup doutent qu’il puisse faire coexister des populations et des modes de vie très différents. D’instinct, une pratique va s’instaurer : le débat en groupe parlementaire, informel, au sein de l’Assemblée. Celle-ci est très peu nombreuse dans le régime français, elle présage alors ce que seront le Bureau politique national du Parti du Peuple mauritanien, et ses élargissements successifs jusqu’à compter quarante membres au moment du premier putsch, celui du 10 Juillet 1978. Moktar Ould Daddah fera choisir une dualité institutionnelle apparente : le système constitutionnel, largement répandu dans le monde d’alors, mais pratiqué seulement en Europe de l’Ouest et en Amérique anglo-saxonne, restera une référence et c’est dans ce système que s’inscriront les exceptions et privilèges instituant et maintenant le parti unique de l’Etat. Le tournant sera la longue délibération d’une réunion de la quasi-exhaustivité des cadres du pays, tenue à Kaédi du 23 au 31 Janvier 1964 [ii] : elle instituera la primauté sur l’Etat du Parti et de ses fonctionnements. 

 

Moktar Ould Daddah s’en expliquera [iii], sans en faire une théorie, à ce moment de réflexion de toute la Mauritanie sur elle-même qu’a constitué la nationalisation de Miferma. Et, en pleine guerre du Sahara, il conclura l’ensemble de la période fondatrice, sans encore savoir qu’il s’adresse pour la dernière fois à un Congrès de ce Parti unique de l’Etat, qu’il considérait comme l’instrument indispensable [iv] de cette fondation, par la sociologie et la morale des cadres d’un pays naissant [v].

 

Les régimes sincèrement démocratiques ont une âme unique. C’est ce dont rend compte un des plus proches collaborateurs du Père fondateur, dans la dernière période de celui-ci, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, jeune opposant des années 1960, ancien ministre de l’Economie des années 1970, quand, le 26 Juin 2009, il se démet de ses fonctions de président de la République [vi]. Son souci et son sens de la démocratie s’étaient particulièrement illustrés pour commencer de régler la si douloureuse question des réfugiés et déportés lors du drame du printemps de 1989 [vii] . Pour le seul président qu’ait élu le pays, en toute transparence préparée, assurée et contrôlée par des dizaines d’observateurs et experts internationaux, au deuxième tour d’un scrutin pluraliste très disputé, il s’agit bien de « l’enracinement de la culture de la liberté et de la démocratie et son développement économique et social », conditionnés significativement par « les mesures prises pour l’éradication définitive de l’esclavage ». Cet esprit, le candidat à l’élection présidentielle de Mars 2007 l’avait naturellement, puisque dans sa jeunesse il en avait polémiqué avec Moktar Ould Daddah, en tant que président des étudiants mauritaniens à l’étranger, notamment en France, et ses consultations, pendant toute l’année de 2006 – selon la transition ménagée par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie, présidée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall [viii] – lui avaient fait préciser un état du pays [ix], assez proche de ce qu’avaient eux-mêmes vécu le Père fondateur et ses co-équipiers de la première heure. Un rapport [x] inaugurant des journées de concertation organisées du 25 au 29 Octobre 2005, soit trois mois après la chute du colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, avait d’ailleurs énuméré les mesures assurant, de la part des militaires, la sincérité du processus de « transition démocratique » que ceux-ci mettaient en place. Les Mauritaniens savent et vivent ce qu’il en est, depuis, advenu. 

 

Mais même si elle invente une suite de son histoire, différente de la succession de militaires à sa tête, la Mauritanie continue de souffrir d’une confusion décisive commise par le Conseil militaire pour la justice et la démocratie dans l’appréciation du passé politique national, et d’une erreur sur la médication la plus adaptée au pays pour le maintenir en démocratie.

 

La confusion est celle faite publiquement par le colonel Ely Ould Mohamed Vall [xi], à plusieurs reprises et entretenue depuis par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, faisant remonter en 2008 la gabegie mauritanienne à cinquante ans, soit la fin de la période d’administration française. Pour les militaires, ainsi conséquents avec leurs aînés putschistes du 10 Juillet 1978, leurs propres régimes d’autorité et d’exception ne se distinguent pas de celui du président Moktar Ould Daddah. Davantage, le système du Parti unique de l’Etat, fondamentalement délibératif aussi bien en sections locales qu’en Buteau politique [xii] national et également au sommet de l’Etat, en Conseil des ministres, légitimeraient, selon eux, leur pratique d’un « parti-état » contredisant de fait le pluralisme autorisé des mouvements politiques, en même temps que la liberté de la presse était établie, à compter de leurs ordonnances du 25 Juillet 1991. D’ailleurs, pendant la période-même de transition démocratique entre le coup du 3 Août 2005 et le referendum constitutionnel tenu le 25  Juin 2006, il apparut souvent que les militaires, et notamment le président de leur Conseil, cherchèrent un prétexte pour revenir sur leurs engagements au point que les partis se coalisèrent pour leur en remontrer. C’est ailleurs ainsi que se fonda le Forum national pour la défense de la démocratie [xiii], réactivé dès le 6 Août 2008. Les missions de la Commission électorale nationale ne furent pas concertées et – surtout, ce qui organisa sciemment la révolte parlementaire motivant la « rectification » du général Mohamed Ould Abdel Aziz –, le rôle des partis fut restreint, sinon marginalisé par l’ouverture des élections à des candidatures dites indépendantes [xiv]. La méfiance envers le futur président de la République, quelqu’il soit (sans doute même au sein du Conseil militaire de l’époque, entre ses membres [xv]), renforça ces vices : pour éviter, prétendit-on, toute résurgence du Parti-Etat, lui-même assimilé au régime fondé par Moktar Ould Daddah, il fut décidé que toutes les institutions délibératives seraient composées avant l’élection présidentielle, pour que le vainqueur ne puisse pas influencer ces élections-là, et rencontre donc d’emblée des contre-pouvoirs. La suite a montré que le vrai contre-pouvoir resta les militaires mais ceux-ci se camouflèrent derrière le Parlement, aisé à manipuler selon sa composition antérieure à la prise de fonctions de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Quand ce dernier chargea Yahya Ould Ahmed Waghef d’organiser la majorité parlementaire et de constituer l’A.D.I.L, l’ambiance de plusieurs décennies persistait au point que le « chef de file de l’opposition démocratique », Ahmed Ould Daddah protesta : le parti-Etat allait ressusciter… L’histoire a montré son erreur et ce régime est effectivement réapparu, organisé par l’auteur de la « rectification ».

