Ould Diay et la lutte contre la gabegie: Peut-il mieux faire?

28 August, 2024 - 19:00

C’est la question que tous les Mauritaniens se posent depuis que le président de la République réélu a réitéré sa volonté d’éradiquer ce vice et en a confié la mission à son nouveau Premier ministre Moctar Ould Diay. Celui-ci a confirmé, dès sa première déclaration, qu’il exécuterait sans ménagement cette besogne. Il l’a signifié aux membres du gouvernement et aux autres hauts responsables du pays, désormais tous placés devant leurs responsabilités. Les ministres et secrétaires généraux répondront de la gestion des ressources financières et matérielles que l’État leur a confiées. Une chanson bien apprise et relayée lors de leurs visites de terrain. C’est beau tout ça, peut-être même rassurant. Mais les Mauritaniens veulent plus : ils attendent des actes forts. Le PM l’a-t-il compris, lui qui connaît tout le monde qui grouille autour de lui ?  Les premières mesures prises en ce sens devraient augurer d’une volonté réelle de changement de gouvernance.

Beaucoup restent cependant sceptiques, espérant que le limogeage du directeur général de la CNSS pour organisation non-transparente et frappée du sceau du népotisme d’un concours de recrutement, les suspicions de mauvaise gestion qui secouent depuis quelques jours la SNDE, les accusations portées sur la Commissaire à la sécurité alimentaire (CSA) suspectée, sur les réseaux sociaux et dans la presse, d’avoir pratiqué des recrutements à caractère népotique, ne soient pas que cosmétiques, coups de communication, pétards mouillés. Le limogeage très brusque du directeur de la CNSS, ex-ministre, ex-président du parti du pouvoir et toujours grande notabilité, semble-t-il, enclenchera-t-il une dynamique salutaire ? Peut-être règlement de comptes entre les clans du pouvoir, ce limogeage et le lynchage médiatique qui s’en est suivi pourraient, comme le redoutent les observateurs, heurter les grands lobbies tribalo-régionaux et les pousser à se liguer contre le PM. Celui-ci doit pourtant aller jusqu’au bout… s’il bénéficie réellement de la confiance du Raïs. Sa mission n’est-elle pas de nettoyer les écuries d’Augias ? Il n’aurait donc rien à craindre. Mais il doit être précis ; poursuivre tous azimuts la chasse à la malversation, sans oublier surtout de balayer devant sa porte : des hommes suspectés d’avoir coulé des sociétés publiques continuent à infester les structures gouvernementales et les établissements publics… Faute de quoi, ses détracteurs l’accuseront de règlement de comptes et de deux poids, deux mesures.

 

Des secteurs particulièrement sensibles

Il doit surtout donner un coup de pied dans la fourmilière des constructions de routes ; surtout de la voirie de Nouakchott où nombre de tronçons et de carrefours ont été mal construits et se sont trouvés défaits quelques mois plus tard ; des marchés fortement soupçonnés de corruption sont distribués avec de grosses rétro-commissions ; l’assainissement de notre capitale reste un gros problème, citernes stationnées des semaines, voire des mois, devant des locaux de ses wilayas, attendant des pluies hypothétiques. Le coût est énorme, surtout quand la pluie tombe et que ces citernes doivent pomper les eaux dans une ville sans ouvrages de vidange. On se demande à quoi ont servi les travaux effectués par les Chinois, il y a quelques petites années déjà… Le PM doit revoir toutes les commissions de passation des marchés installées dans les ministères et autres établissements et dont les résultats sont sans effet, sinon très mitigés. Les déclarations de patrimoine des ministres et autres responsables sont en soi une bonne chose mais ce genre d’exercices est très peu crédible en Mauritanie : leurs biens sont dispersés entre épouses, fils, frères, beaux-frères, cousins, et autres parentèles… De fait, c’est le train de vie de nos responsables, signes ostentatoires dont ils font montre au quotidien : châteaux, palais, voitures, terrains, voyages et vacances, bourses de voitures de luxe, etc. ; qui révèle leur véritable patrimoine et ils ne se gênent pas pour l’exhiber au quotidien.

Réputé bosseur et compétent, Moctar Ould Diay doit pister tous les grands chantiers et projets structurants pour débarrasser le pays des ténias, ascaris, et autres amibes qui minent l’Administration. Il a l’avantage, avec surtout l’atout de les connaître tous et, dit-on, la confiance du président de la République qui a passé cinq années à clamer, sans grands effets, sa détermination à éradiquer la corruption. Seul l’ex-président Ould Abdel Aziz et quelques-uns de ses proches ont été jugés pour corruption, alors que l’homme avait tissé tout un système de ratissage dont nombre de responsables continuent à « servir » l’État. Ould Diay peut-il mettre fin à la politique du recyclage des gens suspectés de gabegie ou d’avoir plaidé pour un troisième mandat à MOAA ? Telle est l’autre question que tous les Mauritaniens se posent. Le PM doit donc se battre, montrer la sincérité de son combat, prouver à ses détracteurs qu’il mérite son poste et la confiance placée en lui, démontrant ainsi aux mauritaniens nécessiteux que le gouvernement pense à eux. C’est dire combien ses chantiers sont colossaux. Même si sa nomination au poste a surpris plus d’un, il est très attendu. Pourvu qu’il fasse les bons choix et ne se mélange pas les pédales !

 

D’autres priorités non moins urgentes

Enfin, il ne doit pas combattre que la corruption ; il y a d’autres chantiers prioritaires : consolider l’unité nationale qu’on ne cesse de chanter, sans effets : chaque élection révèle le fossé qui ne cesse de se creuser entre les communautés et les méfiances qui en découlent ; mettre en place une école réellement inclusive, promouvoir la discrimination positive et éradiquer les nombreuses injustices et inégalités. Il faut revoir les politiques de TAAZOUR, de la CNAM, de la CNASS et des grandes sociétés de construction de routes et d’ouvrages agricoles. Le combat ne sera pas facile pour l’homme de Maghtaa Lahjar : le système de corruption est très fortement ancré chez les mauritaniens nantis, chaque fonctionnaire semblant ne penser, quand il monte au bureau, qu’à ce qu’il peut tirer de l’État, et non à quoi pourrait-il lui être utile. Une catégorie de mauritaniens est habitué au vol, à la facilité, à la médiocrité ; beaucoup de nullards poussés par de longs bras infestent l’Administration. Débarrasser le pays de tout cela en cinq ans ne sera certes pas aisé mais il faut quand même le tenter et prouver ainsi aux mauritaniens oubliés, marginalisés, victimes de toutes sortes d’injustices que la volonté est là et se concrétise dans des actions décisives.

Dalay Lam