La présentation française d’époque de ce qui fait aujourd’hui polémique
L’inauguration le 8 Novembre 2008 d’une avenue Moktar Ould Daddah, à l’état de pancartes comme l’était le chantier de Nouakchott en 1958-1960, avait marqué la prétention du général-président du Haut Conseil d’Etat d’égaler le « père fondateur ». Des calicots combinant les deux portraits foisonnèrent pendant la campagne de 2009. Aujourd’hui, se réaffirme le trait commun à tous les régimes autoritaires depuis 1978 : allumer ou rallumer des foyers de désunion là où le temps et aussi les années de la forte fondation avaient calmé les esprits.
Le combat de Moutounsi où le lieutenant de Mac Mahon fut tué n’a pas – en 1932 – eu l’effet déstabilisateur qu’avait eu – en 1905 – l’assassinat de Coppolani à Tidjikja. Il s’est inscrit dans une série de coups de main, de dissidences et de reprises d’initiative entre les Français et quelques tribus maures. Il a fait organiser le commandement des confins algéro-marocains et mauritaniens, et redistribué les commandements émiraux. C’est ce que présente le rapport annuel du gouverneur de la Mauritanie.
Chacun peut minorer ce combat ou au contraire en faire un grand événement : il eut politiquement du retentissement mais stratégiquement il n’entrava en rien la présence française en Mauritanie.
Si – pour donner un nom au nouvel aéroport international de la capitale – il faut choisir entre un fait qui demande la connaissance d’un contexte très mouvementé, et une personnalité hors du commun dont l’œuvre fut d’emblée si visionnaire qu’elle permet au pays de survivre à des régimes le plus souvent destructeurs, alors s’impose une dénomination : l’aéroport Moktar Ould Daddah.
Bertrand Fessard de Foucault - Ould Kaïge
GOUVERNEMENT GENERAL DE L'A.O.F.
COLONIE DE LA MAURITANIE
RAPPORT POLITIQUE DE L'ANNEE 1932
signé à Saint-Louis, le 1er Juin 1933,
par le Lieutenant-Gouverneur p.i. de la Mauritanie : DESCEMET
(…)
Ceci se passait à l'Ouest.
Sur les confins Nord-Est, la bande d'AHMED AL HAMMADI (un disciple de MOHAMMED AL MAMOUN), forte de 400 fusils et massée dans le Ligdam, entre à son tour en action par une série de petits pillages sur nos gens dans la zone même de surveillance du Groupe Nomade de Chinguetti, en alerte vers El Beyed : le 12 Avril, pillage du campement de MOHAMMED SALEM OULD AFREYET, des Ahel Bellao (Oulad Moussa), coupable de nous avoir avisés de la formation et de la marche du ghazzi ; le même jour, vol, par un mejbour de quatorze fusils, au Nord de Ghallaouya, de dix huit chameaux appartenant à des Touabir et Lekdadra ; le 15 Avril, accrochage à Aouchich, de nos partisans avec quinze pillards qui perdent cinq des leurs tandis que les nôtres ont deux tués ; les 19 et 22, mise à sac, près d'Aouchich, de quelques tentes de Smacide ; le 20, razzia, par dix sept pillards, vers Ténouafrit, de quatre vingt quinze chameaux appartenant à des Chorfa, Smalil, Amgaridj ; le 25, dans l'Hoffrat Ouadane, pillage de soixante quinze chameaux d'Ahel El Hadj et Touabir.
La tactique d'AHMED AL HAMMADI était claire : provoquer l'envoi contre ces mejbour, par le Groupe Nomade de Chinguetti, de détachements de poursuite qu'il aurait anéantis grâce à sa supériorité numérique. Mais cette tactique avait été, dès l'abord, percée à jour par le Chef de Bataillon, Commandant le Cercle et le détachement de l'Adrar : ce dernier, en effet, avait, le 15 Avril, radiotélégraphié au Capitaine, Commandant le Groupe Nomade : "Ne pouvez engager poursuite que toutes forces réunies. Proposition OULD AFREYET (de guider un détachement de poursuite) ne peut être accueillie, ghazzi cherchant à nous attirer hors position afin nous attaquer avec supériorité nombre. Aviation effectuera reconnaissance au Ligdam, signé : BOUTEIL".