 

L’erreur d’Ely Ould Mohamed Vall a été de croire et faire croire que l’alternance au pouvoir est le mode-même de la démocratie. L’Europe, en tout cas la France, commence de comprendre que ces alternances engendrent l’immobilisme et justifient donc les extrêmismes quand les orientations politiques des gouvernants successifs ne changent pas.

 

La question et l’urgence démocratiques sont donc – non pas l’attente par chacun que son tour vienne d’exercer le pouvoir suprême avec tous emplois et procédures à sa discrétion, c’est affaire d’élite non de populations démunies et parfois travaillées par le racisme ou les pratiques esclavagistes – mais bien la participation de tous et constamment aux décisions, à toute délibération les concernant.

 

Moktar Ould Daddah en avait fait la raison profonde du Parti du Peuple Mauritanien : faire participer, ce qui était d’ailleurs le ressort du développement économique et de la transformation sociale. Cela ne suffisant pas, périodiquement il provoquait cet appel à la participation. Dès la formation du premier gouvernement national, il l’imposa à ses co-équipiers politiques. Ce furent ensuite la grande assemblée de Kaédi et à partir de 1969, les séminaires régionaux de cadres.

 

La période de transition, en 2005-2007, a approfondi cette réflexion. A l’initiative des militaires, soucieux initialement de prouver aux Mauritaniens et au monde leur désintéressement, il y eut ces remarquables journées de concertation d’Octobre 2009, organisées par Habib Ould Hemet, devenu désormais une référence et un expert pour tout retour à la démocratie dans les pays qui en sont encore privés, ou y sont peu habitués. A l’initative de la coordination de tous les mouvements politiques d’alors, a commencé une réflexion de fond sur la distinction à opérer entre de telles concertations et des instances de décision vraiment informées et appelées à appliquer toutes délibérations. Ces réflexions et constats ne sont d’ailleurs pas propres à la Mauritanie de ces temps-ci et d’aujourd’hui : les pays démocratiques, principalement en Europe, en Amérique et dans le Pacifique anglo-saxons et sans doute en Inde et au Japon, sont confrontés à ces questions. Mais par ses traditions pré-coloniales et par la pratique des contestations du régime militaire depuis près de quarante ans, la Mauritanie a – je le crois – les moyens principaux pour y répondre. 

 

A suivre et pour conclure : le rôle des partis politiques

 

Berttrand Fessard de Foucault

 

 

 

 

[i] - Nous sommes une nation qui naît. Nous en avons conscience. Faisons ensemble  la Patrie Mauritanienne ! C’est notre but suprême et notre seule justification devant l’Hstoire qui nous jugera. Une conviction profonde, une foi absolue dans notre destin m’ont amené à solliciter vos suffrages et la manifestation de votre confiance sera le preuve que nous partagez cette conviction et cette foi, et qu’ensemble nous bâtirons cette Mauritanie nouvelle en qui nous mettons notre espoir. – péroraison du discours, en tant que vice-président du Conseil de gouvernement, le président en étant alors selon la Loi-cadre métropolitaine (dite loi Defferre), le gouverneur du Territoire

 

[ii] - Tel est le programme d’action que je voulais vous soumettre.

Je ne me dissimule pas les objections qu’il risque de soulever de la part de certains. On parlera de confusion des pouvoirs, on m’accusera de transgresser les principes classiques chers aux philosophes et aux juristes.

Mais je ne redirai jamais assez que nous devons élaborer les solutions adaptées à notre situation propre. La Mauritanie n’est pas la France, elle n’est pas l’Amérique et elle n’est pas la Russie. Il ne s’agit pas de savoir si nos décisions sont conformes aux règles établies par d’autres. Il s’agit de forger les règles qui répondent à notre situation.

Devant certaines de mes propositions, d’autres me taxeront peut-être de visées dictatoriales. Pourtant, ni par goût personnel, ni par doctrine, je n’éprouve de penchant pour la dictature.

Seulement j’ai profondément conscience que dans un pays neuf et sous-développé comme le nôtre, il est criminel de s’enliser dans les querelles et les conflits stériles.

Depuis maintenant sept ans j’ai accepté des responsabilités, j’ai vécu nos expériences politiques successives et comme tout le monde, j’ai constaté les difficultés qui nous ont trop souvent empêchés de parvenir aux résultats escomptés.

C’est ainsi que le Parti du peuple est né dans l’enthousiasme de la volonté unanime des Mauritaniens. Mais il n’a pu encore répondre à l’attente des masses pour les raisons que j’ai développées.

Ces masses mauritaniennes, qui sont parmi les plus réceptives d’Afrique, n’aspirent qu’à la paix, à la tranquillité et à l’amélioration d’un sort quotidien qui est particulièrement rude. Pourtant depuis deux ans, nos compatriotes sont troublés et divisés par cet électoralisme dont j’ai dénoncé les méfaits.

Voilà pourquoi tout doit être mis en œuvre pour opérer le redressement que tous attendent avec impatience.

