La Banque Centrale de Mauritanie (BCM) a émis, il y a quelques jours, des instructions (10/GR/2024 et 11/GR/2024) tendant à réviser et à améliorer la réglementation relative aux transactions mobiles, à travers les comptes de paiement Wallet et traditionnels. Les Mauritaniens qui aiment les gadgets et le mimétisme y ont pris goût : même pour des achats insignifiants, on demande au marchand s’il dispose d’un compte Bankily, Masravi, Amanty ou autre. Quasiment une mode. Ces transferts brassent tant de milliards que la BCM s’est vue dans l’obligation de prendre des mesures pour éviter que de l’argent suspect ne transite par ces moyens de paiement, si facilement exploitables par les réseaux de trafiquants de toutes sortes et la corruption qui gangrène le pays.
La BCM a donc fixé une limite maximale pour les mouvements de fonds via applications bancaires, de manière à ce que le solde ne dépasse jamais 200.000 MRU pour une personne physique et 500.000 pour une personne morale. On s’est en effet rendu compte que ces comptes faisaient transiter des centaines de millions dans des transactions dont l’origine et le point de chute n’étaient pas suffisamment identifiés. S’agissant des recharges de téléphone, paiements aux commerçants, factures d’eau et d’électricité, Internet et services administratifs, ils ont été fixés quotidiennement à 40.000 MRU, tandis que le plafond des retraits quotidiens a été fixé à 10.000 MRU. La BCM a exigé du prestataire de services de paiement de faire preuve de diligence raisonnable lors de l’ouverture d’un compte via un téléphone mobile, notamment en « vérifiant que le client ne figure pas sur les listes noires de l’ONU, de celle nationale ou de celle établie par le prestataire de services de paiement ».
Prolifération d’applications
Les applications mobiles sont en train de s’imposer dans le milieu du transfert d’argent. Beaucoup de Mauritaniens les adoptent pour leur facilité d’emploi et leur proximité. On peut les utiliser dans les banques mais également dans les nombreux guichets que les banques ont ouverts un peu partout à Nouakchott. Il suffit d’ouvrir son téléphone, télécharger l’application et hop, c’est parti ! Un tour dans les différents guichets et commerces permet de constater l’engouement des mauritaniens lambda pour ces applications à tout payer ou acheter. On y trouve des clients en rang, les yeux rivés sur leur téléphone, guettant le code d’opération affiché sur le mur ou les grilles de protection des opérateurs. Ils viennent retirer ou transférer de l’argent. Les usagers utilisent également ces applications pour régler les factures d’eau et d’électricité et même pour des achats modiques comme recharger leur téléphone en crédit, payer un grilleur de viande, vendeur de café, de légumes, de poisson ou de viande... Avec ces applications mobiles, votre « compte bancaire » est dans votre poche. Il est fréquent d’entendre des personnes demander à leurs interlocuteurs s’ils disposent d’applications sur leur téléphone, pour recevoir ou envoyer de l’argent. C’est tellement pratique si l’on dispose d’un compte accrédité, alors que les banques n’ont pas, à ce jour, décidé de fournir des prêts aux usagers de ces applications. Ne pas en disposer signifierait, en quelque sorte, « être dépassé ». Ces applications évitent aux usagers de trimballer des montants importants dans leurs poches ou mallettes, une sécurité très appréciée. Mais les opérateurs gagneraient cependant à digitaliser les opérations : elles peuvent prendre du temps, alors que c’est aussi pour en gagner que les gens se rendent à ces guichets. Jusque-là, les agents de ces services sont obligés de consigner sur un registre les numéros de téléphone de personnes ayant reçu ou envoyé l’argent. Par ailleurs, certains « guichetiers » n’acceptent pas de transférer l’argent dans la soirée, craignant que leurs collègues soient déjà fermés. Ils peuvent aussi se retrouver à court de liquidités, à l’instar des guichets des banques. Enfin, certains ferment leur porte très tôt le soir, probablement pour des raisons de sécurité. On se rappelle des attaques dont ils furent victimes à Nouakchott. Des désagréments que ces banques éviteraient en recourant, pourquoi pas, à des guichets automatiques dédis aux applications, amenant ainsi les usagers à se munir de cartes.
