Depuis ce fameux soir du 22 Janvier 2012 où Bedr, le fils du président Aziz, a tiré, à bout portant, sur une jeune fille innocente, la paralysant pour le reste de ses jours, la « famille régnante » ne cesse de nous abreuver de sombres histoires où balles et fusils sont omniprésents. Quelques mois après cet « incident » qui n’a valu, à son auteur si mal nommé, qu’une amende de 50 000 UM, toutes les poursuites ayant été abandonnées avant même d’être entamées, c’est au tour du président himself d’être victime d’une autre « balle amie ». Cette fois, elle est, officiellement, l’oeuvre d’un lieutenant de l’armée, en faction à 40 kilomètres de Nouakchott, qui aurait confondu la voiture présidentielle avec celle d’éléments pouvant être dangereux. Cousu de fil blanc, le scénario n’a pas convaincu grand monde et a même été tourné en ridicule, par l’opinion publique qui y a vu une façon pour le moins maladroite de lui cacher les dessous d’une affaire qui n’a toujours pas révélé ses secrets. Un jour, peut-être…
L’année passée, rebelote. Bedr est transporté nuitamment à l’hôpital militaire. Il se serait tiré, « par mégarde », une balle dans la jambe ! La première leçon ne lui apparemment pas servi à grand-chose. Notre Lucky Luke national ne fait pas un pas sans son arme fétiche. Il se sent sûrement assez peu tranquille pour faire preuve de tant de prudence. Il y a quelques jours, après une dispute avec un employé d’une épicerie pour… une vulgaire mandarine ! – ça ne s’invente pas, ce genre détail – un cousin du Guide éclairé dégaine son arme et lui tire dessus. La balle se loge dans son bras. On a frôlé la catastrophe. Le tireur est arrêté par la police. S’en suit un branlebas de combat. La famille du pauvre employé qui a failli perdre la vie est l’objet d’intenses pressions pour retirer sa plaine. Ce qui fut fait en trois jours, moyennant un bon pactole. Reste, à présent, l’aspect pénal. Or il se trouve qu’il y a quelques semaines, le fils de l’ancien président Haïdalla, qui avait tiré, lui, sur des éléments du Groupement de la sécurité des routes, sans en blesser aucun, a été condamné à deux ans de prison ferme. En de telles circonstances, libérer le cousin du Président aurait fait désordre. La justice a donc retenu contre lui des charges comme « blessures volontaires » ou « port illégal d’armes » et l’a écroué. Pour combien de temps ? Pourquoi n’a-t-il pas comparu aussi rapidement que Bazra ? Que nous mijote-t-on, encore, pour le sortir de ce mauvais pas ? Gageons qu’il ne fera pas de vieux os à la prison civile de Nouakchott. Un autre cousin, qui avait fait main basse sur 400 millions d’ouguiyas appartenant à l’Armée, en 2013, avait été condamné à cinq ans de prison ferme et transféré à Aleg, n’en a même fait le tiers. Il se pavane tranquillement à Nouakchott, roule des mécaniques et profite de son butin. Il ne semble pas, adepte, lui, des menus plaisirs du tir au pistolet et aurait plutôt tendance à s’adjoindre les services de gardes-du-corps. Un créneau pour le petit Bedr ? Peut-être oui, avec un tantinet plus de formation, tout de même, mais, au final, plus probablement non : les balles amies, dans la famille, ça va, ça vient… un peu trop souvent, semble-t-il.
Ahmed Ould Cheikh