Je vous ai fait des propositions concrètes. A vous maintenant de prendre vos responsabilités et de décider.

Ouverture de ce qui va devenir le Congrès historique de Kaédi, le 23 Janvier 1964

 

[iii] - Q. Vous avez parlé tout à l’heure de l’édification de la démocratie en Mauritanie, certains jeunes et surtout certains adultes veulent savoir quel genre de démocratie existera chez nous. Est-ce une démocratie mauritanienne comme il n’en a jamais existé ? Ils veulent surtout savoir les sources d’inspiration, les points de référence de cette démocratie ?

Ces sources d’inspiration sont diverses.

Il y a d’abord notre religion qui, quoi qu’on en dise, est absolument démocratique, et ceux d’entre vous qui font l’histoire de l’évolution des peuples sauront que cette religion a été une religion de libération et qu’elle a instauré une démocratie véritable, que dans son esprit, dans son essence-même, elle est démocratique. Et malheureusement, et je comprends ceux qui font cela, on confond cette religion, le fondement et le fond de cette religion, avec ceux qui la professent et qui la dénient et que j’ai dénoncés devant le Congrès de 1968. A l’époque de la contestation, en tout cas si elle existait dans les esprits, n’était pas encore très connue, d’autant plus que notre congrès a eu lieu en Janvier et que les contestations en Europe ont eu lieu au mois de Mai.

J’ai dénoncé donc vceux qui parlent au nom de la religion, qui ignorent cette religion, qui lui font dire ce qu’elle ne dit pas, et qui taisent parce qu’ils l’ignorent peut-être et aussi quand ils le savent, ce qu’elle dit de bon. Donc, les sources d’inspiration, il y a d’abord notre religion, ce peuple, qu’on le veuille ou non, est à cent pour cent musulman, et ce n’est pas par hasard si nous avons appelé notre République, République Islamique. Bien sûr, ce mot a été pris à l’époque comme un peu sectariste, un peu réactionnaire, etc… mais au fond il correspond, ce qualificatif, à une réalité. Donc tout ce qui se fait dans ce pays ne peut ignorer l’Islam à mon sens, et je suis peut-être, je le suis même certainement, réactionnaire, vis-à-vis de certains, si tentés d’ailleurs de croire que pratiquer sa religion, est être réactionnaire. Donc, il y a le retour aux sources de l’Islam.

Vous savez, il est très difficile de parler de soi mais personnellement j’ai horreur de me gargariser de mots, quand je dis quelque chose, ce que je dis couvre une réalité, et quand je parlais donc, en Janvier 1968, de retour aux sources, de repersonnalisation de l’homme mauritanien, ce n’était pas un slogan, ce n’était pas de la poudre à jeter aux yeux des gens pour ceci ou pour cela. Je le pensais sincèrement, je pense que ce peuple a suffusamment de force, de dynamisme en lui, qui lui permettra, comme çà lui a permis dans le passé d’accomplir sinon des miracles, en tout cas d’accomplir de grandes choses. Mais pour cela il faut qu’il devienne lui-même, et je pense très sincèrement – et encore une fois, je ne prétends pas posséder la vérité, je peux me tromper – que quand on n’est pas musulman convaincu en Mauritanie, on ne peut rien faire de profond, et je n’ai absolument aucune honte de le dire et de le reconnaître, même si je suis une fois de plus réactionnaire, mais vous savez à propos des idées, à propos de n’importe quelle idée, n’importe qui peut dire n’importe quoi. On peut discuter à l’infini des religions, de la religion musulmane, de la religion chrétienne, de la religion juive, on peut discuter à l’infini du marxisme-léninisme, tous les noms en –isme on peut en discuter, à l’infini, mais on ne convaincra que ceux qui veulent ou qui se laissent convaincre, et dans ce domaine, il y a beaucoup de gens qui sont de bonne foi, et quand ils sont convaincus, ils acceptent sans arrière-pensée, mais il y a en a d’autres qui, pour eux, revenir sur une idée à propos de laquelle on s’est trompé, est une honte.

Je crois que là aussi, et je l’ai dit l’autre jour en parlant avec les jeunes du Centre d’information et de formation quand ils m’interviewaient, j’ai cité de mémoire quelques vers : donc, n’importe qui se trompe, l’erreur grave à mon sens c’est celui qui ne veut pas, qui croit détenir la vérité. Or pour moi, la vérité avec un grand V, n’existe que la vérité divine et comme aussi par conviction, cette vérité divine je ne la possède pas, et je suis loin de la posséder, et je ne peux pas la posséder, parce que sa possession est contraire à ma conviction, je ne la cherche pas, et pour parler plus philosophiquement, certainement d’une façon plus courante, la vérité est relative. Un auteur italien que certains aussi connaissent a dit : «  à chacun sa vérité », Pirandello, je crois. Pascal a dit : « vérité au-delà des Pyrénées, mensonge en-deçà », ou en tout cas quelque chose comme çà. Donc encore une fois on peut être tout le temps à sa quête et on doit toujours être en quête de cette vérité, mais je crois que la vérité avec grand V, on ne l’obtiendra pas, parce qu’elle n’existe pas. Elle est divine, et nous ne sommes pas divins, nous sommes même – en tout cas, moi, je suis très loin de prétendre à cela – mais encore une fois dans notre religion, moi je suis sûr que nous trouvons les bases d’une démocratie véritable et d’autre part d’une démocratie adaptée et adaptable à nos réalités, à notre peuple.

