Chronique: Entre Nous

4 July, 2024 - 09:59

On y va pour une nouvelle décennie. Dix plus dix font bien vingt. Vingt-et-un plus vingt font exactement quarante-et-un. Et si l’on y ajoute les autres quelques années des autres militaires ayant exercé de gré ou de force le pouvoir, on arriverait facilement à quarante-cinq ans d’un système militaro-affairiste qui use et abuse du pays, sans aucune possibilité d’alternance, même de façade. Soixante-quatre moins quarante-cinq, ça fait combien ? Juste les dix-huit ans de feu Moktar auxquels il faut ajouter le petit intermède de feu Sidi. Nous revoilà repartis avec encore cinq ans de promesses de lendemains qui seraient meilleurs. La campagne est finie. Le vote est terminé. Les résultats ont été officiellement déclarés par une certaine Commission électorale très décriée. L’Observatoire a observé. Reste plus que la confirmation du Conseil constitutionnel. Encore une chance pour les contestataires de voir (hhhhhhhhhh) ces délibérations copieusement rejetées pour vice de forme, fraudes massives avérées ou n’importe quel autre motif légal disqualifiant. Finalement, le miracle ne s’est pas produit. Il n’y a même pas eu de surprise. Celui qui devait gagner a gagné. Ceux qui devaient perdre ont perdu. Le classement a été respecté. Qui a dit qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ? Les enjeux n’étaient pas si importants, comme certains voulaient nous le faire croire. Un président sortant. Des centaines d’hommes d’affaires. Des lobbies administratifs aux manettes. Des notabilités acquises à la cause. D’éminences religieuses et autres cercles vicieux agrémentant la comédie. Des dizaines de milliards partis comme ça, en fumées, en soirées de gala, en initiatives fortuites, en excursions mondaines, en joutes musicales, en festivals et cérémonials festifs où rivalisaient des nuées d’applaudisseurs aguerris par des dizaines d’années de répétitions de scènes théâtrales maintes fois ressassées, devant au moins six à sept présidents dont certains sont morts et d’autres oubliés ou en prison. Et puis voilà : Ghazouani ne nous quitte pas. Jamais cinq sans dix ! Comme elle est belle, notre démocratie ! Les autres qui n’ont plus que leurs yeux pour pleurer – pour ceux qui le veulent – ou rire sous cape, pour certains d’entre eux qui n’ont fait que jouer un rôle dans une certaine comédie, 2029, ce n’est pas si loin que ça. Les jours passent tellement vite ! Demandez aux locataires : ils vous diront que le mois est comme une semaine. Le mandat passé, le président réélu avait promis du méchoui. Cette fois, ce sera du poulet que les populations vont déguster. Lui déjà sera bien là, en président. Les hommes d’affaires resteront les mêmes hommes d’affaires, les notables toujours des notables, les marabouts des marabouts. Tout comme les ministres et autres très hauts fonctionnaires qui n’ont absolument rien foutu pendant cinq ans, sauf se la couler douce avec les ressources très énormes d’un peuple qui ne sait plus à quel saint se vouer ; les prédateurs de la chose publique ; les champions toutes catégories de la gabegie, de la corruption et des commissions occultes… Cinq ans au cours desquels rien n’a marché : services de base déficitaires, systèmes éducatif, sanitaire et sécuritaire inopérants, problèmes structuraux style pauvreté massive, chômage des jeunes, détérioration des conditions de vie, cherté des produits vitaux… toujours et encore de vrais défis. Ghazouani a été réélu. Comment ? Peu importe. Bien ou mal élu, soit. Va-t-il enfin se réveiller de sa torpeur ? Salut.      

 

Sneiba El Kory