Ne pouvant parvenir à dissocier nos forces, AHMED AL HAMMADI que secondait ALI OULD MEYARA, renonce à les attaquer et se décide à un pillage en masse vers Rouissat : il y consacre près de deux cents hommes. Avisé, le Capitaine, Résident de Chinguetti, lance une patrouille de seize gardes et partisans qui, le 27, se heurte à Bollé à une centaine de razzieurs qui se retiraient avec leurs prises. Malgré la formidable supériorité numérique de l'adversaire, nos gens n'hésitent pas à se porter à l'attaque. Et voici en quels termes, le Commandant de Cercle de l'Adrar expose leurs prouesses : "Nos gens occupent un bon emplacement et par leur tir précis causent des pertes aux pillards qui s'enfuient. Les nôtres poursuivent, mais, alertés par les coups de feu, des groupes de razzieurs accourent sur le lieu du combat. Les nôtres combattent par groupes séparés où chacun fait des prodiges ; mais peu à peu submergés, les survivants, n'ayant plus de cartouches, sont capturés par les razzieurs qui veulent les tuer. Ensuite, on essaie de les faire partir en dissidence ; ils refusent. Emmenés, ils peuvent s'enfuir à la faveur de la nuit. Il convient de noter la fidélité à notre cause de ces guerriers qui ont lutté jusqu'à épuisement de leurs munitions tuant une quinzaine de Reguibat et en blessant une vingtaine : l'attitude du garde "MOHAMMED MAHMOUD OULD AOUAT qui, blessé et invité à se rendre par l'ex brigadier chef déserteur AL KOURY, répond à ce dernier par des injures qui ne s'arrêtent que sous le coup de poignard qui l'achève, est à citer... Ce combat mené par un détachement qui s'est fait décimer (sept tués et deux blessés sur dix sept) indique assez le cran supérieur de nos guerriers...".
Cet exploit méritait, en effet, d'être cité dans ce rapport.
Resté maître du terrain, le ghazzi enlève un millier de chameaux aux campements qui, nomadisant dans la région, n'avaient pas exécuté l'ordre de repli pourtant plusieurs fois donné. Son coup fait, il s'enfuit vers le Nord avec ses prises.
Le 28 Avril, deux avions du détachement d'Atar mitraillent à Bollé un élément attardé, fort d'une vingtaine de fusils : cinq pillards restent sur le terrain et, en outre, à la faveur du désordre causé par le bombardement, un berger qui avait été fait prisonnier, parvient à s'enfuir avec quelques chameaux.
Par ailleurs, le Groupe Nomade de Chinguetti, renforcé par un détachement du Groupe Nomade d'Atar, part en poursuite d'El Beyed, le 30 avril, pour tenter de barrer, vers l'Est, la route aux pillards. Les montures étaient épuisées : après une marche particulièrement pénible faite surtout à pied, nos méharistes rejoignent, à Tanoumer, l'arrière garde du ghazzi, lui tuant 8 hommes, enlevant 125 chameaux, II carabines et faisant un prisonnier. Mais le gros du ghazzi, alerté par la fusillade, s'enfuit en toute hâte et la poursuite, à vive allure, tentée par les nôtres doit bientôt être abandonnée, les chameaux refusant le service. Ainsi s'achevait l'agression nouvelle d'AHMED AL HAMMADI : il avait, au total, perdu 33 hommes, sans parler d'une vingtaine de blessés, mais réussissait à emmener environ huit cents chameaux (cf. N° 81/AP.CF du 9/6/32).