Et bien sûr, tous ceux qui ont fait leurs humanités en Occident ou en Orient, ceux qui ont suvii la pensée ou qui ont étudié les grands auteurs, comme El Ghazali, ou comme Pascal ou même pour remonter plus loi, Aristote et Platon, etc…. Donc, la pensée, c’est une… vous savez, je ne suis pas un professeur de philosophie, je suis ignorant en ce domaine, mais je pense que la pensée humaine est une succession de pensées et que la pensée grecque, qui est venue, pour ce qui nous concerne en Orient musulman par la Méditerranée, ce qu’elle a connu comme progrès avec les Abbassides, qui ont été vraiment des gens extrêmement ouverts et qui ont ouvert le monde à son héritage commun et que cette pensée gréco-latine, passant par la culture islamique des Abbassides qui est une culture à la fois islamique, où il y avait toutes les influences que vous connaissez, de l’Inde et surtout de la Perse, tout cela est venu par plus ou moins la Méditerranée, l’Egypte et s’étalait en Espagne, et là aussi je taquinerai un peu nos amis européens qui sont ici avec nous, et qui sont véritablement nos amis, et la preuve est que nous ne sommes pas xénophobes, je l’ai dit tout à l’heure, parmi vous, journalistes, il y a un Français, bien Français bien de chez nous comme dirait un autre et qui est parmi vous, et je ne sache pas qu’il connaisse le moindre problème, mais là où je taquine un peu ces amis, en taquinant aussi l’Occident, c’est que c’est grâce à la pensée islamique, mais qui n’estb pas originale, notre héritage culturel islamique, c’est un amalgame d’héritage gréco-latin, persan, hindou, de toutes ces civilisations qui se sont succédées dans l’Orient Arabe, en Egypte, etc…, mais c’est par nous, c’est par les musulmans que la pensée gréco-latine a été connue en partie, je ne dirai pas totalement mais en partie en Occident et Averroès et Avicenne n’y sont pas pour rien, et cette pensée venue donc en Occident n’a pas été non plus étrangère à la renaissance européenne. Donc c’est pour dire que dans le domaine des idées on peut planer et vous voyez, je vous en fais la démonstration, nous parlions de la Mauritanie, alors que nous en sommes très loin dans le temps et dans l’espace. Donc, cette démocratie s’inspirera de l’Islam, et de l’Islam authentique et s’inspirera de tout l’héritage culturel et démocratique qui a existé de par le monde, mais ce ne sera absolument pas une copie servile d’aucune conception de la démocratie, parce qu’encore une fois, sectaire et conservateur que je suis, je ne crois qu’à la perfectiuon du Coran et du Hadith, tout le reste que ce soit de notre héritage à nous ou de l’héritage d’autres peuples, je n’y crois pas.

Moi, j’ai eu une chance peut-être, je me suis un peu mêlé à cette culture occidentale, j’ai fait – disons : mon baccalauréat philosophie à un âge mûr, j’ai passé mon bac. à 26 ou 27 ans. Bien sûr, la confrontation avec la pensée occidentale, les professeurs de philosophie en tous cas, il y a une vingtaine d’années en France, c’était l’époque de l’existentialisme et l’athéisme était à la mode. Il y avait des croyants – mais l’un de mes professeurs était justement existentialiste, je ne vous cache pas qu’il y a eu des herts. Mais moi j’ai peut-être résisté, j’étais déjà vieux. Jer pense que ceux qui affrontent cela avec un âge beaucoup plus jeune, ce qui se fait actuellement, Alhmadou Lillâh, parce que grâce à l’indépendance et grâce au Parti du Peuple nos étudiants peuvent faire leurs études dans des conditions normales, et au lieu de passer leur bac. de philosophie à 26 ou 27 ans en dehors de leur pays, ils le passent à 17, 18, 19 ans et à l’intérieur du pays.

Donc, ceux qui sont confrontés à ces idées philosophiques étrangères peuvent certainement douter de beaucoup de choses, peuvent être perturbés. Je n’ai pas seulement parlé de pensée philanthropique, d’ailleurs les conceptions politiques où j’ai fait mes études, tout le monde le sait, à la Faculté de Droit de Paris, bien sûr c’est une faculté, paraît-il, on disait à l’époque que c’était une faculté de réactionnaires parce que ce sont des fils à papa qui y sont, mais nous étions en grand nombre aussi bien d’ailleurs Français qu’autres qui n’étions pas fils à papa à la manière dont on parle, et j’ai été confronté aussi avec des camarades, des cellules communistes, j’ai discuté avec eux, j’ai participé à la création, cela peut paraître curieux, mais je suis membre fondateur de la FEANF, donc je me suis heurté à beaucoup de ces choses-là, et encore une fois j’évoque mes souvenirs comme les vieux le font, mais tout cela, c’est pour dire que notre démocratie ne copiera pas platement n’importe quelle démocratie et qu’elle tiendra compte de nos réalités d’abord religieuses, j’ai parlé de notre héritage culturel et multiforme, parce que notre héritage est aussi culturel et c’est notre grande chance par rapport à toute l’Afrique où la religion a véritablement un rôle de ciment, un rôle d’unité nationale parce que nous sommes à cent pour cent musulman, Alhamdou Lillâh, que nous soyons noirs ou bruns, que nous soyons du Guidimaka ou de la Baie du Lévrier, et cela c’est extrêmement important, mais notre démocratie doit s’inspirer de l’Islam mais aussi de notre héritage culturel à la fois un et plusieurs, puisqu’il y a la culture africaine chez nous et la culture arabo-musulmane et c’est de tout cela que nous tiendrons, nous nous inspirerons pour réaliser la démocratie. Mais encore une fois, il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit, nous n’aurons pas le paradis sur terre et ce que mille ou deux mille ans, puisque notre pays, en tout cas dans son peuplement actuel, a plus de mille ans d’histoire, ce que mille ans d’histoire, mille jours ou cent jours ne le feront pas disparaître. L’important, c’est une volonté de démocratie traduite dans les faits, étant entendu que cette démocratie, moi je ne la connaîtrai malheureusement pas, cette démocratie idéale, mes enfants et mes petits-enfants ne la connaîtront pas, même vous qui êtes beaucoup plus jeunes, vos enfants ne la connaîtront certainement pas. Mais ce que le Parti du Peuple Mauritanien a fait et fera, c’est d’engager un processus irréversible dont le but est de faire de tous les habitants de ce pays des citoyens égaux devant le droit et devant le devoir.

