Les fonctionnaires rapatriés du Sénégal accusent nommément le directeur général de la fonction publique d’être à l’origine de la suspension de leurs payements, entamés en fin septembre/début octobre dernier. Seules 31 personnes ont pu entrer en possession de leurs droits.
En effet, après la fermeture de l’ANAIR et moult tractations des « omis », le dossier atterrit à la direction de la fonction publique qui établit une liste des agents et fonctionnaires de l’État et du secteur privé victimes de la déportation pour leurs « régularisations ». Le conseil des ministres donne son quitus et une commission tripartite (direction de la fonction publique, direction du budget, direction du trésor) est chargée de superviser l’opération. On imagine alors le ouf de soulagement que ces pauvres fonctionnaires et agents victimes des déportations de 1989, 90 et 91 ont du pousser en arrivant à ce stade. Mais hélas, ils ont vite déchanté. Suite à une « erreur sur le nom d’une victime », ou le « payement d’une victime réintégrée » le nouveau directeur de la fonction publique, au lieu de redresser l’erreur, décide unilatéralement de suspendre les payements et demande que le budget lui renvoie la liste des 219 personnes déjà « établie et validée » avec les intéressés à la fonction publique pour « correction », mais croient les victimes dont certaines sont arrivées du pays profond mais aussi de l’étranger, en train d’attendre à la veille de la fête de tabaski pour simplement retarder les payements. Ces pauvres anciens déportés ont longtemps attendu, direz-vous. Que de déceptions donc ! Ils ne renonceront pas pour autant à leurs droits, c’est pourquoi ils ont repris le chemin de la direction de la fonction publique où ils seraient « indésirables », affirment-ils dans les couloirs et bureaux. A chaque fois qu’on vient aux nouvelles, on nous ferme la porte au nez, on refuse de nous écouter, disent-ils. Face à ces gens déterminés, le directeur de la fonction publique demande la mise en place d’une commission d’identification des victimes, comme si le travail effectué par son prédécesseur était truffé de faux, dénoncent nos interlocuteurs. Pis, il exige même la présence physique des intéressés dont certains sont à l’étranger ou même décédés. N’empêche, les victimes acceptent et procèdent à une identification ; ceux qui avaient effectué le voyage de Nouakchott pour le payement de leurs droits se présentent et une liste d’une cinquantaine de personnes est arrêtée. Mais qu’à cela ne tienne ! Le directeur range et la première liste de 219 personnes et la dernière dans son placard et crie à ceux qui arpentent les couloirs de sa direction que la direction du budget ne dispose plus de liquidités pour payer. De quoi il se mêle? se demandent les victimes, qu’il fasse son travail et renvoie les listes au ministère des finances, tonnent trois victimes passées crier leur désespoir dans les locaux du Calame. Et l’un d’eux de faire observer que ce fonctionnaire est de « mauvaise foi», qu’il participe à prolonger les souffrances des pères et mères de familles victimes de la barbarie des années 90, en confisquant les listes et en retardant le payement jusqu’à la clôture du budget 2015, ce qui est grave et incompréhensible pour nous, indiquent nos interlocuteurs. Pour quelle fin, s’interrogent-ils, eux qui disent ne pas comprendre qu’à l’heure où le président de la République travaille à panser les plaies des années de braise, quelques fonctionnaires véreux torpillent son action. Comment un petit fonctionnaire de l’État peut-il se permettre, sans aucun risque, de bloquer une décision prise par un président de la République et adoptée en conseil des ministres, s’interrogent les trois anciens déportés. Ils en appellent au président de la République pour mettre fin à leurs souffrances.
Il y a quelques semaines, un ancien fonctionnaire devenu conservateur de bibliothèque, Ahmed Mahmoud ould Mohamed, dit Gmal, publiait sur Facebook un post au titre évocateur : « La mémoire en décharge : quand les archives nationales finissent dans les ruelles de Nouakchott ».