Si la patrouille des gardes et partisans envoyée de Chinguetti avait, à Bollé, fait preuve d'héroïsme, par contre l'attitude du goum d'Oulad Selmoun de BRAHIM OULD MOGUEYA n'avait pas laissé d'être équivoque : bien qu'ayant, de la position qu'il occupait, entendu les coups de feu qui s'échangeaient à Bollé, BRAHIM, non seulement ne se porte pas sur les lieux du combat, mais encore se rend à Chinguetti sous le prétexte de donner des conseils au Capitaine Résident et de le persuader d'exercer des représailles contre les Reguibat. Il était impossible de ne pas voir, dans ce fait, une carence intentionnelle de ce grand ami de l'Emir félon SID AHMED OULD AHMED OULD AÏDA. Appelé à St-Louis, BRAHIM ne manqua pas de protester de son dévouement et de son loyalisme mais il n'en parut pas moins prudent de ne pas le laisser retourner sur les confins comme le permettait sa qualité de chef de goum appointé, agent de l'administration et, comme tel, à la disposition de celle-ci. Sur sa demande, il a été autorisé à séjourner dans le Trarza auprès d'ABDALLAHI OULD CHEIKH SIDIA : il s'y trouve encore et touche sa solde mensuelle de quatre cents francs (voir infra le paragraphe de ce rapport concernant l'Adrar).
BRAHIM a été, de nos auxiliaires du Nord, le seul à se montrer douteux ; tous les autres, au cours de cette longue période d'agitation, ont fait preuve d'un état d'esprit satisfaisant à partir du moment où nous nous sommes mis résolument à la contre-offensive. C'est ainsi qu'au moment de l'agression d'AHMED AL HAMMADI, trente partisans Torchane prenant en chasse en bande de pillards qui, avant l'affaire de Rouissat, s'était séparé du gros du ghazzi, la poursuivent et la rejoignent, vers Lahfeirat, dans ses campements du zemmour (Souaad). Reçus à coups de fusils, les nôtres ripostèrent et ghazzient de nombreux chameaux. Sur la route du retour, ils se heurtent à d'importants éléments du ghazzi qui remontaient vers le Nord, leur coup fait. Au cours de plusieurs engagements, ils perdent six tués et une partie de leurs prises mais parviennent (manque la phrase en bas de page 16) ...l'ennemi dix hommes et enlevé de haute lutte vingt et une montures sellées qu'ils ramènent à Atar avec une cinquantaine des chameaux pris aux Souaad (cf. N° 75/APM du 25 Mai 1932). Cette opération heureuse vint ranimer le zèle des guerriers de l'Adrar qu'avaient fâcheusement impressionnés le départ en dissidence de l'EMIR SID AHMED OULD AHMED OULD AÏDA, la rupture des Reguibat et surtout notre absence de réaction à l'égard de ces derniers après le ghazzi de LAROUSSI OULD BABA HAMOU au Soudan et celui d'AHMED AL HAMMADI dans le long séjour, dans les campements du Ligdam, constituait un véritable défi que l'état des montures de nos Groupes Nomades nous avait empêché (l'état) de relever.
Peu après le retour à Atar des Torchane précités, des Lekdadra, en couverture au Nord de la Maqtoir, se lancent à la poursuite d'un mejbour qui tentait de pénétrer en Adrar, le suivent jusque dans l'Iguidi et enlèvent cent cinquante chameaux aux Ahel Bellao et Ahel Daf (Oulad Moussa) (cf N° 113/AP du 20 Juillet 1932).
Dans l'Ouest, nos méharistes ne restaient pas inactifs : un détachement du Groupe Nomade du Trarza, chargé de patrouiller dans l'Agneitir, le Tijirit et le Tasiast, prend en chasse le 8 Juillet, vers Tanoudert, un groupe de sept rôdeurs (Oulad Bou Sba dissidents et Oulad Délim) qui avait enlevé cinq bergers Barikallah ; mais, mieux montés, les pillards réussissent à décrocher et à se réfugier dans le Rio de Oro, non sans avoir abandonné une partie de leurs bagages (cf. N° 802/APM du 22 Juillet).