Notre démocratie à nous, ce sera de bannir toutes les inégalités dont souffre, encore une fois, notre société. Notre société ne peut pas se transformer par miracle. Ceux qui ont transformé leur société par la voie de la révolution, lm’ont fait, vous le savez, au prix de quelles quantités de sang et de pleurs et de larmes ; et ce n’est pas fini puisque là où on croit que la démocratie telle qu’on en rêve dans certains milieux de jeunes, que la démocratie est installée définitivement, de temps en temps on apprend qu’il y a quelques-uns qui sont partis sans laisser d’adresse, parfois ils réapparaissent ailleurs. Parfois, on ne les revoit plus. Mais enfin, çà c’est l’affaire de chacun. La démocratie idéale n’existe pas. Une démocratie mauritanienne, inspirée de nos valeurs religieuses, culturelles et empruntant à toutes les civilisations ce qu’elle peut leur emprunter et qui ne soit pas incompatible avec nos valeurs authentiques est celle qu’il nous faut. - extraits de la conférence de presse donnée le 6 décembre 1974 à l’occasion de la nationalisation de MIFERMA . (Brochure pp. 28 à 31)

 

[iv] - Parti démocratique, parti des masses où tous les Mauritaniens trouveront leur place, sans considération d’origine, de classe, de génération. Un parti dont la préoccupation permanente sera d’abolir toutes les discriminations et de détruire régionalisme et tribalisme afin de forger l’Unité Nationale – ouverture du congrès de l’Unité, le 25 décembre 1961

 

[v] - Car ce qu’il  nous faut, au premier chef, c’est de forger des responsables aptes à tous égards à véhiculer la prise de conscience des idéaux et principes qu’incarne le Parti, plutôt que d’hommes soucieux de soigner une popularité dérisoire, entretenue à l’encontre des options souveraines prises par les instances du PARTI DU PEUPLE MAURITANIEN et d’abord, celles prises par cette instance suprême qu’est le CONGRÈS.

Nous avons besoin de militants convaincus, non de notables soucieux de sauvegarder les intérêts égoïstes.

Nous avons besoin d’hommes entièrement disponibles au service de cette base démunie, qui fait face encore à l’ignorance, qui est encore exposée à d’innombrables servitudes, à la misère et à la maladie.

Nous avons besoin d’hommes soucieux d’apprendre auprès du peuple, et d’apprendre au peuple à organiser une action positive.

Nous avons besoin d’hommes débarrassés de tout complexe, de tout préjugé, d’hommes dynamiques, qui sauront vivre avec les masses, s’ouvrir aux problèmes des masses pour servir ces masses. Et encore une fois, il faut que les responsables sachent, à quelque niveau qu’ils se trouvent, qu’ils ne sont rien sans le peuple, et qu’ils seront jugés en fonction du dévouement à ce peuple, et de l’humilité dans l’accomplissement de leur travail. –

Communication devant le congrès extraordinaire, tenu à Nouakchott, le 25 Janvier 1978

 

[vi] - nous nous sommes attachés à mettre en pratique les valeurs islamiques, fondées sur le sens de la mesure et la pondération et à conforter l’enracinement de notre jeune démocratie.

 Ainsi, ces quelques mois ont été un printemps de la liberté : aucun citoyen n’a été inquiété suite à l’expression de son opinion ou de son choix politique ; aucune publication n’a été saisie ou censurée ; par contre l’accès aux medias publics a été consenti à chacun et il a été mis définitivement fin à l’utilisation de ces medias comme instrument exclusivement affecté à l’encensement du pouvoir en place.

 Au cours de cette période, j’ai personnellement veillé à ce qu’aucune immixtion de ma part ou de la part du pouvoir exécutif ne vienne entraver l’activité du pouvoir législatif ou du pouvoir judiciaire ; le parlement a connu une activité sans précédent dans son histoire, totalisant plus de huit mois de session sur la période.

 Sur un autre plan, nous avons donné à l’opposition démocratique la pleine effectivité de son rôle, instituant la concertation sur les problèmes nationaux majeurs comme méthode constante dans nos rapports avec elle, comme d’ailleurs avec toutes les composantes de la scène politique et sociale.

 Ont été promulguées par ailleurs les lois créant pour la première fois dans le pays une Haute Cour de Justice habilitée à juger le Président de la République en cas de haute trahison, ainsi que les membres du gouvernement lorsque ceux-ci contreviennent aux devoirs liés à leur charge.

 Toutes ces mesures visaient à jeter les bases de l’état de droit et à promouvoir une culture de dialogue propre à mettre fin à l’autoritarisme et à l’abus de pouvoir. – discours à la Nation, prononcé en arabe, le 26 juin 2009 – traduction libre d’Idoumou ould Mohamed Lemine Ould Abass 

 

         Une période très courte, certes, mais au cours de laquelle nous avons jeté les bases d’un changement politique profond. Une plus grande séparation des pouvoirs, une volonté affirmée pour opérer un changement des mœurs politiques excluant le clientélisme, l’ouverture à tous et l’implication de forces politiques jusque-là tenues à distance de la gestion de l’Etat – discours devant le Forum national pour la défense de la démocratie, que le Président fut empêché de prononcer le 22 Janvier 2009.