Concurrence
L’entrée en force des applications mobiles a démontré combien le transfert d’argent occupe une place importante dans les transactions financières. Les Mauritaniens aiment les services de proximité et plus c’est près, plus on y recourt. On s’adressait auparavant à Gaza et Mauritanie Télécom tout aussi présents dans les grandes villes que dans les coins les plus reculés du pays. Il suffisait de se rendre dans leurs guichets pour soit transférer ou retirer de l’argent. Ces « applications » rendaient et continuent d’ailleurs à rendre service à beaucoup mais elles sont désormais très concurrencées par le premier boutiquier venu. Leurs guichets ne sont plus aussi fréquentés.
Dalay Lam
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Rencontre BCM/FMI/ partis politiques : L’AJD/MR demande des explications
La rencontre entre la Banque centrale, les partis politiques et le FMI a suscité, comme on le sait, une vive polémique entre le président de l’UFP et le président de l’IRA, le député Biram Dah Abeïd. Cette « altercation verbale » devant les partenaires du Breton Woods a occupé les esprits et les débats sur les réseaux sociaux sans qu’on sache véritablement qui a ouvert les hostilités. Mais l’« ncident » cache surtout une autre affaire, à savoir les critères de choix des partis de l’opposition à inviter. Étaient invités, à cette rencontre, Tawassoul, Sawab, FRUD, UFP et Biram Dah Abeïd. Face à cette situation, l’Alliance pour la Justice et la Démocratie, Mouvement pour la Rénovation (AJDM/MR) a réagi à travers son porte-parole, monsieur Bocar Oumar Bâ.
Dans un message posté sur les réseaux sociaux, celui-ci a exprimé l’indignation de son parti, avant de s’interroger sur lesdits critères : est-ce la BCM ou le ministère de l’Intérieur qui a lancé l’invitation ? Ou les institutions étrangères (FMI et BM) qui imposent leurs interlocuteurs ? À qui est réservée la rencontre ? Aux seuls présidents de partis politiques ou à d’autres personnalités triées sur le volet ? Autant de questions soulevées par le porte-parole de l’AJD/MR. Dans un cas comme dans l’autre, « les organisateurs de telles rencontres ne peuvent oublier l’AJD, un parti majeur, doté d’un solide ancrage politique et de surcroît représenté à l’Assemblée nationale », tempête monsieur Bâ. « Pourquoi alors l’AJD a-t-elle été discriminée ? », a-t-il interrogé, suspectant des critères subjectifs. Et de se refuser à croire – ce qui n’aurait en rien minimisé la gravité de la situation – à l’omission d’un parti politique représenté à l’Assemblée nationale, fort d’élus au sein des conseils régionaux et municipaux.
La mission du FMI a séjourné à Nouakchott du 26 Février au 7 Mars 2024 et tenu des réunions avec les autorités mauritaniennes portant sur la deuxième revue du programme appuyé par la Facilité Élargie de Crédit (FEC) et du Mécanisme Élargi de Crédit (MEDC), ainsi que sur la première revue du programme au titre de la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD). « Sous réserve de l’approbation de la Direction générale et du Conseil d'administration du FMI, la Mauritanie bénéficiera de 6,44 millions de DTS (environ 8,58 millions de dollars) dans le cadre de la FEC et du MEDC et d’un premier décaissement de 14,86 millions de DTS (environ 19,79 millions de dollars) dans le cadre de la FRD », précise un communiqué de la mission, « en 2024, la croissance économique atteindrait 4,3% contre 3,4 % en 2023, tirée par la performance du secteur non extractif. L’inflation a fortement ralenti en se situant à 2,6 % en Février 2024 contre 9 % en Février 2023, en raison de la baisse des prix des produits des matières premières et du resserrement de la politique monétaire. En fin 2023, le solde budgétaire primaire non extractif, dons compris, a atteint ‑5,3 % du PIB (contre -7,6 % en 2022). Sur la base des données préliminaires, le déficit du compte courant devrait se réduire à 9,8 % du PIB en 2023 (contre 16,7% à fin 2022). Les réserves internationales se sont stabilisées et se retrouvent à un niveau adéquat de 2,0 milliards de dollars en 2023. »