Le 8 Août, un mejbour de 10 hommes, guidé par des dissidents de l'Adrar, est éventé à Ben-Amera ; il parvient jusqu'à Yagreff (50 kilomètres au Sud d'Atar) en traversant l'Akchar et l'Anseiga vides de campements et vole une cinquantaine de chameaux à des Oulad Ammoni et Ideichilli. Le chef de goum AHMED OULD KERKOUB part en chasse avec douze heures de retard, rejoint au Nord de Zoug l'arrière garde du mejbour, lui tuant trois hommes, enlevant trois carabines et faisant un prisonnier ; mais il doit abandonner la poursuite, le mejbour s'étant enfoncé en territoire ibérique (cf. N° 95/APM du 19 Août 1932).
Au retour, AHMED OULD KERKOUB recoupe les traces d'un important ghazzi en marche vers le Sud et gagne Atar à marche forcée pour donner l'alerte. Il ne pouvait s'agir que de la bande dont notre service de renseignements avait, le 6 Août, signalé le départ le 26 Juillet, de la région de Smara avec, pour objectif, le Groupe Nomade du Trarza.
Déjà, le détachement de surveillance du Tijirit (cf. supra), trop exposé en raison de la faiblesse de son effectif, avait été ramené plus en arrière pour faire jonction à Toueila avec le gros du Groupe Nomade qui, de Bou Zerbane, avait été, dès le début de l'alerte, envoyé en ce point avec mission de couvrir les campements que la sécheresse au Nord du 19e parallèle avait forcés à se replier dans les Riar Tagoumant.
Le 11 Août, les deux détachements étaient réunis à Toueila.
Le 17, vers seize heures, le commandant du Groupe Nomade apprend par un radiogramme d'Akjoujt, que le ghazzi signalé par notre service de renseignements et par AHMED OULD KERKOUB, était passé le 15 à Hamédoua (Tijirit). Il décide aussitôt de se porter à sa rencontre après avoir renvoyé à Nouakchott son poste de T.S.F. endommagé la veille par une violente tornade : son effectif, cadres compris, était de 105 hommes.
Le 18 au matin, le Groupe Nomade se heurte dans les dunes de Moutounsi au ghazzi, composé d'environ 120 hommes en majorité Oulad Délim et commandé par SOUEDI OULD CHIKH OULD LAROUSSI (cf. Supra) et BRAHIM SALEM OULD MOICHAN (cf. Supra) avec image CHIKH SEGHIR OULD ABIDINE, des Kounta dissidents du Soudan qui, en 1930, était descendu à St-Louis pour demander l'aman et l'autorisation de se fixer en Mauritanie.
Dans cette rencontre sanglante, nous perdions le valeureux Lieutenant de MAC-MAHON, cinq sous-officiers européens, méharistes consommés, dix tirailleurs, vingt et un gardes et un partisan. Mais l'ennemi, de son côté, abandonnait sur le terrain, sans sépulture, vingt-six cadavres et son chef même, SOUEDI OULD CHIKH, devait mourir le lendemain des suites de ses blessures.
Il apparaît inutile de s'étendre sur cette malheureuse affaire et sur ses suites : tout a été dit à ce sujet notamment dans les rapports N°s 169/AP.CF et 225/AP.CF des 16 et 26 Septembre et 31 Décembre 1932 : je veux seulement m'incliner de nouveau, avec une respectueuse émotion, devant nos morts glorieux tombés bravement dans un furieux combat contre la horde ennemie.
Dès l'annonce de l'affaire de Moutounsi, l'ordre était donné à Atar de lancer un détachement aussi puissant que possible pour tenter de couper la route de retour au ghazzi. Ce détachement, fort de cent hommes - gardes et partisans - part de Toujounine le 20 Août. Des traces suspectes le conduisent dans des campements Oulad Bou Sba : une fusillade éclate et notre détachement enlève 150 chameaux dont plusieurs furent identifiés comme ayant appartenu au Groupe Nomade du Trarza et deux carabines dont l'une avait été emportée, en juin, par des partisans du Cercle d'Akjoujt partis en dissidence : ces constatations ne pouvaient laisser aucun doute sur la compromission des Oulad Bou Sba en question avec nos ennemis.