 

[vii] - Dans le but de réaliser cette promesse, nous nous sommes attelés, dès la formation du gouvernement, à désigner un comité interministériel, lequel a lancé, tout au long des mois passés, un vaste processus de concertation, ayant englobé les deux chambres du Parlement, ainsi que l’ensemble de nos forces politiques et sociétales. Cet effort de concertation s’est ensuite étendu à nos citoyens, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, mais aussi aux  populations directement intéressées. Le processus a également concerné les deux pays voisins, le Sénégal et le Mali, ainsi que le Haut Commissariat aux Réfugiés.

       Ces concertations ont permis de créer un climat adéquat, marqué par le consensus des mauritaniens, toutes appartenances politiques et sociales confondues, autour du choix que nous avons adopté ; celui de l’union, du rétablissement du droit et de la consolidation de l’unité nationale. Elles ont permis aussi de s’entendre avec nos partenaires sur le cadre préliminaire du retour des réfugiés ; entente que nous avons consacrée, le 12 novembre courant, par la signature d’une convention avec le Sénégal et le HCR.

ouverture des journées de concertation et de sensibilisation sur les formalités d’organisation pour le retour des réfugiés et la résolution du passif humanitaire – 20 Novembre 2007

 

[viii] - Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie publie un communiqué

Nouakchott, 3 août (AMI) - Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie a rendu public le communiqué suivant:

 "Les Forces Armées et de Sécurité ont unanimement décidé de mettre fin aux pratiques totalitaires du régime déchu dont notre peuple a tant souffert ces dernières années.

Ces pratiques ont engendré une dérive dangereuse pour l'avenir du pays.

A cet effet, les Forces Armées et de Sécurité ont décidé de la mise en place d'un Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie.

Ce Conseil s'engage devant le peuple mauritanien à créer les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement.

Les Forces Armées et de Sécurité n'entendent pas exercer le pouvoir au delà d'une période de deux ans, jugée indispensable pour la préparation et la mise en place de véritables institutions démocratiques.

Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie s'engage en fin à respecter tous les traités et conventions internationaux ratifiés par la Mauritanie.

Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie

Nouakchott le 03 août 2005".

 

Nouakchott 16 août (AMI) - M. Nagi Ould Mohamed Mahmoud, ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, par intérim, ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a fait mardi matin à la presse la déclaration suivante:

"Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie a mis définitivement fin, le 3 Août, aux pratiques totalitaires de l'ancien régime qui ont conduit le pays à une impasse politique et à des horizons sans issue ayant engendré de graves déviations et constitué des menaces réelles à la fois pour l'existence de l'Etat et pour l'avenir du pays.

Et, comme l'a réaffirmé le Président du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie, le mandat du gouvernement sera accompli avec rigueur au cours d'une période transitoire n'excédant pas deux ans.

C'est dans ce sens que l'action consistera en l'organisation d'un référendum, dans un délai d'une année, sur l'amendement des dispositions constitutionnelles que le Conseil a déterminé et qui feront l'objet d'une concertation avec les partis politiques et les organisations de la société civile reconnus ou qui le seront prochainement, conformément aux lois en vigueur .

Cette étape préparera le terrain à l'organisation de scrutins présidentiel et parlementaire honnêtes et transparents dans un délai ne dépassant pas 24 mois.

Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie a donné des garanties claires et sures pour l'exécution du programme de la phase de transition. Ces garanties prévoient que le Président et les membres du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie, le Premier Ministre et les membres du gouvernement n'auront pas le droit de se présenter aux prochaines élections.

Une commission électorale indépendante sera constituée aux fins de superviser les opérations du scrutin. Les Etats et organisations internationales qui le souhaitent seront conviés à désigner des observateurs pour suivre l'ensemble des étapes de ce processus électoral.

Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie et le gouvernement s'engagent à ne soutenir aucun candidat, à ne créer ou cautionner aucun parti politique durant cette phase de transition. ..

Ce programme ainsi que les garanties nécessaires à son exécution durant la phase de transition prouvent la volonté sincère de mettre sur pied, en concertation avec l'ensemble des acteurs politiques, de véritables institutions constitutionnelles propres à enraciner les valeurs de justice, d'équité et de démocratie.

Dans ce cadre, les mauritaniens, tous les mauritaniens sans exclusive, sont conviés à participer à la réalisation du programme de la phase de transition.

Il est cependant du devoir de chacun, à l'intérieur et à l'extérieur, de comprendre qu'il s'agit là d'une affaire strictement mauritanienne, ne concernant que les mauritaniens et qui, de ce fait, doit être traitée sur le sol national.

Je vous remercie."

 

[ix] - 1. Une inquiétude réelle et générale par rapport à l’avenir. Les sujets d’inquiétude qui ont été soulevés sont  nombreux. Il y a, pour ce qui est des problèmes internes, la crainte de troubles susceptibles d’être engendrés par des tensions à caractère ethnique, par la persistance de frustrations héritées de notre organisation sociale passée, par la vivacité du sentiment régionaliste et par l’état d’extrême pauvreté dans lequel vivent certaines de nos populations.

Par rapport à l’extérieur, nous avons tous une conscience aiguë de notre extrême vulnérabilité. C’est ainsi, par exemple, que les espoirs suscités par la découverte et le début d’exploitation du pétrole sont accompagnés, chez tous, de réelles inquiétudes.

        2.  La conscience, très largement partagée, de la fragilité de notre pays. Il découle de cette conscience de fragilité une préférence nettement marquée pour une approche largement consensuelle dans la recherche de solutions aux principaux problèmes auxquels notre pays fait face. Toute gestion qui pratique l’exclusion, les règlements de comptes, et qui sacrifie le dialogue et la concertation au profit de la prise en compte exclusive des rapports de forces, risque de faire l’objet d’un large rejet et de ne régler définitivement que peu de problèmes. La quasi-totalité de ceux que j’ai eu le privilège de rencontrer, s’accordent pour dire qu’il faudra éviter au pays d’être fortement secoué au cours des prochaines années. Il ne le supporterait peut-être pas.

