Les pêcheurs artisanaux mènent de larges concertations en leur sein, pour faire face aux nouvelles mesures que les autorités comptent prendre afin de réguler le secteur. Des décisions qui suscitent des grincements de dents. Les acteurs de la pêche artisanale basés à la plage de Nouakchott se sont ainsi donné rendez-vous, le dimanche 3 Janvier, à Sebkha Loisirs. En proie à des difficultés récurrentes, ils sont montés sur leurs grands chevaux pour dénoncer la volonté du département des Pêches et de l’économie maritime de les asphyxier davantage et de faire la part belle aux navires étrangers (chinois particulièrement). Le projet de loi que le gouvernement projette de faire adopter, en Conseil des ministres, est ainsi qualifié de véritable « catastrophe », avec un véritable arsenal de taxes jugées «exorbitantes » et « illégitimes », renforcé par un amas répressif : augmentation – jusqu’à 500% ! – des frais de délivrance de licence aux pêcheurs artisanaux ; 55% de la pêche côtière pointée et de 33,33% de la pêche côtière non pointée. Le projet de loi délimite également les zones de pêche (Nord, Centre et Sud) et en limite, non seulement, l’activité des pêcheurs mais, aussi, les espèces pêchées.
Livrés à eux-mêmes
Sans véritable appui et évoluant dans la précarité, les pêcheurs artisanaux auront du mal à se relever. « Une véritable catastrophe en perspective », anticipe Yali N’Diaye, président de l’Union des coopératives artisanale « Le Mol ». « Nous avions du mal à nous en sortir, alors qu’il n’y avait aucune limitation des zones de pêche et des espèces, ni même de quota. Ça sera bien pire, désormais. C’est impossible que nous puissions nous en sortir, dans cette situation. C’est la mort programmée de la pêche artisanale, comme une volonté inavouée des autorités à nous étouffer. Nous en appelons à la compréhension des autorités et des parlementaires pour qu’ils rejettent ce projet ».
Les conséquences en seraient, de fait, dramatiques. La plupart des pêcheurs n’ont qu’une seule licence et avaient l’habitude de pêcher plusieurs espèces, à différents endroits. Avec la nouvelle réglementation et les taxes inhérentes, leur tâche se compliquera, estime un autre propriétaire de pirogue. « Nous aurions souhaité la délivrance, à tout moment, des licences et, surtout, des facilitations dans leur octroi », formule un autre pêcheur. A l’heure actuelle, c’est difficile voire impossible. C’est pourquoi l’on assiste à la banalisation du double emploi. L’augmentation des taxes n’est pas accompagnée d’un véritable appui. Les accidents en mer sont fréquents. Et les victimes ne bénéficient ni de secours, ni même d’assistance, pour reprendre du service. L’assurance fait défaut, dans le secteur de la pêche artisanale. Les différents intervenants ont insisté sur la nécessité d’une union des cœurs, à travers une véritable solidarité, pour faire face aux problèmes de l’heure. Appel a été lancé pour la collecte de fonds, au profit d’un pêcheur travaillant à Nouadhibou. Ce dernier a perdu la valeur de quatre millions d’ouguiyas, suite à la destruction de son matériel. Yaali N’Diaye déplore l’irrespect, par le gouvernement, de ses engagements ; surtout dans la lutte contre le monofilament. « De N’Diago à Mamghar, l’usage du monofilament est monnaie courante. Au vu et au su de tout le monde. Le ministère doit prendre ses responsabilités ».
Et de déplorer la dégradation continue de la situation : « il y un énorme bateau de pêche qui opère dans nos eaux territoriales. Ses ravages sont incommensurables. Il écume l’équivalent de cinq cents terrains de football. Et personne n’en parle. Le matériel de pêche est hors de portée, en raison de sa cherté et en dépit de son exonération. Au lieu de nous encourager, via des soutiens bien réfléchis, on nous suscite toujours plus de problèmes. Une situation soutenue », révèle Yaali, « par le lobby des hommes d’affaires n’ayant plus d’intérêts dans la pêche artisanale ». Gonflés à bloc, les pêcheurs comptent faire prévaloir leurs droits. Ils projettent de mener une série d’actions de protestations pour se faire entendre.
Le secteur des pêches qui pourvoit quarante mille emplois, dans le sous-secteur artisanal connait », estiment plusieurs analystes du secteur, « un profond marasme, marqué par la surexploitation des ressources céphalopodières (poulpe) et pélagiques (sardinelle ronde, maquereau...) objet d'une exploitation, effrénée, par les acteurs nationaux et étrangers, principalement des chinois et des russes ».
Thiam Mamadou