Beaucoup ont dit que la véritable transition sera la période qui suivra la transition actuelle, signifiant par là que la recherche du plus grand consensus devra être une préoccupation majeure, qui ne devra laisser que peu de place aux querelles et aux divisions dont les quinze dernières années ont été témoins.

3.  Un besoin réel d’une vie publique plus propre, plus morale. De tout ce qui m’a été dit, je retiens qu’il y a une très forte demande sociale pour plus de justice et plus d’équité. Ceci requiert incontestablement un État qui se conçoit autrement que ne se concevait celui que nous avons connu par le passé et une administration organisée autrement, et agissant différemment que celle que nous avons. Il s’agira, en somme, pour nous, de gouverner et d’être gouvernés autrement, et de servir loyalement notre pays. 

Il m’a semblé que cette vie publique plus propre et plus morale est souhaitée, même par des fonctionnaires et agents de l’État et par des particuliers dont le comportement passé, dans l’exercice de leurs fonctions, ou dans leurs rapports avec les administrations, n’était pas exempt de reproches. Il y a, indéniablement, chez certains – et je souhaite que ce soit chez tous – un désir réel de trouver un nouveau cadre et de nouvelles règles du jeu leur permettant de se racheter et de servir consciencieusement et loyalement le pays.

déclaration de candidature, le 4 Juillet 2006

 

[x] - Le changement institutionnel du 3 août 2005 est intervenu dans un contexte marqué par une crise politique profonde. Le pluralisme de pure forme instauré par l’ancien régime s’était traduit par une application caricaturale de la Constitution du 20 juillet 1991, à travers l’hégémonie du Parti-Etat, la confiscation des libertés et la crise de

confiance entre le pouvoir et l’opposition. La fracture entre l’Etat et le pays réel, entre gouvernants et gouvernés menaçait de dégénérer en conflit ouvert et incontrôlable.

Les pratiques totalitaires avaient conduit le pays tout entier dans une impasse politique, économique et sociale. Dans ce climat particulièrement tendu qui perdurait, nulle perspective de dialogue politique et social ou d’alternance ne se profilait à l’horizon, le pouvoir étant manifestement indifférent à l’irrésistible montée des périls.

C’est dans ce contexte que les Forces Armées et de sécurité ont décidé, à l’unanimité, de mettre fin à cette dérive suicidaire. A l’issue du mouvement du 3 août 2005, mené sans effusion de sang, le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), sous la présidence du Colonel Ely Ould Mohamed Vall, a mis un terme à ces

pratiques totalitaires, réalisant ainsi une rupture totale avec le régime antérieur et ,optant par là même, pour la construction d’un projet alternatif de société résolument orientée vers l’institution d’une démocratie véritable, et l’instauration du développement durable.

En procédant à ce changement, le CMJD n’a pas cherché le pouvoir pour le pouvoir ni le pouvoir pour s’y attarder, mais à asseoir un régime authentiquement et définitivement démocratique et pluraliste ; il s’est formellement « engagé devant le peuple mauritanien à créer les conditions favorables d'un jeu démocratique ouvert et transparent sur lequel la société civile et les acteurs politiques auront à se prononcer librement", et ce, au terme d’une « période de transition n’excédant pas deux ans ».

Pour confirmer l’orientation volontiers démocratique de leur action, les autorités se sont engagées, aux termes de la Charte constitutionnelle du 6 août 2005, à respecter les Droits de l’Homme et les libertés fondamentales, et ont maintenu, conformément à la loi, l’activité des partis politiques, des organisations de la société civile et de la

presse indépendante. Dans ce cadre, un gouvernement civil de transition a été immédiatement formé dès le 10 août, en vue de mettre en oeuvre rapidement le programme de transition démocratique.

L’engagement solennel du CMJD à conduire ce processus, dans les délais impartis et avec la neutralité et l’impartialité requises, s’est concrétisé par l’adoption d’une ordonnance constitutionnelle consacrant l’inéligibilité du Président et des membres du CMJD, du Premier Ministre et des membres du Gouvernement aux différentes élections présidentielles, législatives et municipales qui seront organisées dans le cadre de la transition démocratique.

D’autre part et en vue d’apaiser le climat politique et social et de permettre à tous les citoyens de participer au projet démocratique envisagé, amnistie générale, pleine et entière a été accordée à tous les mauritaniens condamnés pour crimes et délits politiques.

Dans le même sens, l’ouverture des médias publics aux partis politiques et aux organisations de la société civile procède d’une volonté politique d’ouverture et d’une conception renouvelée de la communication publique. Pour sa part, la requête adressée aux Nations Unies en vue de coordonner le processus d’observation du processus électoral constitue en soi un précieux gage de transparence des élections envisagées.

Dans ces conditions, on comprend aisément que ce programme politique franc et novateur ait bénéficié d’un soutien populaire très large et de l’adhésion totale et soutenue de tous les acteurs politiques et de la société civile, ce qui dénote, faut-il le souligner, d’un consensus national sans précèdent dans l’histoire de notre pays qui a

favorablement impressionné les observateurs étrangers.

 

[xi] - . . . nous entamons aujourd'hui une nouvelle étape de la vie politique de notre pays qui était marquée depuis son indépendance jusqu'à ce jour, soit 45 ans de vie politique, par une gestion politique des affaires où le citoyen mauritanien était absent.
Autrement dit, le citoyen mauritanien est resté tout au long de cette période, quasiment absent de la décision politique dans son propre pays où cette décision est prise en son nom. Les politiques que le pays a connues ont eu pour effet d'isoler le citoyen de sorte qu'il n'a enregistré aucune participation ni aucune efficacité dans l'action de quelque ordre que ce soit dans ce domaine.
Cette situation a entraîné les problèmes politiques et économiques que l'on sait, alourdi le climat dans le pays et l'ont conduit à la destruction, au bort du gouffre.
Devant cet état de fait, le mouvement du 3 août 2005 est intervenu pour permettre au citoyen mauritanien d'avoir le pouvoir de décision entre ses mains, loin de toutes les contingences où le pays risquait d'être l'apanage exclusif de groupes d'hommes ou l'objet d'un pouvoir exercé par un seul homme comme il l'entend et ce avant que la situation ne cède à la dérive et qu'on en arrive au pire.
Aujourd'hui, nous sommes parvenus à l'heure décisive pour le pays; ou bien nous menons nos affaires efficacement de manière à garantir son salut et à lui restituer son image vraie, à ouvrir devant lui des perspectives prometteuses ou alors c'est l'échec et le retour aux anciennes méthodes qui nous ont mené, comme je l'ai dit, au pire. C'est ainsi que le pays, pour la première la fois de son histoire, connaît cette concertation entre les différents acteurs politiques, les organisations de la société civile, le gouvernement et le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie, où tous se rencontrent autour d'une seule table pour discuter des affaires de leur pays et décider, de manière indépendante et servant leur nation, le profil de l'Etat et la quintessence du système politique qui sied à la Mauritanie et est de nature à lui faire retrouver la place qui lui revient, système où le citoyen a le dernier mot. C'est l'élaboration d'un projet d'une société mauritanienne apte à gérer ses affaires aujourd'hui, demain et pour toujours d'une manière convenable pouvant résoudre tous les problèmes de la patrie sans exception qui nous a amené à proposer cette rencontre et cette concertation. Cela requiert de notre part un nouvel esprit, une nouvelle mentalité et un nouveau comportement en plus de la rupture complète avec les idées et attitudes consacrées par certains anciens régimes politiques.

discours d’ouverture des journées de concertation, le 25 Octobre 2005

 

[xii] - « le projet de loi constitutionnelle soumis par le gouvernement de transition portant rétablissement de la constitution du 20 juillet 1991 constitution de l’Etat et modifiant certaines de ses dispositions » adopté le 24 Mars 2006 par le C.M.J.D. – le serment présidentiel et la limitation à deux du nombre des mandats du chef de l’Etat sont alors institués : ce sont ces dispositions que tente Mohamed Ould Abdel Aziz, depuis des mois, tente de « contourner »

 

[xiii] - 25 Septembre 2006 - 22 partis politiques créent une coordination appelée « Forum national pour la défense de la démocratie »… « surpris ces derniers jours par certains développements de la situation politique conduisant à l’intervention du Conseil militaire et du gouvernement dans le processus politique et constituant une menace du consensus national et du principe de leur neutralité » : les indépendants sont favorisés contre les partis – Ely reçoit les partis le 16 Octobre et leur donne toutes assurances – mais le 11 Novembre suivant, les candidats indépendants se regroupent pour constituer un « groupe parlementaire indépendant », « une troisième voie centriste (qui) saura constituer un pôle de rechange par rapport aux pôles traditionnels qui ont choisi de camper sur leur ancien antagonisme »

 

[xiv] - . . . 2° La recherche du plus large consensus national imposait certes, au début du processus, d’étendre la concertation à l’ensemble des vecteurs de l’opinion, y compris les personnalités susceptibles d’indépendance, les organisations de la société civile et la presse privée. Il était utile de donner, au départ, la preuve d’ouverture en admettant la création de nombreux partis même si, ni les personnes qui les créent, ni leur étoffe réelle ne leur donnent aucune chance de crédibilité. Aujourd’hui, à moins de vouloir banaliser sciemment les partis politiques, de favoriser le morcellement d’une société dont on connaît le caractère infiniment segmenté et de donner de la démocratie un visage rebutant, il serait indispensable que chaque forme d’organisation respecte la vocation des autres.  

3° L’implication de la société civile dans les choix économiques, sociaux, écologiques et scientifiques est une nécessité dont il faut impérativement tenir compte dans la formation des institutions spécialissés, telles que le Conseil Economique et Social, le haut Conseil Islamique, le Conseil National Environnement et Développement etc. Mais son implication dans les choix politiques est à la fois contraire à son statut apolitique et dangereux pour l’exécution de son rôle irremplaçable. Aussi serait-il hasardeux de fonder des décisions politiques sur l’avis des majorités de participants à des consultations, lorsque ces majorités n’ont pas vocation de connaître le sens et la portée des décisions.

4° Nous avons adressé au Conseil Militaire, une pétition largement signée, pour exposer les raisons pour lesquelles il serait politiquement dangereux, dans le contexte mauritanien actuel, de légaliser les candidatures indépendantes. Notre argumentation pourrait n’avoir pas convaincu bien que fût objective et sans autre fondement que l’intérêt suprême du pays. Mais en dépit de tout et surtout de la volonté exprimée de maintenir la concertation comme mode de relation entre le Pouvoir et les partis politiques, un décret a été préparé et adopté sans que le Gouvernement ne nous ait consulté ou adressé une quelconque réponse au sujet de notre requête. Nous refusons là également que ce soit une manifestation de mépris ou de renonciation au principe cardinal de la concertation et espérons que, désormais un tel fait ne se répète pas.

 

[xv] - dès 2005 et peut-être avant, la probable rivalité entre les colonels Ely Ould Mohamed Vall et Mohamed Ould Abdel Aziz, dont l’histoire complète reste à documenter – il fut dit que chacun avait son candidat civil à la présidence de la République, ceux précisément qu’opposa, le 25 Mars 2007, le second tour de scrutin